jeudi 22 octobre 2020

PETER GREEN 1946-2020

 "Ce qui fait la réputation du groupe, ce sont les simples, tous des compositions de Green : « Black Magic Woman », « Need Your Love So Bad », et surtout « Albatross », qui devient numéro un en Grande-Bretagne."


PETER GREEN : l'étrange poète du Blues

Peter Green est parti discrètement dans sa petite maison de la banlieue de Londres. On pensait le personnage oublié de tous, sa disparition subite a pourtant crée un émoi important chez tous ceux qui aimèrent le Rock de la fin des années soixante. Si sa carrière fut erratique, et son succès aussi court que fulgurant, sa musique marqua des générations de musiciens, et nombre de groupes puisèrent des idées originales, reprenant ses morceaux. Personne, par contre, ne sut capter aussi bien la sensibilité du Blues électrique tel que le fit Peter Green, une mélancolie profonde qui lui était propre.


Né Peter Allen Greenbaum le 29 octobre 1946 dans le quartier de Bethnal Green à Londres, il est issu d'une famille de classe moyenne d'origine juive, au sein d'une fratrie de quatre enfants. Peter est autodidacte de la guitare, comme beaucoup de musiciens anglais de cette époque. Dès quinze ans, il commence à jouer dans des groupes. C'est avec Peter B And The Looners, la formation crée par le pianiste Peter Bardens, qu'il enregistre son premier disque : le quarante-cinq tours « If Youy Wanna Be Happy/Jodrell Blues ». 

 

Peter B And The Looners tourne dans le circuit des clubs Rythm'N'Blues, et Peter Green se fait remarquer par John Mayall. C'est à lui que Mayall fera appel en octobre 1965 lorsque Eric Clapton fera faux bond pour quatre concerts. Il le remplace définitivement en juillet 1966 lorsque Clapton accepte la proposition du batteur Ginger Baker de créer un trio Blues : Cream.

La tâche n'est pas aisée. L'album Blues Breakers de John Mayall With Eric Clapton publié en juillet 1966 a fait forte impression, ouvrant la voie au Blues anglais à guitares virtuoses, et donnant envie à des milliers de jeunes anglais de se mettre à la guitare. Le son du disque a aussi révolutionné la prise de son : Clapton a imposé que ses parties soient enregistrées en direct en studio, à partir du son de son amplificateur Marshall, et non la guitare directement branchée dans la console de studio.

 

A Hard Road sort en février 1967, et se montre largement à la hauteur de son prédécesseur. Peter Green y est moins démonstratif que Clapton, mais son toucher chaud et inspiré illumine le disque. Green est aussi meilleur compositeur, apportant deux morceaux de son cru : « The Supernatural » et « The Same Way ». Enfin, il accompagne au chant Mayall, et se révèle comme un très bon vocaliste. Mayall le sait : avec un tel talent, Green ne restera pas longtemps dans son groupe. Alors que Clapton s'impose aux USA avec Cream, et qu'un jeune guitariste américain, Jimi Hendrix, est en train de bouleverser la donne du Rock électrique en Grande-Bretagne, Peter Green a toutes les qualités pour créer son propre groupe et s'envoler.

 

C'est ce que qu'il va faire à la mi-1967. Il fonde son ensemble avec le batteur démissionnaire des Bluesbreakers : Mick Fleetwood. Un jeune guitariste, as de la slide, est recruté : Jeremy Spencer. Bob Brunning prend la basse le temps que John MacVie, toujours dans les Bluesbreakers, en termine avec ses engagements. Le quatuor se produit pour la première au Festival de Windsor en août 1967. Cette prestation leur permet de signer sur le label Blue Horizon que Mike Vernon vient de créer, et consacré au Blues. 

 

John MacVie les rejoint, et le groupe entre en studio. Le nom de la formation sera un alliage malicieux des patronymes du batteur et du bassiste, Green pensant qu'ils sont l'épine dorsal du groupe. Le futur lui donnera raison, MacVie et Fleetwood étant les deux seuls musiciens originels encore présents dans Fleetwood Mac. Déjà, le guitariste tente de rester dans l'ombre. Il refuse d'être la figure de proue, il se considère comme le membre d'une entité, et non le leader. Toutefois, c'est bien sur ses épaules que repose le succès potentiel du quatuor. Aussi, lorsque sort le premier disque en février 1968, il s'appelle Peter Green's Fleetwood Mac.

Si l'album est brillant, Peter Green s'y montre très économe dans ses interventions, laissant le champ libre à la slide et au chant de Jeremy Spencer. Il dévoile aussi une philosophie du Blues très particulière en cette ère hippie. Fleetwood Mac pratique une musique proche de l'os, inspirée par les maîtres du Blues noir américain, avec une forme de spleen urbain rampant. 

