jeudi 2 avril 2009

PAUL KOSSOFF

"Il est aussi une légende, partie dans sa tombe avec son secret, celui de son jeu unique. "

PAUL KOSSOFF « Koss » 1977

Paul Kossoff avait 25 ans lorsqu’il mourut en 1976. 25 ans. Aujourd’hui, la vie commence à peine à 25 ans. On quitte juste la maison familiale pour louer son premier appart. Paul Kossoff, lui, joue en professionnel depuis l’âge de 16 ans. Il fut le guitariste de Free, fabuleux combo de blues-rock anglais, qui compta dans ses rangs Paul Rodgers, entre autres. Mais Kossoff fut surtout un musicien inspiré. En fait, il ne fut jamais un compositeur. Il se mit toujours au service des autres. Free, d’abord. Il enlumina les chansons de Paul Rodgers et Andy Frasers de son jeu bluesy au vibrato main droite si génial et maîtrisé que Eric Clapton lui-même lui demanda de lui apprendre la technique. C’était durant la tournée commune avec Blind Faith, en 1969.
Lorsque Free se sépare une première fois en 1971, Kossoff plonge dans la drogue. Il est accro aux pilules, Mandrax et autres LSD. Le problème, c’est que sa santé fragile ne suit pas, et rapidement, elle se dégrade. Free se reformera en grande partie pour soutenir le guitariste, dévasté par la séparation du groupe. Free reprend donc la route. Sauf que le jeu de Kossoff a changé. Du son bluesy gras et puissant, lyrique et sauvage des débuts, la guitare à Koss devient plus minérale, pleine de larmes et de hululements. Les disques de Free résonne de cette approche étrange. Hélas, les concerts sont des catastrophes. Kossoff, miné par la drogue, foire un concert sur deux. C’est à un point tel qu’il se voit remplacé par Rodgers lui-même sur l’ultime tournée de Free en 1973. Le groupe se sépare à nouveau, laissant Koss seul face à son destin. Il enregistre un premier disque solo, « Back Street Crawler », qui devient également le nom de son groupe solo. Kossoff ne compose toujours rien, et de toute façon, il en est bien incapable. Dans le même temps, il enregistre avec plusieurs amis musiciens : Jim Capaldi d’abord, qui lui dédie deux titres, dont la chanson « Boy With A Problem », au titre évocateur. Puis se sera John Martyn sur sa tournée en 1975. Kossoff y brille de mille feux, alignant les jams hallucinées, dont un extrait figure ici : « Time Spent, Time Away ». Il retrouve un niveau guitaristique et instrumental extraordinaire, inversement proportionnelle au niveau de sa santé. Les disques de Back Street Crawler connaissent un bon succès, commercial et critique. Kossoff profite de ce dernier pour encourager de jeunes groupes qu’il adore, notamment un certain AC/DC, qu’il prend en première partie.
Fin 1975, Paul Kossoff rejoint Bad Company, le groupe de Paul Rodgers et Simon Kirke, pour deux concerts. Divers projets se chuchotent alors. Back Street Crawler assurera la première partie de la tournée US de Bad Company en 1976. Paul Kossoff pourrait même rejoindre Bad Company en temps que second guitariste. Enfin, il se murmure une tournée de Free. Mais alors que Paul Kossoff rejoint Bad Company à Los Angeles, il décède dans l’avion d’une crise cardiaque due à ses problèmes de drogues. On est le 19 mars 1976.
« Koss », c’est en fait tout cela. C’est une compilation assemblée en 1977 qui réunit des titres studio et live de Free, de Back Street Crawler, et puis il y a un morceau de cette jam avec John Martyn. C’est avec ce disque que j’ai découvert réellement Paul Kossoff. J’aimais bien Free, mais c’est avec ce disque que j’ai compris toute la puissance émotionnelle de son jeu, tout le génie de son toucher. Même lorsque Back Street Crawler joue son blues-rock un peu conventionnel, l’ensemble est transcendé par un chorus fabuleux, une ligne mélodique magique qui relève le niveau vers les étoiles.
On découvre un garçon qui s’est carbonisé, brûlé par ses démons intérieurs, ses doutes et sa sensibilité, et qui, à 25 ans, a déjà l’allure d’un vieillard. Il est aussi une légende, partie dans sa tombe avec son secret, celui de son jeu unique.
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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour Paul Kossof.
Quand je pense que j'ai un copain qui dit que Kossof sait pas jouer de la guitare et qu'il préfère John Mac Laughlin, je rigole...et lui laisse tous les Mac laughlin de la terre pour n'importe quel solo de Koss avec Free ou de Peter Green, guitaristes émotionnels et exceptionnels qui jouent avec leurs tripes et leur âme, eux au moins.
Aprés l'hommage émouvant à James Dewar, voici maintenant un autre hommage à une autre de mes idoles.Bravo, continuez !
ALEX6

Oclero a dit…

Ha oui Kossoff a vraiment un jeu unique. Il n'en fait jamais des tonnes, toujours très sobre, mais immédiatement identifiable. C'est un de mes modèles à la guitare, à l'opposé d'un Hendrix qui joue 100 fois plus de notes comparé à Kossoff. Mais faut dire aussi que sans la batterie de Kirke et la basse de Fraser, il manque quelque chose à Kossoff. Un peu comme le jeu de Hendrix parait moins puissant quand il ne joue pas avec ses 2 compères de l'Expérience.
Bref je m'étale, en tout cas merci de parler de Kossoff on n'en parle jamais assez!

Julien Deléglise a dit…

Merci les gars pour vos commentaires. Il est en effet quelques guitaristes oubliés injustement derrières les maîtres du genre que sont Jimmy Page ou Ritchie Blackmore. On peut ainsi citer Tommy Bolin ou Alvin Lee. On confond souvent la vitesse d'exécution et la technique. Mais la note bleue, celle qui dure dans le temps est la plus riche en émotion.
Ainsi, Ritchie Blackmore lui-même confia admirer Billy Gibbons de ZZ Top pour sa capacité à trouver la note juste au bon moment, et de les travailler tout en feeling. Comme quoi, il faut se méfier des as du manche.