mercredi 9 janvier 2008

TONY WILLIAMS LIFETIME

TONY WILLIAMS LIFETIME « (Turn It Over) » 1970

Je viens de remarquer que parmi ma collection de disques, nombre d’entre eux étaient parus en 1970. Pour certains, l’année de référence est 1967, Sergent Pepper, le premier Hendrix, le Flower-Power, tout ça. Il y a ceux qui révère plutôt 1969, Woodstock, , le premier Stooges, la mort de Brian Jones, tout ça. Moi c’est 1970.
Pourtant ce fut une année noire : la mort de Jimi Hendrix et Janis Joplin, la fin du Flower-Power mort à Altamont fin 1969, les morts de l’université de l’Ohio…. La merde quoi. Une année noire, assurément. Noire comme le jais, noire comme le désespoir, noire comme la violence qui gronde désormais dans les grandes villes US. C’est l’explosion du hard-rock, le premier Black Sabbath, le « In Rock » de Deep Purple, « Fun House » des Stooges…. Noire comme cette pochette.
Noire comme la peau de Tony Williams aussi. Batteur du quintet miraculeux de Miles Davis, l’homme n’aime guère la contrainte maniaque du maître du jazz. Bien que « In A Silent Way » soit un disque révélation pour tous, Davis compris, Tony Williams voit la chose jazz « fusion » plus loin. L’électrocution du jazz doit être totale. Noire comme la cendre.
« In A Silent Way » est l’occasion pour lui de côtoyer John MacLaughlin, le guitariste miracle du jazz électrique. Williams lui expose ses plans, et le courant passe. Le clavier Larry Young est appelé en renfort,et carbonise deux vinyls parfaits du nom d’ « Emergency ! ».
Mais cette électrocution jazzistique ne suffit pas à Williams. Le viol électrique doit être total, inspiré de ce heavy-metal naissant, puissant, arrogant, triomphant. « (Turn it Over) » est ce disque.
D’abord, il y a l’avertissement heavy du MC5 ou de Mountain : Play It Loud. Il devient : Play It Very Loud. Ensuite, le trio devient quartet avec l’arrivée du bassiste Jack Bruce, invité par MacLaughlin comme un juste retour d'ascenseur arpès l'enregistrement de l'album jazz de Bruce, "Things We Like". Mais surtout, ce disque renvoit se coucher tout le metal progressif branle-manche des années 2000. Violent, incendiaire, sifflant, rugissant, cet album n’est pas seulement l’électrocution totale du jazz, elle est sa sodomisation à la dynamite.
Tout n’est que lourdeur, puissance orgasmique, de la guitare à la basse, en passant par ce Hammond sanguinaire. Et puis il y a cette batterie tribale, lourde, percussive. Les toms semblent vibrer sous nos pieds, soufflant sur les braises électriques comme autant de scories célestes. Le chant de Williams semble d’un autre monde, souterrain, soupir de Lucifer inquiétant. L' Hammond de Young est lui hanté, démoniaque, et résonne ici comme la bande-son de l’enfer.

Aucun des protagonistes n’en ressortira intact : MacLaughlin ira s’électrocuter encore une fois avec son Mahavishnu Orchestra, avant de plonger dans les délices acoustiques et la paix de l’âme du mysticisme. Jack Bruce restera fortement impressionné par cet enregistrement, distillant sur ces disques solo ce jazz électrique. Tony Williams restera inspiré, mais fera preuve d’une violence plus contenue, la distillant au gré d’excellents disques avec le Lifetime puis le New Lifetime. Cet album est une vraie expérience sonore, un voyage aux tréfonds de d’un jazz en pleine mutation, jubilatoire, comme transcendé par cette nouvelle pop-music qui lui donne des ailes. Ce disque de heavy-jazz reste unique, preuve nouvelle que le jazz en 1970 se portait bien.
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4 commentaires:

Didier Debril a dit…

Amusant. Je furetais parmi mes vieux LP à la recherche d'une pochette de Material et le nom du Lifetime s'impose à moi comme une évidence. J'ai eu ce disque "Turn It Over", absolument démoniaque, tribal. Un an plus tard, en 1971, j'étais jeune stagiaire au CAC de Châteauvallon - et du festival de jazz è durant le mois d'Août. J'ai eu le plaisir de passer une journée avec Soft Machine puis voir Tony Williams avec Avec Art Blakey et Stanley Clark, ainsi que John Mc Laughlin qui jouait avec son Mahavishnu Orchestra et Jean Luc Ponty. Un grand moment.
Merci de me rappeler ça.

Didier Debril a dit…

Petite erreur, Chateauvallon, c'était en 1972.

Anonyme a dit…

Merci de votre passage. J'apprécie beaucoup les témoignages des gens qui ont vécu cette période dorée. Je vous conseille mes deux articles sur Soft Machine, groupe que j'aime également beaucoup.

Anonyme a dit…

J'ai connu le Lifetime par une biographie de Hendrix publié en 78. En tant que musicien éclectique, cette fusion-là, entretenu par le courant jazz-rock puis reprise par Miles Davis pour sombrer avec le décès d'icelui, je pense qu'elle restera longtemps.
Dans ton article, tu omets les vieux Led Zeppelin que je recommande à vos oreilles, il y a des bijoux musicaux la-dedans.