mercredi 21 novembre 2007

WEST,BRUCE AND LAING

WEST, BRUCE AND LAING “Why Dontcha” 1972

Les super-groupes sont une pure invention des années 60. Suivant les traces de Cream, alliage entre trois musiciens confirmés du circuit blues londonien, on utilisa le terme comme un gage de qualité. Etant donné celle de la musique de Cream, leurs prestations scéniques, et les références musicales de chaque individu, l’alliance ne peut se révéler qu’excellente.
C’est oublier que réunir des musiciens installés, ayant chacun connu gloire et fortune individuellement, cela peut aussi rapidement tourner au clash. Ce fut le cas de Cream, et de tous les autres d’ailleurs, l’existence d’un super-groupe ne dépassant pas les deux ans.
Suivi ainsi Blind Faith, ou encore Humble Pie, trop vite appelé super-groupe, et dont l’appellation lui nuit plus qu’il ne l’aida. Même le Jimi Hendrix Experience, Deep Purple et Led Zeppelin furent affublés de ce terme, dés lors que chaque musicien avait au moins un 45 tours vendu à trois exemplaires à son actif.
Puis à l’aube des années 70, le super-groupe perdit de son bel élan musical. Ceux-ci se transformèrent en d’hypothétiques machines à cash, et dont le signe musical distinctif est la virtuosité gratuite au détriment de la chanson, ce qui donna des albums toujours décevants par rapport au potentiel de base. Autre caractéristique, le nom : le super-groupe ne prend plus un nom imagé, mais celui de ses membres. Ainsi apparurent les Beck, Bogert, Appice (BBA), Bruce, Lordan, Trower (BLT), Emerson, Lake And Palmer (ELP), et ceux qui nous intéresse : West Bruce And Laing.
Dire que l’opération était courue d’avance est peu dire : imaginez un peu les deux-tiers du groupe Mountain, fier descendant de Cream (et dont la bassiste n’est autre que Felix Pappalardi, le producteur de …. Cream), se réunissant avec Jack Bruce, le bassiste de Cream. Ah ! Ca sent bon le bon plan ça ! En tout cas, on est parti du bon vieux heavy-blues-rock des familles. Le genre, alors très en vogue aux USA, est assuré du succès au moins en tournée. Pour les ventes, elles seront bien suffisantes, étant donné la réputation des trois gaillards.
Pour les musiciens, il s’agit d’une toute autre affaire. Pour West et Laing, c’est avant tout l’occasion de jouer avec un musicien qu’ils admirent. C’est aussi l’occasion de voir leur carrière décoller, car si Mountain a connu son heure de gloire, les ventes du groupe n’ont jamais atteint des sommets. Pour Bruce, c’est avant tout l’occasion de revenir sur le devant de la scène. Si ses albums solo sont d’excellente qualité, ils restent confidentiels, sa musique restant pointue, très jazz, et donc pas du tout dans l’air du temps, celui de Led Zeppelin, Deep Purple, Jethro Tull, et autres Yes. Jack Bruce est resté le bassiste virtuose de Cream. Et West et Laing attendent cela de lui.
Lorsque les trois compères se retrouvent en studio, d’entrée, c’est la déroute. Par quel bout attaquer ? Où veulent-ils aller ? Et personne pour leur conseiller quoi que ce soit, ils produisent eux-mêmes. Pour ne rien arranger, les trois ont le pif dans la cocaïne et la main sur le goulot les trois quarts du temps (le super-groupe sert aussi à financer tout cela).
Alors West prend sa Gibson Junior et décoche un vieux riff cradingue, celui de « Play With Fire » des Stones, et transforme cela en « Love Is Worth The Blues ». Tout le monde suit, et c’est parti. Bruce recycle son « Traintime » période Cream, et fait chanter le titre par Laing. Cela donne « Turn Me Over ». West a alors un boogie en stock, période Mountain, « The Doctor », et zou ! Hein, déjà, l’album il avance bien !
Et puis Bruce se ressert un whisky, et pète un plomb. Il est trois heure du matin, et des bribes de chansons solo. Il se dit que tiens, avec une grosse guitare blues, et la batterie lourde de Laing, ça pourrait coller. Alors il présente à ses deux collègues « Out In The Fields » et « Pollution Woman ». West et Laing restent dubitatifs, mais la sauce prend. D’un seul coup, le trio passe de la vieille formule éculée à une surprenante originalité musicale. D’un coup, le super-groupe archi-prévisible devient original. Et avec des titres comme « While You Sleep » ou encore « Pleasure », le trio continue son étrange mixture entre les arrangements fins de Bruce, et les accélérations brutales à base de grosses guitares heavy de West.
De cet apparent bourbier ressort un disque étrange, qui à l’écoute attentive se révèle peu à peu. On découvre un album riche, et finalement à contre-emploi. On découvre aussi un disque bien construit, et une musique à part dans la discographie de West, Bruce and Laing. Bon, je vous rassure, la virtuosité gratuite, on y aura droit en live. Il suffit d’écouter le « Live’N’Kickin’ » de 1974. Limite écoutable, ce disque est composé de … qutre titres pour quarante minutes de musique. Et que je te fais des soli de guitare, de batterie, et de basse mais… il reste cette petite flamme dans les vapeurs de came et d’alcool, lorsque Bruce attaque « Powerhouse Sod », seul à la basse, et tiens l’audience comme cela pendant dix minutes.
Il y aura aussi un deuxième album, un peu moins bon, mais résolument intéressant, où le groupe tente définitivement de sortir des ornières de sa catégorie.
Puis West et Laing reformeront Mountain, et Bruce sortira un album solo : « Out Of The Storm ». Tout un symbole. tous droits réservés

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