 

Le disque atteint la 4ème place des ventes en Grande-Bretagne, et Fleetwood Mac est l'un des nouveaux phénomènes de la musique anglaise, à contre-courant des innovations sonores des Beatles, et des démonstrations pyrotechniques de Cream et Jimi Hendrix Experience. Les quatre musiciens sont habillées de manière très simple, presque pouilleuses : tennis ou Clarks usées, jeans, chemises à carreaux ou tee-shirts, vestes élimées. Ils vivent dans de petits appartements, ou chez leurs parents, comme Green. Clapton encourage Peter à s'habiller à la mode, et il refuse, n'y voyant pas l'utilité. Seule la musique compte, et parle pour lui, pas besoin d'artifice.

 

En août 1968, le second album de Fleetwood Mac sort : Mr Wonderful. Un troisième guitariste est embauché : Danny Kirwan. C'est un jeune protégé de Green d'à peine dix-huit ans. La tournée américaine qui a suivi la sortie du premier album a été un grand succès, et Peter cherche à tout prix à fuir son statut de leader. Les sets se partagent entre les boogies à la Elmore James de Jeremy Spencer, et les belles pièces de Blues inspiré jouées par Green. Son jeu fin et gorgé d'émotion fait mouche à chaque fois, et qu'il le veuille ou non, c'est lui qui brille systématiquement. Un troisième guitariste lui permettra peut-être de se diluer un peu plus dans l'entité Fleetwood Mac. Le nouvel album est encore très inspiré par le Blues noir. Quelques cuivres font leurs apparitions pour enrichir le son. Toutefois l'album s'englue dans les Blues slidés de Spencer, qui se ressemblent tous.

 

Ce qui fait la réputation du groupe, ce sont les simples, tous des compositions de Green : « Black Magic Woman », « Need Your Love So Bad », et surtout « Albatross », qui devient numéro un en Grande-Bretagne. Cet instrumental maritime impose l'alliage des trois guitares en harmonie, une technique qui va être réutilisée à grande échelle par Wishbone Ash, Thin Lizzy, Judas Priest et Iron Maiden. Quant à « Black Magic Woman », elle sera l'un des premiers succès de Santana aux USA en 1970.

 

Le début de l'année 1969 est consacrée à une tournée américaine durant laquelle le groupe enregistre aux Studios Chess en janvier avec quelques figures du Blues de Chicago : Willie Dixon, Otis Spann, JT Brown… D'abord sceptiques face à cette bande de petits blancs, les bluesmen se laissent convaincre. Willie Dixon racontera que lorsqu'il entendit pour la première fois le jeu de Peter Green dans la cabine de mixage, il pensait qu'il s'agissait d'un musicien noir. 

 

Les tournées américaines au coeur des années 1968 et 1969 ne sont pas sans impact sur Green, musicalement parlant. Lui et Kirwan sont fascinés par les formations psychédéliques qui improvisent longuement : Santana, Jefferson Airplane, Grateful Dead, Quicksilver Messenger Service… Les mélodies West-Coast ainsi que cette liberté d'interprétation marquent le troisième album studio de Fleetwood Mac qui sort en septembre 1969 : Then Play On

 

Fleetwood Mac tourne intensément, et notamment aux USA. En deux année à peine, le quintet a sorti quatre albums avec le disque des sessions Chess, auxquels s'ajoutent les albums américains comme English Rose. L'idée d'un double live commence à germer dans la tête du label et du groupe, les prestations en direct étant ce qui rend le plus justice à la musique de Fleetwood Mac. Les concerts à la Boston Tea Party du 5 au 7 février 1970 sont captés, mais les enregistrements ne verront le jour de manière complète qu'en 1998.

 

En mars 1970, Fleetwood Mac est en tournée en Europe. Des tensions sont apparues au sein du groupe, car Peter Green encourage les autres musiciens à donner leur argent à des œuvres de bienfaisance. Le guitariste considère qu'on ne peut pas comprendre la souffrance du Blues noir américain si l'on vit dans l'opulence. 

 

Le 22 mars, ils jouent à Munich. Ils sont ensuite invités par un couple au look inquiétant : Rainer Langhans et Uschi Obermaier. Les deux font partie de l'élite artistique et intellectuelle d'extrême-gauche allemande. Peter Green accepte, et ce n'est qu'au petit matin qu'il sera récupéré dans une grande villa par l'équipe du groupe. Les témoignages diffèrent, du plus rassurant au plus alarmiste, certains décrivant une véritable vision de l'Enfer. Une chose est certaine, c'est que Peter Green s'est amusé comme un fou en jammant avec des musiciens de la scène Krautrock : Amon Duul II, Neu, Can… Cette soirée sera appelée « l'Incident de Munich », car c'est selon les membres de l'entourage du groupe, le début de la fin de la formation originelle. On parle de consommation abusive d'un LSD surpuissant, voire d'emprise ésotérique, qui vont provoquer les départs successifs de Green, Spencer et Kirwan. 

 

En réalité, Peter Green est épuisé par les tournées interminables, et la jam à Munich lui a ouvert l'esprit à une musique plus inventive, plus libre. Le Blues que pratique Fleetwood Mac est trop restrictif, et il est persuadé que les musiciens du Mac sont trop limités techniquement pour se lancer dans des improvisations type Krautrock. Green fait connaître son intention de quitter Fleetwood Mac une fois l'ensemble des engagements déjà signés honorés. Son départ est effectif en mai 1970. 

