mercredi 12 décembre 2007

JOHN COLTRANE

JOHN COLTRANE « Olé Coltrane » 1961

Par delà les rivages fous, la mer répand son écume sur le sable gris. Il y a au loin la côte sauvage, ces bruyères roses qui frissent sous le vent du large. L’homme en costume marche dans le sable, le regard perdu dans ses pensées. Ses souliers vernis sont pleins de sable, et il les retire ;
Son saxophone en bandoulière, il retourne vers la Cadillac blanche garée au bord de la route côtière. John Coltrane reprend la le volant un prochain concert. Celui-ci sera encore plus sauvage, encore plus habité que le précédent, suivant l’humeur.
Coltrane est comme ça. Oscillant passionnément entre rage démoniaque et illumination mystique, il enregistre des disques tantôt furieux, aux structures complexes à limite de l’écoutable, et des douceurs somptueuses, fortement inspiré par la religion dans laquelle il plongera au milieu des années 60.
Et puis il y a celui-là. Je ne suis pas un grand fan de jazz, ni un grand fan de Coltrane. Mais « Olé Coltrane » est une pure merveille. Enregistré avec Georges Lane à la flûte, Freddie Hubbard à la trompette, McCoy Tyner au piano, Reggie Workman et Art Davis à la contrebasse, et l’immense Elvin Jones à la batterie, ce disque est un ovni.
Lancinant, entêtant, inspiré d’airs nord-africains et hispaniques, la musique de Coltrane est vicieuse, mélancolique, prenante comme une drogue douce, comme ces narguilés lointains.
Largement dominé par le titre « Ole », avec sa ligne de piano tournant en boucle obsédante, sa contrebasse frottée à l’archet qui finit en de grinçants éclairs, et le sax lumineux de Coltrane qui hulule à la Lune comme L’Arabe Fou sur le Necronomicon, on est pris dans un tourbillon de sensations contradictoires, entre bien-être et malaise intérieur.
On navigue sur ces côtes lointaines, on plane dans le soleil couchant au-dessus des cités du Sud de l’Espagne, envahi par une mélancolie douce.
« Dahomey Dance » est brillant. Pendant dix minutes, on se promène sur les chemins poussiéreux qui bordent la médina. On aperçoit aux fenêtres des villas bourgeoises des danseuses du ventre, et des hommes qui frappent dans leurs mains au son de la musique. On contemple la scène avec un sourire, puis on s’en va vers le haut de la ville, en s’allumant une cigarette. La ligne de contrebasse, magnifique, est le véritable moteur de ce titre sur lequel les soli de trompette et de sax n’ont qu’à se poser comme les grands oiseaux blancs sur le toit de la mosquée.
Le beau voyage se termine dans les yeux de la belle « Aisha », que l’on laisse sur le quai. C’est cet adieu entre cette jolie femme aux traits de biche que l’on laisse à son pays, de peur de ne pas pouvoir se comprendre, elle, la belle marocaine, et lui, l’occidental un peu impérialiste dont les yeux et l’âme se sont ouverts aux merveilles de la Méditerranée.
Et sur le pont du bateau qui nous ramène vers New York, on repense à ces paysages, et son sourire, ses gestes doux et attentionnés de femme arabe réservée. Le piano trimballe son spleen sur les vagues rougies par le soleil couchant.
Et John Coltrane n’en fera plus des aussi réussis que celui-là, aussi aboutis que ce « Ole Coltrane » magnifique, mélodieux et inspiré.
tous droits réservés

2 commentaires:

Anonyme a dit…

coucou Julien,

encore merci de m'avoir fait découvrir (il y a quelques années déjà !) ce superbe disque qui m'a "réconcillié" avec COltrane si souvent célébré par tous mais si difficile à comprendre et donc à aimer.

a bientot

Anonyme a dit…

De rien mon JP. Je t'aime.