dimanche 22 janvier 2017

LOBBY LOYDE AND SUDDEN ELECTRIC 1980

 "C'est un album époustouflant d'inspiration permanente, d'énergie, et d'électricité enflammée."

LOBBY LOYDE AND SUDDEN ELECTRIC : Live With Dubs 1980

Lorsque l'on découvre la musique Rock, on chemine toujours à la recherche d'une forme d'extase musicale provoquée par l'écoute d'un disque. J'en ai eu plusieurs, et des fabuleux : le Live At Leeds des Who, Un Autre Monde de Téléphone, le II de Led Zeppelin, le White Album de Diamond Head, Power Supply de Budgie, ou encore Live And Dangerous de Thin Lizzy. Tous des merveilles d'incandescence électrique, totalement possédées, écoutables sans aucun temps mort dans une forme de transe spirituelle totale, comme l'effet d'une drogue ou d'un alcool très fort. Votre esprit divague, vos souvenirs personnels se cognent à des images aussi diverses que vos passions personnelles. Etant aussi un amateur pointilleux en termes de sport automobile des années 70, de films de la même époque, de poids-lourds européens et américains, de muscle-cars, de géographie, et d'histoire, en particulier les deux conflits mondiaux, autant vous dire que cette soupe donne quelques hallucinations de premier choix.
Pourtant, il semble que l'âge émousse les certitudes et les illusions. Pourtant, j’estime que la recherche paye toujours, et que mon enthousiasme est demeuré intact. Aussi, à trente-sept ans, j'ai trouvé un disque magique. La source ne semble donc pas se tarir, et j'en suis fou de joie. D'autant plus que ce disque est une merveille totale, issu d'un monde improbable. Il est un âge où l'on finit par s'auto-convaincre que l'on a à peu près tout écouter, que les découvertes à venir seront anecdotiques, aussi l'on cherche les dix albums que l'on va emporter dans sa tombe. Mais pour tout vous dire, je n'ai pas l'attention de mourir tout de suite.

Donc, j'ai savouré cette découverte comme celle de Thin Lizzy avec Live And Dangerous : une merveille d'authenticité, de dynamisme et de puissance musicale. Cet album de Lobby Loyde m'a été rapporté comme un disque moyen, et c'est une erreur totale. TO-TALE. En effet, comment peut-on classer un album aussi ambitieux ? Car il s'agit bien d'un disque ambitieux, même si il est l'oeuvre de Lobby Loyde. Mais qui est Lobby Loyde ?

C'est un océan de poussière rougeâtre et de buissons ardents. Elle s'infiltre partout, la poussière : dans les maisons, les vêtements, les voitures. La route est un venin, il alimente la solitude et l'imagination. Lobby Loyde est un jeune musicien australien obsédé par le Rock anglais. Sauf que, voyez-vous la Grande-Bretagne, c'est un peu particulier, c’est loin. L'Australie, c'est le Commonwealth, les colonies, les inférieurs… la colère….

C'est un pays de poussière âcre. La musique y est plus violente qu'ailleurs, c'est une certitude. The Saints, AC/DC, Rose Tattoo….. La vie est un cauchemar, survivre est une épreuve. Et la Rock Music, un échappatoire. Lobby Loyde fait partie de ces pionniers géniaux qui vont transposer le Rock Anglais des Rolling Stones et des Beatles en Australie. Loyde fera partie des Purple Hearts puis des Wild Cherries, autant de formations australiennes garage. Il finira par convaincre Billy Thorpe, le chanteur des très populaires Aztecs, de laisser tomber la Soul et les costards cintrés pour le Heavy-Blues qui arrache la couenne.