 

Il débute l'enregistrement d'un premier album solo dans l'esprit de ce qu'il a joué à Munich, mais les sessions de mai ne donnent rien. Finalement, ce sont celles des 8 et 9 juin aux De Lane Studios de Londres, sous la houlette de Martin Birch, qui serviront de base à ce disque. Green est accompagné de Zoot Money au piano, d'Alex Dmochowski à la basse, de Nick Buck au piano électrique et à l'orgue, et de Godfrey MacLean à la batterie. Green se met ensuite au service de différents groupes et musiciens pour des sessions de studio : Gass, Toe Fat, Memphis Slim, Peter Bardens, Country Joe MacDonald. 

 

A l'automne, les bandes de ce qui va devenir The End Of The Game sont mixées par Green avec Birch sous la forme de six morceaux instrumentaux, peu de temps avant qu'il parte aux Etats-Unis pour un voyage d'agrément. Le disque sort le 20 novembre 1970, et déstabilise autant la critique que le public. Le don de Peter Green est au service d'un jazz-rock sauvage, à la limite de la démence, où chaque note de guitare est un mot. 

 

Après une dernière jam à la Warehouse de Londres en septembre, il vend sa précieuse Gibson Les Paul à un jeune guitariste irlandais qu'il apprécie : Gary Moore, alors membre de Skid Row, qui fit la première partie de Fleetwood Mac plus tôt dans l'année. Il revient à Londres en décembre 1970. Il monte un nouveau groupe avec Nigel Watson et Clifford Chewaluza aux percussions. Le simple « Heavy Heart/No Way Out » sort en janvier 1971. Le premier morceau est fantomatique, quelques percussions surmontées d'un chorus hantée. Le second est une jam bourdonnante de basse sur laquelle Green vocalise, comme possédé.

 

Il est ensuite appelé à la rescousse par Mick Fleetwood pour remplacer Jeremy Spencer au sein de Fleetwood Mac, parti subitement dans une secte, Les Enfants de Dieu, sur une tournée américaine en février et mars 1971. Les concerts seront particulièrement éprouvants à cause du comportement de Green. Ce dernier refuse de chanter, et de jouer le moindre solo, à part sur de longues jams pouvant dépasser la demi-heure. Il pousse donc Danny Kirwan, terrifié par le trac depuis toujours, à se mettre en avant, à chanter et à jouer les chorus. Kirwan plonge alors de plus en plus dans l'alcool pour tenter de calmer son stress. Les set-lists sont inexistantes, et lorsque les musiciens montent sur scène, ils ne savent pas à l'avance ce qu'ils vont jouer. Toutefois, cette tournée américaine sera bénéfique, et les imposera auprès du public US grâce à leurs audaces électriques.

 

En juin, il enregistre un dernier simple avec Nigel Watson : « Beast Of Burden/Uganda Woman ». En octobre 1971, il effectue une session avec BB King. C'est à la suite de celle-ci que King dira que Green est le seul guitariste qui lui ait donné la chair de poule. Mick Fleetwood l'invite sur l'enregistrement en janvier 1973 du morceau « Nightwatch » destiné à l'album Penguin de Fleetwood Mac. Green a déjà grossi, et reste prostré la plupart du temps. Il a été diagnostiqué schizophrène, et a commencé plusieurs traitements psychiatriques médicamenteux. Sa carrière musicale s'est perdue au milieu des sessions et de la folie, devenant incapable de construire avec un groupe ou des musiciens ce qu'il a en tête.

 

Entre 1972 et 1978, c'est une période d'errance. Green est pompiste, fossoyeur, serveur… Seul Mick Fleetwood garde le contact avec son ami, et fait tout pour le remettre en selle en tant que musicien. En 1977, il est arrêté par la police pour avoir menacé son comptable avec un fusil. Les versions divergent là encore. La plus connue veut qu'il l'ait menacé car il ne voulait plus toucher d'argent de son ancienne carrière. Green expliquera en 2011 qu'il était au Canada, et à cours d'argent, il avait appelé son comptable. La discussion s'envenimant quelque peu, il aurait fait entendre qu'il allait revenir avec une arme à feu. Connaissant l'état psychiatrique du guitariste, le comptable a alors aussitôt appelé la police.

 

Green retourne en établissement psychiatrique pour reprendre ses « traitements ». Outre les médicaments, il subit des séances d'électrochocs, méthode très utilisée dans les établissements britanniques, comme en fait référence le film de Stanley Kubrick : Orange Mécanique. En 1978, Michael Green, voyant son frère décliner, décide de le faire sortir et de l'héberger chez lui.

