jeudi 30 avril 2009

THE ROLLING STONES

"En fait, le vrai problème, c’est que les Rolling Stones sont des musiciens honnêtes et inventifs, mais en cette fin d’années 60, cela ne suffit plus. "

THE ROLLING STONES « You Can’t Do That Baby » Live 1972

Avant d’être la caricature grimaçante qu’ils sont aujourd’hui, les Rolling Stones furent un fantastique groupe de Rock’N’Roll. Il y eut notamment un moment de grâce magique entre 1969 et 1973 durant lequel le groupe fit paraître trois disques studios absolument titanesques : « Let It Bleed » en 1969, « Sticky Fingers » en 1971, et « Exile On Main Street » en 1972. Durant cette période également, les Rolling tones furent l’un des tous meilleurs groupes de scène, ce qu’ils n’étaient pas vraiment jusqu’à 1969. En atteste ainsi le « Got Live If You Want It » en 1966, navrante retranscription des prestations hiératiques du quintet, se battant du haut de leur technique limitée contre des amplis faiblards et des fans hystériques couvrant la musique. Bien que ne déméritant pas, les Who n’eurent guère de mal à enterrer les Stones lors du Rock’N’Roll Circus de 1968.
En fait, le vrai problème, c’est que les Rolling Stones sont des musiciens honnêtes et inventifs, mais en cette fin d’années 60, cela ne suffit plus. Il faut être doué. En effet, en 1967 explose les Jimi Hendrix Experience, Cream, Fleetwood Mac, et bien sûr les Who. Les mots d’ordre sont excitation et jam.
Aussi, lorsque Brian Jones meurt, c’est un drame, mais c’est aussi une vraie opportunité de renverser la vapeur. Richards et surtout Jagger le savent. Aussi, lorsqu’ils embauchent Mick Taylor, fraîchement sorti des Bluesbreakers de John Mayall, ils trouvent un garçon doué, blues dans l’âme, mais aussi discret.
Et la preuve est le live « Get Yer Ya Ya’s Out ! », témoignage de la tournée de 1969 aux USA qui voient les Rolling Stones reconquérir le grand public après des mois difficiles. Et pour tout dire, le fait que cette tournée se soit terminée dans le sang à Altamont n’est pas pour leur déplaire. Les Stones deviennent brillants sur scène, et redeviennent dangereux. Le soufre est à nouveau de mise.

Grâce à Mick Taylor, le groupe accouche de merveilleux disques, à la fois nerveux, funk et totalement Blues. Ils sont à nouveau à la hauteur des plus terribles concurrents, Led Zeppelin en tête.
La tournée aux USA en 1972 reste néanmoins la plus orgiaque. Et notamment musicalement parlant. Car l’on parle beaucoup de cette époque en relatant les anecdotes du documentaire censuré « Cocksucker Blues », révélant les coulisses trash et destroy de cette tournée. On retient ainsi les partouzes, les groupies nues, les télévisions par la fenêtre avec la rallonge de 20 m pour s’écraser en marchant, les avions, et puis aussi la coke, la dope, et puis la baise, et le cul.
On oublie surtout que le groupe est en état de grâce total, et que la totalité des enregistrements en direct de cette période sont stupéfiants de qualité musicale. Pour le sonore, par contre…
Et justement, en voici la preuve absolue. Enregistré à Houston et Fort Worth, en plein Texas redneck, les Rolling Stones vont purger leur répertoire, décochant deux heures de Power Blues-Rock lumineux.
C’est à ce stade que Keith Richards laisse tomber la guitare solo pour le riff. Taylor est un magicien, qui dessine des arabesques de chorus autour des mélodies et du chant, tout en slide et en sustain contenu. Les autres n’ont qu’à suivre.
Galvanisés par le brio, le groupe glisse avec magie sur un répertoire hallucinant, celui des disques cités plus hauts. Celui des années 60 est progressivement abandonné, pour de tristes histoires de droits avec Decca, qui truanda avec générosité les cinq garçons londoniens (plus virulent comme expression est un pas certain dans la vulgarité).

J’aime donc les Rolling Stones là. La cohésion sur cet enregistrement est total. Il n’y a pas une fausse note, y compris lorsque Bobby Keys et Nicky Hopkins interviennent. Mick Jagger plane totalement, décochant son harmonica sur « Sweet Virginia ». Richards démarre les mélodies, Taylor enlumine en tierce, se servant du matériau de base pour porter la musique des Rolling Stones à un niveau rare.
Je crois personnellement que la grande musique s’apparente à cela, à ces moments de brio total, où l’ensemble des musiciens d’un groupe transcendent leurs propres chansons pour en dépasser les versions studios émotionnellement parlant.
Et puis il y a quand même la petite cerise sur le gâteau. Finalement boudé quelques années plus tard, « Exile On Main Street » est ici mis en valeur. Ainsi, l’auditeur a le privilège d’entendre des chansons que les Rolling Stones n’ont pas déterré depuis 1973.
Ainsi « All Down The Line », « Happy », “Rip This Joint” ou “Tumbling Dice” sont des merveilles absolues. Est-ce parce que les Rolling Stones post-1974 n’ont pas le brio musicale de celui pré-1974 ? Toujours est-il que Ron Wood n’a toujours pas eu l’occasion de toucher à ces titres magiques. Oui, les Stones ont fouillés dans leur répertoire, c’est-à-dire celui pré-1969. Lorsque Brian Jones était encore là, lorsque le niveau était…. Moyen. A la hauteur de Wood quoi…. Mick Taylor avouera s’être senti à l’écart du groupe durant cette période. Une chose est sûre, son ta lent l’était. Et cela, Richards et Jagger l’avaient compris. Seulement voilà, ils pensaient qu’il ne serait que discret… Aussi lorsque Rory Gallagher postula pour le poste en 1975, ils réfléchirent. Mais malgré son caractère souple et ouvert, le garçon était trop doué. Trop Mick Taylor, en pire. Un garçon tellement lumineux que Jagger et Richards seraient presque passé pour des seconds rôles. Ce qu’ils furent, poussés par le diable Taylor, qui, sous sa gueule d’ange, fit des Rolling Stones l’un des meilleurs groupes de Rock du Monde pour deux ans. Et la concurrence fut rude.

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1 commentaire:

Olivier a dit…

Tu as tout dit dans cet article! Mick Taylor a façonné le son des Stones. Il suffit de voir les crédits des instruments sur les albums allant de Sticky Fingers à Only Rock'N'Roll, Mick Taylor assure les 3/4 des guitares et basses! En clair, les Stones lui doivent pas mal quand même... Et j'imagine même pas le nombre de chansons qu'il a du co-écrire...
En tout cas, c'est pas aujourd'hui qu'un groupe serait capable de réaliser l'enchainement parfait Brown Sugar/Tumbling Dice/Gimme Shelter/Doo Doo Doo/Angie/You Can't Always Get What You Want/All Down the Line !(sur la tournée 73)
Et surtout cette immense jam qu'est 'You Can't...' !
Mais par contre j'aime pas trop quand on crache sur Ron Wood, car s'il y a un truc où il gère vraiment, c'est la basse sur les albums du Jeff Beck Group! Il y joue mieux que sur une guitare!