C’est la fin d’une époque. Il y a dans l’air ce vent froid qui souffle les dernières cendres d’une existence. Debout devant la Mercedes 300D, les mains dans les poches, Nick Simper regarde l’horizon de ce monde moderne qui a balayé ses dernières illusions de jeune musicien.
Nick, comme beaucoup de musiciens, est devenu culte. Mais cela, il ne le saura que vingt ans plus tard. Pour l’instant, il n’est qu’un loser des années 70. Il fait partie de cette grande famille de musiciens ayant contribué à un grand groupe, mais dont le travail est resté dans l’ombre. Et puis, avec le temps, et malgré les groupes suivants, il est tombé dans l’oubli.
Simper fut le bassiste de la première formation de Deep Purple, entre 1968 et 1969. Bien qu’ayant enregistré trois albums avec eux, on se souviendra surtout de Deep Purple pour les disques suivants, « In Rock » et « Machine Head » en tête. Mais Nick n’y était pas.
Il fonda ensuite Warhorse, excellent groupe de hard-rock très purplien, qui sortit deux très bons disques. L’échec commercial du groupe le conduit à recommencer à zéro, et avec ses anciens camarades de Warhorse, il fonda Fandango. On est déjà en 1977.
Le Punk est là, et Nick a 32 ans. Il est trop vieux pour la génération Punk, et pas assez connu pour les majors. La musique de Fandango, dont le premier disque ne sortit qu’en 1979, après deux ans de galère entre contrat foireux et petits boulots pour manger, est à l’image de ses musiciens. Sans illusion.
Froide, professionnelle, elle est symptomatique de ces êtres envahis par l’amertume et la résignation. Les années d’or sont loin, les espoirs aussi. Et Nick, comme tant d’autres, savent qu’ils sont trop vieux pour réussir un jour. Alors Fandango, c’est cette musique de survivant, blindée, faite de décontraction et de solitude.
C’est du gros rock un peu heavy, mâtiné de réminiscences bluesy, celles de la formation de ces zicos biberonnés au blues anglais. Le seul souci, c’est que entre le punk, la New-Wave, et le renouveau du heavy-metal anglais, Fandango est déjà has-been.
Et puis il y a ces chansons. Pas toujours très inspirées, manquant de ce souffle magique qui rend une chanson rock géniale : celui de la jeunesse et de la fougue, disparue ici. C’est très bien jouer, mais cela n’a rien de vraiment génial, sauf que…
Il y a dans « Slipstreaming » et surtout sur « Future Times » ce son caractéristique des groupes de vieux briscards perdus dans une époque. Ceci dit, la plupart des groupes rescapés des années 70, stars ou non, furent vicitme de ce syndrôme. Vous savez, ce son un peu terne, un peu 80’s, le tout jouer avec professionnalisme, celui des musiciens qui ont plus de trente ans, et la moitié sur la route, de Jethro Tull à ELO en passant par les Doobie Brothers.
Mais il y a quelque chose de plus fort dans Fandango. Car là où les mammouths du rock ne sortent qu’une musique ininspirée, ces losers magnifiques rendent cette atmosphère de fin de siècle encore plus mélancolique.
C’est particulièrement vrai sur le titre « Future Times » : arpèges laid-back tristes de Pete Parks (au fait, ce garçon est un génie : écouter le solo de guitare sur « Back In Time » de l’album « Red Sea » de Warhorse. Parks joue seul sur la partie centrale, triturant les cordes et les effets, et arrive à vous déchirer le cœur. Même Jimmy Page n’aurait pas réussi à en faire un comme ça), batterie épaisse de Mac Poole, basse métallique de Nick, et vocaux perdus dans ces temps nouveaux que le chanteur Jim Proops tente d’exorciser en vain.
Le plus désarmant, c’est que ces quatre-là savent sûrement avant que le disque ne sorte que ce sera un four commercial. D’ailleurs, Fandango ne tournera pas : pas de proposition, et puis il faut manger, nourrir sa famille. Bref, il faut faire avec cette vie normale, celle du quidam moyen, lorsque les rêves de gloire et de reconnaissance se sont envolés un beau jour de 1969.
Après cela, ce sera les années 80, les sons synthétiques, et l’oubli total. Avant les années 2000, la pop mondiale aseptisée, grotesque et sans saveur, ou tout à coup, on redécouvre ces losers, et leur musique. Et de ce dire que ces deux albums de Fandango sont finalement bien meilleurs que beaucoup de disques actuels. Alors Nick, avec ses soixante berges, peut sourire en buvant sa bière au pub, en écoutant les deux jeunes blanc-becs assis à côté et parlant avec des étoiles dans les yeux des trois premiers albums de Deep Purple.
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2 commentaires:
salut,
pour ma part je suis un fan inconditionnel des deux albums de WARHORSE resortis avec des bonus il y a quelques années dont des morceaux live.
Effectivemet , j'ai mis des années avant de trouver les deux albums dont tu parles là et ma déception fût grande. J'étais resté sur WARHORSE et je retrouve un rock classique mais sans imagination. Déçu de voir ces artistes baisser les armes devant les jeunes de cette époques gavés de punk et de Disco. Comme tu le dis, les groupes dans les année 80font de la bouse commerciale sans âme et n'ont plu la rage de vaincre et la faim au ventre de leurs début. Assurant le compte en banque plutôt que de rester sur leurs bases puissantes, ils ont perdu pour beaucoup en intensité et en matière. Led Zeppelin c'est éteint en 81 à la mort de Bonham et c'est tant mieux.
Clinty
salut,
pour ma part je suis un fan inconditionnel des deux albums de WARHORSE ressortie avec des bonus il y a quelques années dont des morceaux live.
Effectivement , j'ai mis des années avant de trouver les deux albums dont tu parles là et ma déception fût grande. J'étais resté sur WARHORSE et je retrouve un rock classique mais sans imagination. Déçu de voir ces artistes baisser les armes devant les jeunes de cette époques gavés de punk et de Disco. Comme tu le dis, les groupes dans les année 80 font de la bouse commerciale sans âme et n'ont plu la rage de vaincre et la faim au ventre de leurs début. Assurant le compte en banque plutôt que de rester sur leurs bases puissantes, ils ont perdu pour beaucoup en intensité et en matière. Led Zeppelin c'est éteint en 81 à la mort de Bonham et c'est tant mieux.
Clinty
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