SOFT MACHINE « Six » 1973
J’ai parfois du mal à l’accepter, mais j’ai changé. Finalement, c’est agréable, parce que dans ce changement, j’ai retrouvé goût à la musique. Il y a quelques mois de cela, j’ai ressenti l’impensable : une lassitude profonde envers elle. Oui, il y a quelques mois, le rock ne m’intéressait plus. J’écoutais d’une oreille distraite mes groupes favoris : Budgie, Led Zeppelin, Deep Purple, les Who ou Diamond Head sans retrouver la moindre once de plaisir que je goûtai lors de mes premières expériences soniques avec ces formidables groupes.
J’avais l’impression d’avoir fait le tour, que toute découverte n’était que superflue. Ce constat était terrible. Dés lors, noyé dans mon quotidien, mon travail, et les petits tracas de la vie, je ne trouvai plus d’échappatoire spirituel, de catalyseur de l’âme à ma vie de français moyen. Même le whisky n’avait plus le même goût, et ma chère pipe me dégoûtait presque. Je devins peu à peu un être empli de colère sourde, de violence emmagasinée comme une centrale nucléaire.
Et puis, deux disques m’ouvrirent l’horizon : ce fut le couplage du « Four » et du « Fifth » de Soft Machine, et « Ready’N’Willing » de Whitesnake. Achetés sans grande illusion, dans deux lieux forts différents, ils avaient deux points communs effroyables : leur prix très réduit, et le fait que faute de réel objectif, je me rabattis sur une pulsion complétiste. Achetés un jour de pluie tous deux (troisième point commun ?), je fus …. Perdu, désarçonné, à la dérive. J’étais face à une musique qui venait à nouveau de toucher mon âme, de manière très différente. Whitesnake était un groupe que j’ai toujours considéré comme de seconde zone. Son hard-blues n’avait pas la flamboyance de Led Zeppelin, ni le délire soliste de Deep Purple, mais c’était justement cela qui m’avait échappé : l’humilité. Le Whitesnake période 1978-1982 est un groupe de hard-blues sans prétention, authentique, sincère, classieux, aux chansons imparables, et la modestie était rare à cette époque. Je fus instantanément subjugué par la voix de David Coverdale et la chanson « Fool For Your Loving », ce feeling, cette chaleur, cette mélodie. Oui, je n’étais plus fasciné par la performance et la violence, mais par la chanson, la mélodie. De ce fait, j’ai pu apprécié dans la foulée Bad Company et Free, groupes au combien excellents, mais que je ne sus apprécier à leur juste valeur auparavant.
Soft Machine est une autre affaire. Ce fut un soir comme les autres, gris et pluvieux. Une journée de travail commencée à 6 heure du matin, une enfant à s’occuper seul parce que maman travaille le soir, les courses, le rangement, et puis il est 21h, bébé dort, et l’on est enfin tranquille. La journée de travail fut pourrie, bébé fut insupportable à cause d’un mauvais rhume, et puis on se retrouve sur son canapé, seul, au calme. J’ai mis ce disque dans la chaîne, et puis… Les notes cristallines et mélancoliques du piano électrique de Mike Ratledge vous courent sur l’échine. Le saxophone de Elton Dean vous décrit un pays blanc et serein, entre sérénité et angoisse, entre l’apaisement et le vide. La magie du jazz de Soft Machine a opérée. Oui, ce groupe est encore quelque chose malgré le licenciement de Robert Wyatt. Exit la pop, bonjour le jazz subtil, la magie instrumentale. Car Soft Machine est un groupe formidable jusqu’au bout, n’en déplaise aux défenseurs du bon goût. J’ai fini par tout racheter, et tous leurs albums m’enthousiasment. Moi qui crut longtemps les rock-critics, je fus sidéré par leur mauvaise foi.
Et je plongeai tête baissée dans les discographies que je négligeai : Rush, Queen, Whitesnake, Captain Beefheart, Savoy Brown, The Doors, Blue Cheer, Bad Company, Uriah Heep, et tout cela me procura un plaisir intense, le sentiment que je récupérai le temps et les erreurs perdues. Tout cela pour en venir à ce disque, « Six » de Soft Machine. Nous sommes en 1973, et il ne reste du trio original que Mike Ratledge aux claviers, et Hugh Hopper à la basse. John Marshall a pris les fûts en 1972 avec l’album « Fifth ». Elton Dean est parti, remplacé par le multi-instrumentiste (saxophone, clarinette, claviers) Karl Jenkins.
J’ai parfois du mal à l’accepter, mais j’ai changé. Finalement, c’est agréable, parce que dans ce changement, j’ai retrouvé goût à la musique. Il y a quelques mois de cela, j’ai ressenti l’impensable : une lassitude profonde envers elle. Oui, il y a quelques mois, le rock ne m’intéressait plus. J’écoutais d’une oreille distraite mes groupes favoris : Budgie, Led Zeppelin, Deep Purple, les Who ou Diamond Head sans retrouver la moindre once de plaisir que je goûtai lors de mes premières expériences soniques avec ces formidables groupes.
J’avais l’impression d’avoir fait le tour, que toute découverte n’était que superflue. Ce constat était terrible. Dés lors, noyé dans mon quotidien, mon travail, et les petits tracas de la vie, je ne trouvai plus d’échappatoire spirituel, de catalyseur de l’âme à ma vie de français moyen. Même le whisky n’avait plus le même goût, et ma chère pipe me dégoûtait presque. Je devins peu à peu un être empli de colère sourde, de violence emmagasinée comme une centrale nucléaire.
