mardi 16 octobre 2007

Robin Trower

ROBIN TROWER « TWICE REMOVED FROM YESTERDAY » 1973

Putain, j’ai le bourdon. Ou plutôt, j’ai le Blues. Mais qu’est-ce que le Blues finalement ? Sans doute est-ce ce sentiment de tristesse et de mélancolie infinie, lorsque l’âme humaine est en suspens dans les brumes de la vie quotidienne. Lorsque rien ne va, et qu’il ne semble jamais y avoir d’échappatoire, à part la fuite. Le Blues a souvent parlé d’errance, d’amour déchu, de sexe et de religion. Mais finalement, peu ont réussi à retranscrire le sentiment, celui qui tiraille les tripes.
Robin Trower est l’ancien guitariste de Procol Harum, un fabuleux groupe précurseur du Rock Progressif et du Rock symphonique. Epris de Blues électrique, et notamment de Cream et de Jimi Hendrix, Trower forme un trio avec Reg Isidore à la batterie, et James Dewar à la basse et au chant. On est alors en 1972, et le grand Jimi est mort depuis deux ans. L’héritage musical et gigantesque, et parce qu’il s’en inpire grandement, Trower fut mis dans le vaste panier des suiveurs/copieurs d’Hendrix avec Randy California et Frank Marino de Mahogany Rush.
Si pour touts, cette étiquette est hautement crétine, pour Trower, c’est une insulte. Car, il fut le seul capable de continuer la voie du Cosmic-Blues, en lui donnant ses lettres de noblesse.
J’aurais pu prendre un autre disque, et notamment le « Live » de 1976, sur lequel sa technique instrumentale brille de mille feux, mais en l’occurrence, aujourd’hui, je m’en fous.

Si je choisis son premier album, c’est parce qu’il y a dessus des chansons somptueuses. A commencer par « I Can’t Wait Much Longer », écrit avec Frankie Miller (partenaire de l’épisode avorté Jude en 1972). Ce titre me retourne à chaque fois. Parce qu’il y a ce riff lourd et pesant, stellaire, comme le pas de l’homme désabusé qui s’apprête à prendre le train pour fuir. Et puis il y a ce solo, avec ces bends déchirants, guitare hululante dans le ciel gris. Difficile de succéder à un tel titre. Mais la force de Trower, c’est de réussir à surfer sur les sentiments humains les plus exacerbés : la colère, le désespoir, l’amour le plus fou, le courage.
Aussi, après une telle chanson, le trio aligne « Daydream », une vraie fausse chanson gaie. Comme si l’homme qui avait pris le train avait retrouvé un peu de quiétude quelque part ailleurs. Ou alors est-ce « Hannah », de la chanson suivante, qui lui brise à nouveau le cœur, parce que la belle ne veut pas de lui. Complainte sauvage, c’est l’homme en pleurs qui supplie, à genoux.
Après tant de souffrances, il est normal qu’il décide de crier combien il est un « Man Of The World ». Qu’il n’est qu’un homme, avec ses qualités, et surtout, ses défauts. Alors il reprend un peu de poil de la bête, et retourne voir sa chick pour lui dire « I Can’t Stand It » : c’en est trop, baby, tu vas t’en prendre une.
Est-ce parce que dans tous les films on se réconcilie sur l’oreiller. Mais Robin Trower enchaîne avec un « Rock Me Baby » de BB King somptueux. Poisseux, amer, vachard, cette version fait partie des meilleures reprises de blues de tous les temps. Même la version du live n’atteint pas cette intensité.
Et puis l’homme reprend sa route, désorienté. Il fait un point sur son passé dans « Twice Removed From Yesterday », compte les points, et fait le bilan de ses erreurs. Mais tout cela, c’est du passé. Et il explose dans un immense solo de guitare.
Après tout, tous les hommes sont des pêcheurs devant Dieu, et dans « Sinner Song », c’est une profession de foi. Electricité, Blues, et détermination. A moins que ce soit cette « Ballerina » qui lui fasse encore verser le cœur. Devant tant de beauté, la mélodie se fait délicate et minérale. Et c’est sur cette superbe ode que ce conclut ce magnifique album.
Je tenais également à signaler la voix de Jim Dewar. Car si la plupart des trios de guitaristes virtuoses mettent en lumière leurs leaders par des sidemen quelconques, Trower s’est adjoint un bassiste à la voix d’or. Le chant de Dewar est pour ainsi dire fait pour la musique de Trower : grave, chaude, profonde, puissante. Elle met en valeur les mélodies. Il faut également préciser que c’est Dewar qui écrivait les textes. Et puis lorsque la musique s’arrête, on reste abasourdi dans le silence. On ressort différent de cette expérience musicale. C’est avec le regard de l’homme qui a vécu que l’on regarde le monde. La mélancolie s’est mue expérience. Une part de naïveté disparaît en nous, et ce coup-ci, on se fera pas avoir. Juré. Putain, j’ai le Blues….
tous droits réservés

5 commentaires:

Anonyme a dit…

j ai le king biscuit flower hour live et c' est un sacre disque du père trower !!! en 2008 il doit passer en france j' espere aller le voir.REBELTRAIN.A+

Anonyme a dit…

Hi,

Je ne vais pas m'étendre, pour une fois. Juste : merci.

@+

Oyax.

Malvers Aurélien a dit…

Merci,
Sublime Album, superbe chronique...
Mais par contre j'aimerais savoir si vous avez des infos sur les pochettes parce que j'en ai rarement vu d'aussi laide... C'est incroyable, car la musique qui y est versée est sublime et c'est un euphémisme... Et je comprends pas comment une pochette peut autant desservir la musique... Surtout que ce n'est pas que pour cet album, ils ont réitéré...?

Julien Deléglise a dit…

Oui, la pochette est l'oeuvre de Funky paul, un ami de trower qui dessinera toutes ses pochettes jusqu'en 1980. Personnellement, j'aime beaucoup !Je trouve que cela donne un côté space et appuie le côté désenchanté et l'absence que l'on peut ressentir en écoutant la musique.

Malvers Aurélien a dit…

Ouai c'est vrai, c'est tout à fait ça en fait! Le space mais c'est un peu trop froid pour moi, ça me gêne ça donne un côté pink floyd alors que la musique si sublime pour moi encore c'est tout sauf du pink floyd...
Mais vous avez raison...
Merci