 

Avec l'aide de Mick Fleetwood, Peter Green reprend une carrière musicale avec le simple « The Apostle » en 1978, puis avec le très bon album In The Skies en mai 1979. La musique y est apaisée, rêveuse, mais toujours empreinte de cette mélancolie tourmentée. Le Blues est de retour en filigrane, et Green y joue merveilleusement bien. Il débute alors une série d'albums solo inégaux sur lesquels son frère Michael compose la plupart des titres. White Sky de 1982 est un autre sommet de cette période, disque troublant, à l'atmosphère étrange, au bord du précipice, qui annonce une nouvelle rechute. Parallèlement à ses albums, Green participe à l'album Tusk de Fleetwood Mac en 1979, et à l'album solo de Mick Fleetwood de 1981, The Visitor, avec une fantastique version de « Rattlesnake Shake ».

 

Après l'album Kolors en 1983, Peter Green retourne dans son mutisme. Ses derniers concerts avec le groupe Kolors le montre barbu, bouffi, vêtu d'un boubou en toile, un bonnet et des sandales, la voix éteinte, le regard perdu. Il fait encore quelques sessions pour les amis, notamment le projet Katmandu en 1985 avec Ray Dorset de Mungo Jerry et Vincent Crane d'Atomic Rooster.

 

En 1997, il fait son retour avec le soutien de Nigel Watson, qui fonde le Splinter Group avec Cozy Powell et Neil Murray. Green retrouve un rythme de sortie d'un disque par an, rare pour les années 90. S'agit-il d'une frénésie créatrice après tant d'années d'errance ? Peter Green retrouve le Blues, et les disques sont de qualité constante, avec une petite préférence pour le premier album, et l'album de reprises de Robert Johnson : The Robert Johnson Songbook en 1998. 

 

Le Splinter Group se termine en 2004 dans un curieux contexte. Officiellement, Peter Green est parti pour rejoindre la tournée British Blues All Stars après s'être installé en Suède. En réalité, une procédure a été engagée contre Nigel Watson pour abus sur personne fragile, la famille de Peter Green considérant que Watson essorait Peter pour mener sa propre carrière en profitant du nom lucratif du célèbre guitariste.

Green va encore effectuer quelques concerts à la fin des années 2000, avant de se retirer tranquillement dans sa maison de Londres. En 2018, la célèbre Gibson Les Paul à micro inversé « Greeny », qui appartint à Gary Moore jusqu'à sa mort en 2011, est rachetée pour 350 000 dollars par Kirk Hammett de Metallica. Depuis, il équarrit ses gros riffs Thrash sur ce précieux instrument, effaçant définitivement toute sonorité Blues pouvant encore résonner dans le bois de la guitare.


Mick Fleetwood a organisé il y a quelques mois un concert hommage à Peter Green à Londres avec un line-up all stars : David Gilmour, Pete Townshend, Joe Perry, Steven Tyler, Kirk Hammett… Outre le prix indécent de l'entrée (260 euros), les extraits publiés sur le web font peine à voir, la palme étant décernée à Hammett labourant sur la précieuse « Greeny » un solo en shred censé évoquer le Blues de Peter Green.

Il était sans doute temps que le vieil homme torturé s'en aille paisiblement après une vie tourmentée, quittant ce monde absurde et formaté. Il laisse derrière lui une douzaine d'albums précieux et hantés, lui, le génie obscur de Fleetwood Mac, l'étoile noire du Blues anglais.


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lundi 6 juillet 2020

STAN WEBB - CHICKEN SHACK - BROKEN GLASS 1970-1976 PART 2


"Avec ce disque, le guitariste règle ses comptes avec tout le monde "




Stan Webb poursuit son aventure avec Paul Hancox, et un nouveau bassiste d'origine australienne du nom de Bob Daisley. Le groupe effectue une tournée britannique avant que Daisley ne se voit proposer le poste de bassiste du groupe de Mungo Jerry, qui a obtenu plusieurs hits : 'In The Summertime' en 1970 et 'Baby Jump' en 1971. Daisley reviendra pourtant en 1974 auprès de Stan Webb, qualifiant lui-même l'expérience musicale avec le guitariste de passionnante.


L'album 'Unlucky Boy' de Chicken Shack en août 1973, et accentue toute la résignation de Webb. Déjà sur le sublime 'Imagination Lady', le dernier morceau s'appelait 'The Loser'. Cette fois, on voit le guitariste au milieu d'une caricaturale remise de disque d'or en couleurs, tout sourire, entre secrétaire, homes d'affaires et peut-être sa maman. Le verso montre Webb se faisant prendre en photo en noir et blanc avec la femme de ménage de Deram.


Malheureusement, 'Unlucky Boy' ne poursuit pas la trajectoire toute en puissance de 'Imagination Lady'. Il y a pourtant de merveilleux morceaux d'une noirceur rare. 'You Know You Could Be Right' qui ouvre le disque est un titre blues-rock massif, urbain, radical. Il est suivi par le poignant 'Revelation'. Le blues-rock se fait plus fainéant. Il réside cette amertume puissante dans la bouche. Il n'est pas question que de blues-rock, mais aussi d'âme torturée. Et sans le savoir, Webb les bouleverse.


