mardi 4 décembre 2007

BRUCE SPRINGSTEEN

BRUCE SPRINGSTEEN « Nebraska » 1982

L’Amérique est souvent considérée comme le pays de la réussite. Où les losers de toujours deviennent des gagnants, des self-made-men devenant milliardaires en ouvrant pêle-mêle un restaurant, un garage ou un salon de coiffure pour chiens.
L’Amérique, c’est aussi et surtout beaucoup de gens dans des situations précaires, devant assurer deux emplois pour faire vivre une famille, ou condamner à errer dans les rues des grandes métropoles en faisant les poubelles.
C’est enfin des états ruraux noyés dans l’indifférence, abandonnés des grandes métropoles de la réussite, gangrénés par le chômage et la religion. C’est cette Amérique profonde, que les futurs sénateurs ou présidents doivent séduire une fois tous les quatre ans pour empocher leurs mandats.
Bruce Springsteen fait partie de ces artistes qui décidèrent de parler de ces petites gens que tout le monde oublie, ces travailleurs anonymes dont la vie n’est faite que d’un petit train-train quotidien et de quelques joies simples, bref, beaucoup de gens finalement.
Springsteen, à l’instar des Bob Dylan, Neil Young ou Bob Seger, mis le doigt sur ce qui fait mal aux USA. Car il mit en lumière cette Amérique du quotidien, majoritaire, si loin des clichés de réussite véhiculés par les médias. Il osa parler de ces gens normaux, pour qui les rêves de fortune sont bien loin.
Originaire du New Jersey, Bruce connaît cette Amérique, puisqu’il en vient. Comme Bob Seger et Detroit. Pourtant, depuis sa réussite fracassante avec « Born To Run » en 1976, le message de Springsteen est un peu faussé. Car si « Born To Run » est un excellent disque, on se souvient surtout de l’immense opération marketing autour du disque qui aboutit à son succès commercial. Ce qui finalement remis un temps en doute les vrais qualités artistiques de l’album dans une Amérique vouée à Kiss.
Springsteen tenta pourtant de défendre son message de défenseur des prolos, notamment avec le magnifique « The River », en 1979. Il enchaîna les tournées gargantuesques et généreuses, jouant partout, à la rencontre de ces USA profonds. Mais on ne put s’empêcher de penser que sa démarche n’était pas si honnête que cela.
Aussi ,après presque dix ans passé sur les routes, Springsteen se remit en question. Et enregistra « Nebraska » au fait de sa gloire.
Album totalement acoustique, Bruce l’enregistre seul avec sa guitare et son harmonica. Il se rapproche alors de la démarche des premiers Dylan, ou de « Harvest » de Neil Young. Sauf qu’il y a ici un goût de poussière. « Nebraska » est sombre, nébuleux, fantomatique. Il déroule à travers dix chansons dix tableaux de cette Amérique du quotidien. Il décrit avec un réalisme brut les incertitudes de ces gens, leurs soucis quotidiens, et les injustices qui vont avec. Parfois, Springsteen frôle le blues du Mississippi, comme sur « State Trooper », dont le chant rappelle Howlin’ Wolf, ou sur le boogie John Lee Hookerien « Open All Night ».
« Nebraska » est littéralement une rupture avec l’œuvre antérieure de Bruce. Il ne connaîtra bien évidemment pas le succès de ses prédécesseurs, et Springsteen se voit devenir le symbole ambigu de l’Amérique profonde avec « Born In The USA ».
En attendant, il fut le meilleur conteur de cette réalité quotidienne, et sut y apporter poésie et mélancolie, déclinant toute la beauté de ces américains anonymes. Il sut enfin rapproche un peu le peuple américain et le show-business, rappelant au second l’existence du premier, et que c’était le premier qui permettait au second d’exister. Un rappel salutaire.
tous drotis réservés

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui, excellent album, plutôt à part dans l'oeuvre de Springsteen. Je l'ai aussi chroniqué récemment...

http://nevermind-the-blogs.over-blog.com/article-13299970.html

A+!

Ned

Anonyme a dit…

Je ne connais pas cet album. Je n'ai que The River, beau et mélancholique. Puis, quel voix!

Anonyme a dit…

The River est régulièrement descendu par la critique rock, pourtant je trouve que c'est un album remarquable qui a complètement capté l'esprit du rock and roll des débuts.

Ramon a dit…

celui que je préfère du Boss, merci pour la chronique