mercredi 24 décembre 2008

LITTLE BOB STORY

Préambule : d'abord je vous souhaite de bonnes fêtes, en ces temps de réconciliation familiales autour de la dinde aux marrons et du mousseux. En toute bonne tradition chrétienne, nous allons ripailler comme des cochons, tout en priant pour les malheureux, dormant sur le pas de nos portes. Ce sera l'occasion se supporter une fois de plus l'oncle alcoolique, le beau-frère chasseur, le cousin raciste, et les beaux-parents de droite. Mais finalement, ne fait-on pas tout cela pour le bonheur des enfants ? A moins que ce soit une occasion de plus de boire un coup pour oublier. Allez, bonnes fêtes quand même ! Ah ! Ah !

Pour fêter cela, voici la chronique d'un de mes tous premiers disques de rock, je l'ai écouté pour la première fois à l'âge de 9 ans.

"Directement inspiré du son britannique, bouillonnant d’énergie, ils composent de vraies chansons personnelles, et mettent le feu aux MJC locales. "

LITTLE BOB STORY « High Time » 1976

Durant de longues années, on crut que le rock français n’était condamné qu’à être une parodie franchouillarde de hits anglo-saxons. Les Johnny Halliday, Chaussettes Noires, Hughes Aufray et Richard Anthony ne furent que les interprètes de titres soul ou rock’n’roll vêtus de paroles d’une bêtise confondante. Mais comme les kids français ne pouvaient ou ne connaissaient pas les interprètes originaux, la belle affaire, et les ringards eurent du grain à moudre.
Mais comme le déclara Henri Salvador (on ne rit pas) ,lorsqu’il importa le rock’n’roll en France avec Boris Vian : « on ne peut pas chanter la même chose qu’aux USA, car nous n’avons pas de problème économique ou politique (sic). Alors il vaut mieux chanter des choses gaies. » C’est ainsi que la plupart des rockers français chantèrent des conneries.
Les choses se gâtèrent avec Mai 1968, et la période Pompidou-Giscard. Quelques groupes tentèrent d’allumer le feu, comme les Variations, mais aucun n’eut de vrai retentissement, d’autant plus qu’ils chantaient en anglais. Ah ! Les français et leur attachement à leur langue « parce qu’on comprend pas les paroles ! ».
La vraie révolte débarque en 1975 en Normandie. Les années Giscard imposent Claude François, Joe Dassin et Michel Sardou comme les idoles de la jeunesse. La rigueur économique et l’ennui sont de rigueur. La France est incapable de participer à la folie du rock, sclérosée par un music-business vieillissant et omnipotent. Les groupes de rock anglo-saxons sont des stars (Rolling Stones, Who, Deep Purple, Led Zeppelin), et passent en France avec parcimonie. Les disques sont toujours aussi difficiles à trouver en import. Et le rock anglo-saxon a bien du mal à jouer en France : les grandes salles sont quasi-inexistantes, et ne proposent pas des conditions acoustiques optimales (circa les Abattoirs à Paris et son son de garage). Et puis l’organisation lamentable achève les ambitions de colonisation : Led Zeppelin interrompera sa tournée française en 1973 à cause de problèmes techniques et d’émeutes qui cause la destruction quasi-totale du matériel du groupe. Il ne reste guère que la presse spécialisée, Rock’N’Folk et Best, pour porter le flambeau du rock en France.
La révolte vient donc de Normandie. Du Havre précisément. Proche de la côte, dans un port économique bouillonant où se croisent les bateaux de tous pays, dont la Grande-Bretagne, le rock anglo-saxon est là, tapis dans l’ombre.
Les premiers à dégainer sont les Dogs et Little Bob Story. Prenant le train d’une vague pré-punk appelé Pub-Rock dont les chantres sont Doctor Feelgood et Ducks Deluxe, ces deux groupes, qui chantent en anglais par respect pour les origines du genre, vont faire parler la poudre. Directement inspiré du son britannique, bouillonnant d’énergie, ils composent de vraies chansons personnelles, et mettent le feu aux MJC locales.
Précédé par trois 45 Tours et une tournée britannique, Little Bob Story dégaine son premier album. La pochette, le port du Havre la nuit, est à l’image du contenu : urbain, violent, sec, sans concession. Le groupe n’est alors qu’un quatuor : Robert « Little Bob » Piazza au chant, Guy Georges Grémy à la guitare, Dominique « Barbe Noire » Lelan à la basse, et Dominique « Mino » Quertier à la batterie. Christian Delahaie vient régulièrement consolider les guitares en parfait second.
Le résultat est ce brûlot redoutable qui commence par le puissant « High Time ». La guitare râcle le plancher, et la basse vrombit comme un B52, métallique et lourde. Piazza et sa voix de nain écorché vomit un rock’n’roll rageur. Le groupe va mêler titres originaux et reprises avec un égal bonheur. Ainsi ,on ne sait guère si « It’s All Over Now, Baby Blue », « Lucille » ou « I’m Crying » sont des reprises de Dylan, Little richard et les Animals, ou du Little Bob Story pur jus. Parce que ce jus, justement, c’est celui du rock anglais des années 60, les Who, les Kinks, les Pretty Things, les Stones. Sauf que tout cela est passé dans une moulinette électrique, celle des riffs 50s vintage de Grémy passés dans deux rampes de Marshall. Et l’on se rend compte que « Delices Of My Youth », « So Bad », ou « I Don’t Wanna Be A Loser » sont un retour à la quintessence du rock’n’roll : chansons de trois minutes envoyées à fond les ballons et énergie rebelle. Tout cela donnera place au Punk en 1976, mais Little Bob Story sont en première ligne. Ils tourneront d’ailleurs beaucoup en Grande-Bretagne, éclatant la concurrence, et forçant l’admiration des Damned et de Motörhead qui en fera une référence pour son rock’n’roll high octane.

« High Time » est un disque fondateur, et une pierre angulaire que les branchouillards de BBBrunes, Naast et Mondrians feraient bien d’aller réécouter avant de la jouer rebelle.

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1 commentaire:

Micout a dit…

J'ai vu "LITTLE BOB STORY" en concert dans les années 70 au PRESSOIR au Trait (76)... Souvenirs...