Le disque ouvre la voie à une nouvelle tournée. Chicken Shack se lance dans le circuit des universités anglaises en compagnie de Savoy Brown. C'est à la Brunel University en 1973 que fut capté le concert d'un live sorti en février 1974 : 'Go Live'. Le groupe n'est que celui de merveilleux mercenaires du blues-rock : Rob Hull à la basse, Dave Wilkinson au piano électrique, et Alan Powell à la batterie. Témoignage du talent du quatuor, il n'a pas retrouvé la folie saturée du 'Imagination Lady'. Stan Webb joue un blues-rock brillant, presque trop carré. Pourtant il témoigne d'une mélancolie profonde. Webb ne cherche plus la respectabilité vis-à-vis des années, pas plus que celle face à la concurrence heavy-blues. Il a baissé les armes, et traîne son spleen électrique sur de superbes compositions, qu'elles soient siennes ou non : 'Thrill Is Gone', 'Goin' Down', 'You're Mean', 'Poor Boy'….


Chicken Shack s'éteint, et Kim Simmonds vient bientôt solliciter Stan Webb. Il avance aussi pour chercher Miller Anderson du Keef Hartley Band. L'idée est de créer une sorte de super-groupe du blues anglais. Le groupe prend forme, mais prend rapidement le nom de Savoy Brown, parce que le plus évocateur aux Etats-Unis selon le manager de Savoy Brown : Harry Simmonds, frère de Kim. Savoy Brown nouvelle formule enregistre 'Boogie Brothers' en 1974, qui frise le Top 100 US à la 101ème place. Webb ne s'y implique guère en tant que compositeur, sur la réserve, méfiant. Ils sont programmés dans les plus belles salles américaines, et notamment le Madison Square Garden de New York. Stan Webb donne tout ce qu'il a en tant que show-man, découvre qu'il n'est payé que comme musicien de session. De plus, alors que la tournée s'achève et que personne n'a encore touché un centime, Harry Simmonds annonce aussitôt qu'il faut repartir dans l'autre sens pour autant de shows. C'est la goutte d'eau. Le départ de Webb marque la fin de cette formation de Savoy Brown. Kim Simmonds réanimera le groupe un an plus tard avec le fidèle Paul Raymond.


Stan Webb reforme aussitôt un groupe comprenant le dévoué Bob Daisley à la basse, Robbie Blunt à la guitare rythmique, et Bob Clouter, ex-Legend de Mickey Jupp. Ils font la première partie de Deep Purple en Europe en mars 1975. Un bel enregistrement sort en 2015, une bande issue de la collection de Daisley, capté en Allemagne sur cette tournée. Le groupe joue serré. Ritchie Blackmore est un grand admirateur, lui qui n'a jamais su jouer le blues comme ses idoles que sont Hendrix et Clapton. Il admire les alternances de notes déliées et d'accélérations, ainsi que l'usage tout en nuances de la wah-wah de Webb. Il prendra des cours en coulisses avec Webb pour user de la bottleneck.


Le disque paru en 2015 mentionne le nom de Chicken Shack, ce qui est alors le cas sur cette tournée en compagnie de Deep Purple en Grande-Bretagne et en Allemagne en mars 1975. Le groupe Elf, dont le chanteur n'est autre que Ronnie James Dio, est aussi à l'affiche, en ouverture. Puis, Stan Webb cherche à couper avec son passé Blues. Certes, le répertoire des concerts précédents sont une magnifique mixture de morceaux de Blues, de Rythm'N'Blues et de vieilles scies de Chicken Shack, mais le guitariste veut donner à sa musique une couleur plus Rock. La formation devient donc Stan Webb's Broken Glass. La formation évolue au cours de l'année.


Bob Clouter s'en va. Bob Daisley accepte de rejoindre un super-groupe nommé Widowmaker, et réunissant les guitaristes Luther Grosvenor de Spooky Tooth et Mott The Hoople et Huw Lloyd-Langhton de Hawkwind, le chanteur Steve Ellis de Love Affair, et le batteur Paul Nichols de Lindisfarne. Puis il rejoindra Rainbow en 1977, formation réunissant Ritchie Blackmore et Ronnie James Dio.


Webb fait appel au batteur Mac Poole de Warhorse et à Bob Rawlinson à la basse. Keef Hartley a aussi fait un court intérim, et Miller Anderson est venu jouer en ami. Broken Glass sort son premier et unique album en 1975 chez Capitol Records. La superbe pochette est faite de verre brisée, de sang et de vieille mécanique.


