Figurez-vous que le groupe de rock qui porte le nom de la capitale de la France est un groupe de hard-rock. Et l’un des meilleurs encore. Sa carrière fut éclair, mais il laisse derrière lui deux disques, dont celui-ci, fabuleux.
Et qui plus est, il s’agit d’un super-groupe. Ou un ramassis de losers, car à cette époque (1976), le concept est usé, et est souvent le terrain de jeu de musiciens de la fin des années 60 dont le succès individuel s’émousse. Je pense notamment au très moyen FBI, qui regroupait notamment Carmine Appice, ex-Vanilla Fudge et Cactus, et Mike Bloomfield, ex-Bob Dylan et Electric Flag, entre autres.
Donc, Paris est un super-groupe formé en 1975 par Bob Welch. L’homme est fraîchement débarqué de Fleetwood Mac, groupe d’origine anglaise qui connut le succès grâce à M. Peter Green en 1969, puis le retrouvera en 1977 avec l’album « Rumours ». c’est donc grosso-modo entre ces deux dates que Bob Welch a officié dans Fleetwood Mac. Plus précisément entre 1971 et 1975. Les temps furent difficiles, la Grande-Bretagne boudant son ex-icône blues, et L’Amérique étant frileuse à ce groupe décapité de son leader juste avant la percée US. Il y eut bien quelque disques d’or et de platine, mais trop modestes pour faire de Fleetwood Mac une superstar. Welch est débarqué pour être remplacé par le couple Stevie Nicks – Lindsey Buckingham, pour le succès que l’on sait.
Welch, désemparé, décide de fonder un groupe afin de s’adonner à son amour du rock, très zeppelinien, et tout simplement interpréter ses chansons. Il recrute un certain Glenn MacCormick, ancien bassiste de Wild Turkey, mais surtout de Jethro Tull entre 1968 et 1971. Il manque un batteur, et Welch se permet de rêver au batteur de Nazz, le groupe de Todd Rundgren, une de ses grandes influences. L’homme en question s’appelle Thom Mooney, et est l’un des plus fantastiques batteurs de l’époque. Il faut écouter l’intégrale de Nazz, et se rendre compte combien son drumming est aussi ambitieux que celui de Keith Moon, mais avec la maîtrise d’un Buddy Rich, pas moins. Nazz n’ayant connu qu’un succès d’estime, Mooney vivote aux USA. Trop impatient de reprendre ses fûts, il accepte l’offre de Welch.
Le trio se réunit, et commence à répéter fin 1975. Une chose s’impose rapidement : Welch fuit l’univers blues-rock avec des poils de Fleetwood Mac. Désarçonné, blessé, Welch laisse libre cours à son univers personnel : un mélange de références occultes, d’images surréalistes à la René Magritte, d’essais sonores modernes, et une énergie gorgée d’électricité vengeresse.
Et tout dans Paris tranche avec le contexte musical de l’époque : des titres ramassés et concis, un son électrique et menaçant, qui doit sa puissance autant aux mélodies qu’aux riffs, et une imagerie étrange et décalée très loin du rock progressif et du glam.
Est-ce aussi la raison de son échec commercial. Sans doute. Mais longtemps ce groupe me fascina dans les encyclopédies rock, comme si, sans le connaître, une attraction étrange s’était créée.
Car la musique de Paris n’est pas une décharge d’adrénaline. C’est un venin, lent et vicieux. « Black Book », le titre qui ouvre le disque, est pourtant direct dans son riff. Néanmoins, la mélodie et la voix semble maîtriser avec une froideur lugubre l’électricité ambiante. Cette chanson est l’une de celles que je peux fredonner des heures durant, possédé. « Religion » est un titre très Led Zeppelin en apparence, mais son introduction malfaisante inversée crée une ambiance étrange, comme si malgré la négation de la chose religieuse, une atmosphère surréelle se mettait en place, vous désarçonnant peu à peu. « Starcage » imprime l’apport des synthétiseurs, mais avec emploi non pas soliste comme dans le rock progressif, mais totalement rythmique et mélodique, juste soutenu par la guitare. « Beautiful Youth » retrouve l’esprit zeppelinien menaçant de « Religion ».
Et puis, il y a « Nazarene »…. J’adore cette chanson. C’est un chef d’œuvre, une pépite exceptionnelle. A elle seule, elle mérite la découverte de ce disque. Pas moins. Une riff électrique tonne dans l’ampli, une rythmique mid-tempo appuie la sensation d’oubli romantique de la chose. C’est une ballade rapide, et l’ultime catharsis de l’homme seul face à son destin de loser. Entre vengeance, désespoir et résignation face à l’échec, on vivote entre toutes ces sensations, les battements de votre cœur oscillant sur les riffs et les cymbales. Il y a comme une sensation de malaise, de perte de soi qui rend ce titre si personnel, si magique. Une fois cette chanson dans la tête, vos déambulations solitaires sur le pavé urbain n’auront plus la même saveur.
« Narrow Gate » est une plongée dans un univers fantastique, à l’atmosphère vaporeuse, avant une nouvelle plongée dans l’électricité sauvage : « Solitaire » retrouve les accents zeppeliniens fracassés de « Religion ». « Breathless » fait étrangement cohabité les mélodies glaciales de Joy Division et le hard-rock. « Rock Of Ages » redéclenche la foudre heavy-metal, frisant la puissance du Black Sabbath de « Sabotage ». « Red Rain » clôt l’album de son riff exterminateur et de ses rythmiques alambiquées rappelant le passé progressive-blues de ces trois superbes musiciens.
Et puis il y a cette étrange odeur de cendres, et cette sensation de vide en soi, comme si Paris avait nettoyé de nos âmes modernes les tourments qui nous oppriment. A moins qu’il est réussit à en produire la bande-son la plus pertinente où le rêve de la fin des années 60, déjà, s’est envolée. L’espoir fou laisse place à l’ennui et au conformisme que ce trio génial brisa le temps de dix chansons brillantes et sans complexe.
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