lundi 14 janvier 2008

SAVOY BROWN

SAVOY BROWN « A Blue Matter » 1968

Dans la constellation British Blues Boom, certains groupes sont restés dans l’oubli. Savoy Brown est un quintet londonien formé en 1966, et dirigé de main de fer par son guitariste Kim Simmonds. Un premier changement de line-up intervient après le premier disque en 1967, « Shake Down ». Savoy Brown trouve alors son line-up de rêve avec, outre Simmonds, Roger Earl à la batterie, Tony Stevens à la basse, Dave « Lonesome » Peverett à la guitare et au chant, et Chris Youlden au chant. S’inclut également un pianiste en guest, Bob Hall.
Armé ainsi, le combo commence une série d’albums de blues-rock impeccable, qui démarre avec « Getting To The Point » en 1968. Mais le meilleur de tous reste celui-ci. D’abord parce qu’il est représentatif des qualités du Savoy Brown de l’époque, mais aussi de sa ligne de conduite. En effet, la plupart des disques du Brown comportent un titre, voire une face en concert. Ici, c’est le cas, avec la face 2 enregistré au City Of Leicester College Of Education le 6 décembre 1968.
Ensuite, on découvre l’unité, et le talent individuel de chaque musicien, ici à son firmament. Tout commence avec le lancinant « Train To Nowhere ». La voix puissante de Youlden, jeune blanc-bec doté d’une voix chaude et grave digne d’un bluesman noir, pleure dans un rythme de tom basse de basse profonde. Progressivement, guitare et cuivres montent en puissance. On voit le train partir du quai, et s’en aller au loin, emportant avec lui l’homme et sa peine.
S’en suit le funèbre et chaloupé « Tolling Bells ». Ce monstrueux blues en mid-tempo commence comme un chant de travail, avant d’exploser avec la voix de Youlden, et la guitare de Simmonds hululant à la lune.
Mais Savoy Brown, c’est aussi quelques incartades dans le Rythm’N’Blues, avec le rigolo « She’s Got A Ring In His Nose, And A Ring On Her Hand », ou encore la superbe reprise de Ike Turner, « Grits Ain’t Groceries ».
Pourtant, c’est bien dans ce blues-boogie poisseux qu’excelle le combo. Là où Fleetwood Mac joue un blues de Chicago impeccable, le Brown pompe l’aspect le plus lourd et le plus sombre du blues pour en ressortir une musique urbaine, crasse, épaisse, mais toujours empreinte d’une grande authenticité blues, totalement crédible face aux aînés noirs américains. On est loin des copies amphétaminées des Stones ou des Yardbirds.
Et c’est ainsi que les plus grandes réussites de ce disque sont les reprises de John Lee Hooker « Don’t Turn Me From Your Door », boogie et lourd à souhait, et le « Louisiana Blues » de Muddy Waters, qui se transforme en une orgie de guitares. On se voit déjà survoler les bayous de Louisiane à cent à l’heure, virevoltant au gré des notes brillantes de Simmonds.
La basse de Stevens gronde, Earl écrase ses fûts, Peverett égraine ses riffs blues épais, et Youlden rugit dans la nuit. Simmonds n’a plus qu’à placer ses accords de Les Paul et de Flying V, tantôt boueux, tantôt électrique en diable. On sent chez lui l’influence de John Lee Hooker et de BB King.
Il faut écouter ses chorus magiques sur « May Be Wrong », lorsque la guitare supplie, gémit, poussée ses derniers retranchements par un groupe en embuscade. Assurément, Savoy Brown fut un immense groupe. Sa période blues s’éteindra avec « Looking In » en 1970, le départ de Youlden en 1970, puis des autres membres du groupe, partis former Foghat. Simmonds se retrouvera seul, et reformera un nouveau Brown avec des anciens Chicken Shack. Le combo s’orientera alors vers un son boogie/ hard-blues très en vogue aux USA (Humble Pie, Led Zeppelin, Cactus, Rolling Stones, Allman Brothers Band…). Sa carrière se fera Outre-Atlantique, disparaissant des mémoires européennes. Simmonds continue à maintenir seul un Savoy Brown en activité, sans grand intérêt. Il reste ces disques, et en fait tous ceux entre 1967 et 1978, impeccables de feeling et sincérité.
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1 commentaire:

Malvers Aurélien a dit…

Moi je veux te remercier encore et encore pour l'initiation à Savoy Brown, c'est incroyable comme leur musique vibre dans mes tripes...Et chaque fois que je tombe sur leur nom dans les bacs, mon coeur s'égaye de tendresse! Merci encore.