Stan Webb jette sur ce disque tout ce qu'il aime à ce moment, sans plaire à son public ni à séduire une audience mainstream qui est entre le Glam-Rock, le Rock Californien et le Disco. Le 33 tours s'ouvre sur l'une des plus belles compositions de Webb : 'Standing On The Border'. Il y évoque avec de l'ironie mais aussi beaucoup d'amertume son divorce. Le titre est rageur, à la fois sombre et brillant d'une lumière pâle et désenchantée. Miller Anderson est venu prêter main forte à la guitare slide et au chant. Mac Poole imprime un tempo rude, puissant, brutal, sec, mais incroyablement solide. Le timbre de Webb se voile, se gorge de colère et de désespoir. L'homme est presque à nu, ne se cachant plus derrière une pointe d'humour. Les voix de Anderson et Blunt se croisent superbement sur le refrain, tels des Crosby, Stills And Nash du Blues.


'It's Alright' poursuit la déstabilisation de l'amateur de blues anglais, avec une atmosphère brumeuse et quelques réminiscences… Funk. Rawlinson débute le titre avec une ligne de basse souple, Blunt et Webb croisent leurs guitares en laid-back, mi-blues, mi-soul-funk. Le solo de Webb n'est pas sans rappeler ceux de Mark Knopfler en 1978 avec Dire Straits, tout en picking à peine saturé. Stan Webb chante merveilleusement bien sur cette mélodie mélancolique et narquoise. Tout va bien pour moi, hein, t'inquiètes. Même si la chanson suit celle qui évoque son divorce….


Broken Glass finit de perdre les derniers amateurs de Chicken Shack avec 'Keep Your Love', qui n'est autre qu'un… reggae ! Certes, Eric Clapton avait repris Bob Marley et son 'I Shot The Sheriff' dès 1974. Pourtant, ce morceau original a bien plus de reggae dans les veines que la reprise de Clapton. D'abord, il y a ce superbe rythme syncopé accompagné de sa ligne de basse inventive, parfaitement imbibé de musique jamaïcaine, et notamment celle de Toots And the Maytals et de Jimmy Cliff dont Webb imite parfois le timbre. Un orgue Hammond vient apporter du corps, et les choeurs de Anderson et Blunt rappellent ceux des Maytals. Le résultat est aussi surprenant que réussi. C'est un excellent morceau, audacieux.


'Can't Keep You Satisfied' retourne sur les terres du Blues ancestral, celui qui berça les origines de Chicken Shack. Mais il y traîne une brume étrange. La slide gluante imprime une drôle d'atmosphère, tout comme la section rythmique collante. Il y a quelque chose de Pub-Rock qui frissonne entre ces gammes, avant l'explosion de guitare de Webb, impérial et concis. L'instrumentation minérale donne une drôle de sensation. Mais depuis le début, cet album a un je-ne-sais-quoi de prolétaire, d'urbain, de triste, de mélancolique. Il ressemble à une rue de maisons de briques descendant vers la mer, sur une jetée froide et venteuse où se balancent de fiers bateaux de pêches aux contours rouillés.


'Jersey Lightning' est une petite pochade Country-Blues fort réussie. Elle est suivie par l'une des plus réussies des reprises Rock de 'Evil' de Howlin' Wolf. Le vainqueur est celle de Cactus, mais Broken Glass perd de peu. Il y a beaucoup de choses dans ce morceau : la progression du riff électrique, les ponts Funk, la voix narquoise de Webb, les choeurs Soul de Miller Anderson.


'Ain't No Magic' est sans doute ce qu'il y a de plus surprenant à écouter de la part de Stan Webb. On y croise du Funk lourd, notamment imprimé par la basse de Rawlinson, et un synthétiseur moog. Webb chante comme un acteur, sa voix nasillarde et grave est parfois déformée, comme une illusion sonique. La chanson est obsédante jusqu'à la moelle, faite de motifs répétitifs rappelant Can.


'Crying Smiling' est un morceau plus ensoleillé, entre Blues et Rock. 'Take The Water' est une redoutable embardée Funk. Stan Webb se prend pour James Brown, le reste du groupe pour Funkadelic. Cette belle improvisation démontre encore combien Stan Webb a du talent à intégrer de la musique hors du blues classique. 'Broken Glass' et son âme triste clôt un disque superbe. C'est une superbe chanson acoustique, imbibé de Folk anglais : Davy Graham, Bert Jansch, John Renbourn. La suite sera une tournée de Broken Glass en première partie de Uriah Heep en février 1976 en Allemagne.


Mais surtout, le Punk viendra, et fera des guerriers Blues-Rock des losers. En 1976, Stan Webb a trente ans. Il forme un nouveau groupe : Stan Webb's Speedway. Il fait le Marquee à Londres, il suit les mêmes circuits que le Heavy-Metal de l'époque : Samson, Tygers Of Pan-Tang, Sledgehammer, Angel Witch. Il joue ses standards préférés de Blues et de Rythm'N'Blues dans des salles de plus en plus petites, aux côtés de briscards comme Groundhogs ou Stray. Et Stan est toujours là, entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Il joue, imperturbable, et les vagues ne l'inquiètent guère.



