dimanche 16 décembre 2007

COLOSSEUM

COLOSSEUM : « Valentyne Suite » 1969

Les tentatives de musique rock dite intelligente n’ont pas toujours été très heureuses. Dans un souci de recherche de crédibilité auprès du monde adulte, et en particulier de l’univers de la musique classique, de nombreux artistes rock ont tenté vainement de créer des œuvres qui pourraient arriver à la hauteur des symphonies de Bach ou de Mozart.
Si certains disques sont incroyablement bons et audacieux, le rock a, via le rock progressif, souvent plongé dans la démonstration gratuite et le pompeux.
La fin des années 60 est période charnière, car via le rock psychédélique, nombre de carcans musicaux tombent. Tout est permis. Les Pretty Things, avec « SF Sorrow », puis les Who avec « Tommy », imposent le disque concept, ou opéra-rock. Jimi Hendrix, lui, explore les possibilités de la guitare et de l’univers studio, via la came. Deep Purple et les Moody Blues tentent carrément l’alliance rock-classique.
De son côté, Jon Hiseman, alors batteur de John Mayall And The Bluesbreakers, vient d’enregsitrer avec le groupe « Bare Wire ». Cet opus de 1968, est le fricotage irrévérencieux entre le jazz et le blues. Cuivré, puissant, audacieux, ce disque progressif dans l’âme est pour Hiseman la première pierre d’une musique ouverte vers des horizons particulièrement riches.
Les Bluesbreakers se séparent, et Hiseman se lance dans la formation d’un groupe. Il ramène deux camarades des Bluesbreakers : le pianiste Dave Greenslade, et le multi-saxophoniste Dick Heckstall-Smith. La formation est complétée par Tony Reeves à la basse et James Litherland à la guitare.
La formation, appelée Colosseum, enregistre un premier très bon disque : « Those Who Are About To Die » en 1968. Il exprime déjà nettement la volonté claire de Hiseman : développer un jazz-blues-rock sans réelle frontière, si ce n’est l’imagination des musiciens. Ce premier disque reste néanmoins un peu décousu, et ce n’est qu’avec le second album que Colosseum approche son idéal.
« Valentyne Suite » est un monument. Ouvert avec le heavy et gras « The Kettle », qui plane à des millions de kilomètres, on aborde une contrée vraiment nouvelle. Le disque enchaîne sur « Elegy » et le superbe blues « Butty’s Blues » ou orgue et cuivres font des miracles de swing et de mélancolie. La première face se conclut sur « The Machine Demands A Sacrifice », redoutable alliage cuivre-orgue-guitare.
La seconde face apporte le morceau de résistance : « Valentyne Suite », un titre instrumental en trois parties d’un total de presque vingt minutes. Ici, Colosseum est allé très loin. D’abord, dans la mélodie et la construction musicale, mais aussi dans le feeling et l’improvisation. Ce morceau dantesque vous transporte dans des univers totalement différents, de l’intro proche du décollage galactique, avant de vous retrouver poser en lévitation dans la stratosphère. Mais ici, pas de démonstration gratuite. Tout est cohésion, précision, symphonie pour instruments électriques. Construit sur les saisons, les états d’esprit liés à ces différentes périodes, on se laisse emporter par cette musique incroyablement puissante et novatrice.
Par la suite, James Litherland et Tony Reeves partiront, remplacés par Mark Clarke à la basse, Clem Clempson à la guitare (ancien Bakerloo), et Chris Farlowe au chant. Colosseum trouve ici sa formation classique, et continuera à enregistrer de très bons disques. Hélas, les soli à rallonge font leurs apparitions, et le chant de Farlowe, très particulier, irrite parfois. Contrairement à la voix de Litherland, plus claire et naturelle, qui brille tout au long de la première face de ce « Valentyne Suite ».
Colosseum, qui deviendra un des symboles ce qui sera de bon ton de rire, c’est-à-dire toute cette mouvance jazz-rock progressif, reste aussi le groupe qui réussit le mieux sa musique progressive, de la manière la plus naturelle et la plus intemporelle, à partir de références pourtant hautement classiques.

Parce que ce blog est décidément formidable, voilà un extrait live à la BBC de la formation suivante, avec Clem Clempson et Chris Farlowe. C'est un extrait de "Daughter Of Time" de 1970, et c'est bon : http://www.youtube.com/watch?v=W7FUxTmXwa4
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