Lobby Loyde aura son propre groupe après avoir quitté les Aztecs de Billy Thorpe en 1970, non sans avoir participé aux sessions studios et aux concerts. Lobby Loyde est un acide fulgurant que l'on retrouve sur tous les meilleurs disques de 1969-1970. Billy Thorpe, vedette Rythm'N'Blues des années soixante, a besoin de rebondir. Il n'est qu'un guitariste laborieux et amateur, le Mitch Ryder australien. Les Wild Cherries se délitent à l'aube des années soixante-dix. Il embauche Loyde dans sa nouvelle mouture des Aztecs comme guitariste, Thorpe tenant juste le micro. Mais sous l'influence de Loyde, le chanteur se mue en un guitariste sauvage qui va faire des Aztecs l'un des groupes de Rock australien les plus influents des années 1969-1975. Loyde ne participe qu'à l'album The Hoax Is Over en 1970, avant de s'en aller mener une carrière solo qui débute dès 1971 avec un surprenant premier album instrumental, Plays With Georges Guitar, Georges étant le surnom donné à sa Gibson Les Paul Custom noire bien-aimée. C'est une sorte de Jazz-Rock joué à la sauce Heavy-Blues, fulgurance électrique totale qui fait grande impression en Australie.

La suite sera une participation à l'édition 1972 du Festival de Sunbury. Il forme un groupe du nom de Coloured Balls et participe à cette édition avec comme second guitariste son vieux copain Billy Thorpe, qui va capter sa prestation à Sunbury avec ses Aztecs pour un disque en direct majeur. La matière de ce concert des Coloured Balls servira de base au premier album. Lobby Loyde est alors un type hirsute, la barbe et le cheveu gras et long, la clope en permanence au bec. En 1973, changement de style, les Coloured Balls adopte le look sharpie. Il s'agit là de l'équivalent entre les skinheads de la fin des années soixante anglais et les futurs Punks. Le cheveu se porte court, sauf dans la nuque.

Les Coloured Balls sortent alors du sillon jam sauvage à rallonge pour donner dans un Hard-Blues ultra-violent, totalement Punk dans l'interprétation. Deux albums sont publiés, plus un recueil de démos de 1972. Le groupe est dissous vers 1975, et Lobby Loyde reprend ses pérégrinations solitaires à base de guitare électrique folle : Obsecration voit le jour en 1976. Mais Loyde tourne en rond en Australie, et part en Grande-Bretagne. Il devait y rester deux semaines, il y restera trois ans. Là-bas, il devient producteur et musiciens de studio, il travaille notamment avec Devo.

Mais l'envie de jouer et la plus forte. Il assure un premier concert en solo au Marquee de Londres en guise d'échauffement, puis assure quelques premières parties de groupes New-Wave comme Ultravox en Grande-Bretagne. Il repart ensuite seul pour une tournée de vingt-huit dates en Australie. Au passage, il passe voir son ami Billy Thorpe à Los Angeles en train d'enregistrer son premier disque solo : Children Of The Sun.Il débauche au passage le batteur Gil Matthews, puis recrute un bassiste en Australie : Gavin Carroll.

Le trio prend le nom de Lobby Loyde And Sudden Electric, et joue donc en trio. La musique qu'ils interprètent est nouvelle en quasi-totalité. Toujours sans limite artistique, Loyde a composé des morceaux prévus au départ pour un septet. Ce sont ces titres que le guitariste va réarranger pour les jouer à trois sur scène, utilisant par moments une guitare-synthétiseur développée par la marque Roland. Les concerts se déroulent dans une ambiance excellente, le Rock étant en totale explosion en Australie grâce à toute une génération de groupes totalement redevables de Loyde et Thorpe : AC/DC, The Angels, Rose Tattoo, Cold Chisel, Kevin Borich Express…. Le trio se produit dans de petits théâtres devant un public qui, à l'été 1979, a attendu le retour du héros depuis trois longues années, et ne l'a surtout pas oublié.
Les concerts font suffisamment impression pour que la radio Radio 2-JJ prenne la décision d'enregistrer le concert au Manly Flicks de Sydney au mois de juillet. Quelques mois plus tard, le label Mushroom Records, qui avait signé autrefois Coloured Balls, propose à Loyde de publier un disque en public à partir de ces bandes, pensant rééditer le succès de l'ancienne formation de Loyde. Mais à la réécoute, les pistes vocales sont faibles, et portent préjudice à la publication du disque. Très populaire auprès des musiciens, tous curieux d'entendre la nouvelle musique de Loyde, ce dernier est alors entouré en studio des chanteurs Mandu et de Angry Anderson de Rose Tattoo. Il a alors l'idée de faire réenregistrer les pistes vocales par les deux vocalistes. Mandu assurera l'ensemble des morceaux à l'exception de « Gypsy In My Soul », dédié à Anderson. Le résultat est donc ce disque, publié en 1980, qui comme son nom l'indique est un disque en concert avec des pistes en studio (« dubs »).