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jeudi 18 juin 2020

STAN WEBB - CHICKEN SHACK - BROKEN GLASS 1970-1976 PART 1


"Webb traîne surtout dans ces lieux où le Rock sauvage et le Blues existent encore. "




Du verre brisée

Le Harrow Inn, à l'Est de Londres. C'est un pub doté d'une salle de concert à l'arrière, construite sur un terrain vague. C'est une bicoque de planches peintes en blanc, avec des fenêtres de récupération, le genre de salle qui permet à tout le quartier de profiter de la musique aussi bien que les spectateurs. Le guitariste Stan Webb et son groupe Chicken Shack y font une halte après un périple européen revigorant. Le dernier album, 'Imagination Lady', a eu un grand succès en Allemagne, en Scandinavie et en Italie. Chicken Shack est un trio dont le line-up a déjà évolué depuis l'album. Webb tient la guitare et le chant, Bob Daisley la basse, et Paul Hancox la batterie. John Glascock, qui tenait la potence à quatre-cordes sur le disque, s'est sauvé pour remplacer lucrativement Glenn Cornick dans Jethro Tull. Il y restera jusqu'à sa mort tragique en 1979.


Stan Webb revient de loin. En 1971, Chicken Shack explose, les trois-quarts de la formation était en partance pour les frères-ennemis Savoy Brown, dont la carrière décolle aux Etats-Unis. Déjà, le scénario avait merdé, lorsque la pianiste-chanteuse Christine Perfect s'en alla pour se consacra à la vie de famille avec son mari, John MacVie, bassiste de Fleetwood Mac, en 1969. Chicken Shack avait flirté avec le succès commercial grâce à ses deux premiers albums de blues anglais : '40 Blues Fingers, Freshly Packed, And Ready To Serve', n° 12 en Grande-Bretagne, et 'OK Ken ?' en 1969, n°9. Le simple 'I'd Rather Go Blind' fut n°14, et ouvrit le marché européen à Chicken Shack. Pourtant, Christine choisit de partir à ce moment-là.


Le coassant et guignolo Stan Webb s'en remet avec une pirouette, et c'est un petit gars, issu du groupe pop Plastic Penny, qui prend la relève : Paul Raymond. Seulement voilà, Raymond n'est pas encore le compositeur affûté de Savoy Brown et de UFO à la fin des années 70. Discret, appliqué, il joue sa partition, mais n'insuffle pas l'énergie désirée. Stan, lui, encaisse le départ de Christine, qu'il ne regardait pas qu'avec les yeux de la partenaire créative dans un groupe en plein essor. Il l'aimait, Christine, secrètement. Et lorsqu'elle officialisa sa relation avec John MacVie, puis quitta le groupe pour se consacrer à son homme, Webb eut le coeur arraché. Lui, le grand branquignol, drôle, intelligent, brillant guitariste, qui insista pour que Christine Perfect se joigne à eux parce qu'il croyait en son talent plutôt que de s'ennuyer comme vendeuse dans une boutique, était désormais seul avec un groupe à conduire. Et il n'avait pas plus d'âme que son désormais leader, déboussolé.


'100 Ton Chicken', sorti en novembre 1969, se veut plus Pop, mais il ennuie. Cette année-là, il y a tellement plus existant. A commencer par les copains de Led Zeppelin. Stan Webb et le Chicken Shack original sont originaires de Birmingham, comme Trapeze avec Glenn Hughes, Black Sabbath, Judas Priest, mais surtout Robert Plant et John Bonham. Les 'I' et 'II' ont depuis balayé le Blues plus appliqué de John Mayall, Savoy Brown et Chicken Shack. Il faut de la puissance. Webb sait se montrer sauvage, mais cela ne s'entend pas forcément sur disque.


Il tente le coup avec l'album suivant : 'Accept' en 1970. Le son est plus vigoureux, avec le brillant 'Telling Your Fortune' notamment. Chicken Shack retrouve les plateaux de télévision, notamment en Allemagne au Beat Club, mais pour jouer des choses plus sucrées comme 'Tears In The Wind' du disque précédent. Webb donne tout au Festival de Montreux la même année, mais Chicken Shack est dans l'impasse. Stan voudrait emballer la machine, mais sa formation un brin rigide ne le suit pas vraiment. C'est à ce moment précis que le bassiste Andy Sylvester, l'organiste Paul Raymond, et le batteur Dave Bidwell sont appelés à renflouer le navire Savoy Brown qui a vu…. La totalité de ses musiciens se sauver pour former Foghat, le guitariste-leader Kim Simmonds se retrouvant seul !


Londres fourmille de bons musiciens à cette époque. Mais Webb traîne surtout dans ces lieux où le Rock sauvage et le Blues existent encore. Car en 1971, c'est l'explosion du Glam-Rock. David Bowie est en pleine ascension, Marc Bolan signe « Ride A White Swan » et « Get It On ». Slade et Sweet arrivent. La guitare virtuose et crasseuse n'est déjà plus à la mode.
Chris Welch du Melody Maker vient partager une pinte avec John Bonham de Led Zeppelin, et y retrouve également un Stan Webb rigolard mais dont le moral n'est pas tant au beau fixe qu'il semble vouloir le montrer. L'après-midi va finir en déconnade survoltée, où les vieux compères de Birmingham Webb et Bonham vont finir en travestis dans un restaurant en soirée, mettant une pagaille indescriptible. Les deux compères se retrouvent alors régulièrement, les bureaux du manager de Led Zeppelin Peter Grant et ceux de Webb sont situés dans le même immeuble à Central London, ce qui leur permet de noyer leur ennui pour l'un, leurs désillusions pour l'autre dans de grandes pintes de bière brune.