Et puis, deux disques m’ouvrirent l’horizon : ce fut le couplage du « Four » et du « Fifth » de Soft Machine, et « Ready’N’Willing » de Whitesnake. Achetés sans grande illusion, dans deux lieux forts différents, ils avaient deux points communs effroyables : leur prix très réduit, et le fait que faute de réel objectif, je me rabattis sur une pulsion complétiste. Achetés un jour de pluie tous deux (troisième point commun ?), je fus …. Perdu, désarçonné, à la dérive. J’étais face à une musique qui venait à nouveau de toucher mon âme, de manière très différente. Whitesnake était un groupe que j’ai toujours considéré comme de seconde zone. Son hard-blues n’avait pas la flamboyance de Led Zeppelin, ni le délire soliste de Deep Purple, mais c’était justement cela qui m’avait échappé : l’humilité. Le Whitesnake période 1978-1982 est un groupe de hard-blues sans prétention, authentique, sincère, classieux, aux chansons imparables, et la modestie était rare à cette époque. Je fus instantanément subjugué par la voix de David Coverdale et la chanson « Fool For Your Loving », ce feeling, cette chaleur, cette mélodie. Oui, je n’étais plus fasciné par la performance et la violence, mais par la chanson, la mélodie. De ce fait, j’ai pu apprécié dans la foulée Bad Company et Free, groupes au combien excellents, mais que je ne sus apprécier à leur juste valeur auparavant.
Soft Machine est une autre affaire. Ce fut un soir comme les autres, gris et pluvieux. Une journée de travail commencée à 6 heure du matin, une enfant à s’occuper seul parce que maman travaille le soir, les courses, le rangement, et puis il est 21h, bébé dort, et l’on est enfin tranquille. La journée de travail fut pourrie, bébé fut insupportable à cause d’un mauvais rhume, et puis on se retrouve sur son canapé, seul, au calme. J’ai mis ce disque dans la chaîne, et puis… Les notes cristallines et mélancoliques du piano électrique de Mike Ratledge vous courent sur l’échine. Le saxophone de Elton Dean vous décrit un pays blanc et serein, entre sérénité et angoisse, entre l’apaisement et le vide. La magie du jazz de Soft Machine a opérée. Oui, ce groupe est encore quelque chose malgré le licenciement de Robert Wyatt. Exit la pop, bonjour le jazz subtil, la magie instrumentale. Car Soft Machine est un groupe formidable jusqu’au bout, n’en déplaise aux défenseurs du bon goût. J’ai fini par tout racheter, et tous leurs albums m’enthousiasment. Moi qui crut longtemps les rock-critics, je fus sidéré par leur mauvaise foi.
Et je plongeai tête baissée dans les discographies que je négligeai : Rush, Queen, Whitesnake, Captain Beefheart, Savoy Brown, The Doors, Blue Cheer, Bad Company, Uriah Heep, et tout cela me procura un plaisir intense, le sentiment que je récupérai le temps et les erreurs perdues. Tout cela pour en venir à ce disque, « Six » de Soft Machine. Nous sommes en 1973, et il ne reste du trio original que Mike Ratledge aux claviers, et Hugh Hopper à la basse. John Marshall a pris les fûts en 1972 avec l’album « Fifth ». Elton Dean est parti, remplacé par le multi-instrumentiste (saxophone, clarinette, claviers) Karl Jenkins.
(à suivre)
tous droits réservés
5 commentaires:
heureux que tu ailles mieux, (encore une fois) grace à la musique. je redecouvre moi aussi toute une tripotée de classiques, et ça fait franchement du bien.
il y a une nouvelle qui vient de tomber, telle un cadeau de noël : Return To Forever de la période Romantic Warrior (Chick Corea, Stanley Clarke, Al DI Meola et Lenny White)se reforme pour une tournée US/Europe cet été ! C'est comme si Miles en personne sortait de sa tombe pour nous refaire le coup In a Silent Way/Bitches Brew et autres Tribute to Jack Johson ou Pangaea... Une tournée Corea/McLaughlin vient couronner le tout.
la meilleure source d'infos reste bien sur mon blog... http://demostene.tumblr.com/post/21891750
a+
ton petit JP
Merci de cette info, JP. C'est en tout cas un fait évident : la musique semble se morde la queue. Du Heavy avec Led Zeppelin jusqu'au jazz-rock, les vieux briscards font recette, même avec quelques cheveux blancs en plus. Espérons que les gaillards de Return To Forever n'ont pas trop d'arthrite. En tout cas, j'ai le bootleg du Zep du 10 décembre 2007, c'est moche, à part Page, très en forme.
ben merde alors... j'aurais cru qu'ils allaient tout "déchirer"...
les reformations, c'est la mode. Police est de la partie également...
a+
un bien bel article.
je suis particulèrement d'accord avec la nécessité d'humilité, et de sincérité des "petits" groupes.
par contre, je n'ai jamais écouté Soft machine, malgré des dizaines d'avis ici et là... à suivre.
Salut Chtif, ¨
Pour découvrir Soft Machine, rien ne vaut le "Third" de 1970. Tu as un bon aspect du jazz-rock que le groupe est capable de produire, mais aussi le côté Pop apporté par Wyatt.
Mais il est certain qu'il s'agit d'une musique très introspective, qu'il faut écouter.
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