C'est un album époustouflant d'inspiration permanente, d'énergie, et d'électricité enflammée. On retrouve bien le son sale et agressif des albums de Coloured Balls, mais sur des morceaux aux structures parfois complexes, notamment sur les deux longues pistes que sont « Weekend Paradise (Part 2) » et « Sympathy In D ». Loyde y mêle Hard-Rock Blues, agressivité Punk, mélodies New Wave et structures flirtant avec le Jazz-Rock. Parfaitement secondé par Matthews et Carroll, Loyde déroule de longues improvisations de guitare au lyrisme exceptionnel, prenant à la gorge en permanence, sans le moindre temps mort, sans le moindre instant de flottement. C'est que cette musique est en grande partie écrite, et même si il y règne une grande liberté apparente, Loyde a pensé chaque rebondissement, rendant en fait ce Hard-Rock fuligineux aussi brillant qu'exigeant sans pour autant être prétentieux. Loyde joue avec la pédale d'écho, la guitare-synthétiseur, et se lance dans de grandes embardées électriques qui ne sont pas sans rappeler les Pink Fairies dont Loyde fut un contemporain sans jamais les avoir croisé en 1971-1972. « Crazy As Loon », « Media Re-Make », et « Gypsy In My Soul » sont des morceaux plus courts, entre quatre et huit minutes, aux structures moins complexes, et aux thèmes plus directs. L'ensemble est extrêmement homogène, au rythme très enlevé, pied au plancher sur les cinq morceaux.

Ce superbe album repositionne Lobby Loyde sur la scène Rock australienne comme un artiste majeur. Pourtant, il ne profitera pas du retentissement de cet album pour poursuivre sa carrière de musicien. Il préférera se consacrer à la production de nouvelles formations australiennes, ne revenant à la scène qu'épisodiquement. Un set de 2000 a été ajouté sur la réédition en disque compact de cet album, montrant combien Loyde est un guitariste surdoué, totalement inspiré, soliste majeur, jamais redondant, toujours inventif. Il interprète « GOD », instrumental dédié à sa guitare préférée qu'il enregistra pour la première fois en 1972 sur la scène du Festival de Sunbury. « Flash » est un titre percutant du premier album de Coloured Balls, et même le « Heartbreak Hotel » d'Elvis Presley prend une grande gifle électrique.

Lobby Loyde recevra un prix d'honneur aux Victoires de la Musique australiennes, avant de s'éteindre, clope au bec en permanence oblige, d'un cancer des poumons en 2007. Il aura, comme Thorpe, propulsé le Rock australien dans une autre dimension, en en faisant l'un des plus dangereux et intransigeant du monde. Il reste encore beaucoup à apprendre de ces albums séminaux qui auront permis la naissance de toute la scène Hard-Rock australienne de la seconde moitié des années soixante-dix. Mais plus que des pionniers, ils sont de purs génies, à la musique totalement indépassable de passion et de feu sacré, brûlante comme la terre d’Australie.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un drôle de bonhomme que ce Lobby Loyde. Pas spécialement ce que l'on peut considérer comme un virtuose, mais un gars authentique, droit dans ses bottes. Un pur et dur.