Comme si cela ne suffisait pas, Webb perd son label. Blue Horizon s'oriente vers des musiques plus progressives, moins Blues, et Chicken Shack, pour l'heure quasi-mort, n'est plus forcément le bienvenu malgré les bons scores du simple 'Tears In The Wind' en Allemagne. Webb signe avec Deram, la filiale progressive de Decca, qui est aussi le label de … Savoy Brown.
C'est sur les conseils de John Bonham, lors d'une de ces virées à Central London, que Webb recrute le jeune batteur Paul Hancox. Le bassiste s'appelle John Glascock, et fut membre de Toe Fat, formation dont l'organiste fut Ken Hensley et le batteur, Lee Kerslake, futurs Uriah Heep. La formation accueillit même en invité Peter Green. Sous la forme d'un solide trio, Chicken Shack renaît de ses cendres. Les concerts font grande impression sur le public, autant des pubs que du circuit des universités.


Stan Webb continue son numéro de furieux de la guitare, jouant à genoux, se promenant dans le public avec un câble de plusieurs dizaines de mètres, suivi par un roadie. Le son est toutefois de plus en plus lourd, influencé par Cream et les deux premiers albums de Led Zeppelin.
Stan Webb semble vibrer d'une hargne particulièrement retors. Lorsqu'il capte avec ses nouveaux musiciens le cinquième album de Chicken Shack, Savoy Brown vient de rentrer dans le Top 100 US avec l'album 'Street Corner Talking'. Une autre formation est en train de monter dans le coeur des amateurs de rock en Grande-Bretagne : Status Quo.


Alors en déroute après deux petits hits psychédéliques en 1968 et 1969, le Quo décide de revenir à ce qu'il aime : le blues-rock. Fini les chemises à jabots, les pantalons en satin et la laque pour cheveux, bonjour les jeans élimés, les cheveux longs, et les baskets. C'est lors d'une première partie de Chicken Shack à la fin de l'année 1969 que le guitariste Francis Rossi découvre la recette du succès scénique du Shack : le boogie. Il va reprendre la formule, l'amplifier, la simplifier, et peu à peu, Status Quo va forger son identité sonore. Commencée avec 'Ma Kelly's Greasy Spoon' en 1970, elle triomphe avec 'Piledriver' en 1972.
Pendant ce temps-là, Stan Webb fomente un nouveau disque, qui peu à peu prend des allures d'album définitif. Neil Slaven se charge de la production, et Chicken Shack enregistre aux Olympic Studios, juste à côté de Led Zeppelin, qui capte le matériel pour 'The Houses Of The Holy'. Du fait des liens d'amitié entre Bonham, Plant et Webb, Led Zeppelin et Chicken Shack passent beaucoup de temps au pub, mais ne joueront jamais ensemble, même pour le plaisir. Il y a toutefois à l'écoute des deux disques quelques curieuses similitudes d'axe mélodique entre 'No Quarter' et 'Poor Boy', entre 'Daughter Of The Hillside' et 'Dancing Days'.


Chicken Shack publie 'Imagination Lady' en février 1972, et connaît un grand succès en Allemagne, en Hollande et en Italie. Le disque irradie de puissance Blues-Rock. C'est l'album à la hauteur de la musique de Chicken Shack : puissant, gras, sournois, sans concession. La pochette, sublime, montre une femme sortir de la tête d'un Stan Webb en quasi-vicomte anglais, une jolie apparition aux traits de … Christine Perfect. Avec ce disque, le guitariste règle ses comptes avec tout le monde : ses anciens musiciens, son ancien label, cette femme qu'il n'arrive pas à oublier, son parcours bancal. C'est un feu d'artifice de guitare, de basse grondante et de batterie vengeresse. Il n'y a que sept titres, dont une nouvelle version de 'Telling Your Fortune' qui semble enfin à la mesure de ce que Webb imaginait. Tout est fou, tout est dément, violent, percutant.


Le marché anglais est submergé par le glam-rock de Slade, Sweet, T-Rex, David Bowie, et le rock progressif de Yes, ELP et Genesis. Toutefois, les chiffres sont bons, et la tournée européenne et l'une des plus généreuses qu'ait jamais faite Chicken Shack. Le trio retrouve pourtant ses pubs et ses grises universités en revenant en Grande-Bretagne, car l'album n'a que moyennement marché. Aussi, lorsque Ian Anderson, chanteur-flûtiste-fondateur-leader de Jethro Tull, propose à Glascock de les rejoindre, il n'y aura pas une seconde d'hésitation.
(à suivre)

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