mardi 9 octobre 2007

Tank

TANK « Filth Hounds Of Hades » 1981

Le heavy-metal est décidément la seule vraie voie pour cracher à la gueule d’un système. C’est en tout cas chose vraie en 1980. A l’heure où la NWOBHM prend le pouvoir, le punk passe pour un con, les grandes figures du genres, Clash et Stranglers en tête, s’embourbent dans la musique new-wave ou world.
Algy Ward, le bassiste des Damned en 1978-1979, n’est pas trop du genre reggae. En fait, son truc à lui, c’est plutôt le coup de boule musical. Les Damned délivrèrent bien leur pesant de décibels, mais leur technique instrumentale un peu approximative brida un peu leurs ambitions. Ward veut du corrosif, du glaviot contre la société. Il trouve sa voie au sein de la NWOBHM naissante, et plus précisément en assistant à plusieurs concerts de Motorhead. Le trio de Lemmy est pour lui LA formule musicale : un son rock’n’roll, un esprit punk, de la vilence par tonneaux, et une attitude trash et agressive qui fait frémir la Grande-Bretagne, plus que les guignols des Sex Pistols.
Algy Ward fonde donc son trio en 1980 avec les frères Brabbs, Mark à la batterie et Peter à la guitare. Le combo tourne dés lors régulièrement avec Motorhead, Ward étant depuis les années Damned un ami de Lemmy. C’est également fort logiquement que Fast Eddie Clarke produit leur premier album, ce « Filth Hounds Of Hades ».
Ce disque est certes inspiré de la musique de Motorhead, mais cela serait trop facile. En effet, la Tête de Moteur est avant tout composé de vieux briscards ayant traîné leurs guêtres depuis les années dans le milieu rock, entre psychédélisme, blues et rock’n’roll. Et cela fait du trio de Lemmy un groupe affûté, bien plus riche et dense qu’il n’y paraît. Tank est un groupe jeune, qui n’a donc pas beaucoup d’expérience musicale, et cela fait la différence, son approche du heavy-metal est plus spontanée.
D’abord, il y a la voix de Ward, très punk. Ensuite, il y a les riffs et l’assise rythmique, très métallique. Ce qui fait de Tank un groupe moins rock’n’roll et plus métal que Motorhead. Tank n’est pas non plus un groupe au heavy-metal lyrique. On retrouve bien la concision punk, mais cela n’empêche pas la mélodie. Bien qu’ici l’efficacité soit privilégiée, découennant la musique de tout arrangement et enrobage superflu, on trouve ici de vraie chansons brutales, sans concession. Les climats sont imprégnés de ce ressentiment de la jeunesse de l’époque, ravagé par le chômage, les fermetures de mines, la rigueur Thatcherienne, et la désillusion des espoirs seventies.
Cela donne donc une musique compacte comme un pavé de granit, lancé de plein fouet dans une belle vitrine. C’est le remède idéal contre la fange branchouillarde. C’est le crachat prolo contre le capitalisme triomphant. Ca sent le cuir, le cambouis, la bière et la sueur. Ca flirte bon avec les murs de briques sales des faubourgs de Sheffield, le ciel gris, la crasse, et les bastons de rues.
Il faudrait citer tout les titres, mais un trio mortel s’impose souvent : « Shellshock » et son intro tribale, « Run Like Hell » et sa course folle, et le fantastique et maladif « That’s What The Dreams Are Made Of ». J’aime enfin cette production serrée mais claire, laissant bien luire chaque instrument. Ward et sa troupe ne retrouveront pas tout à fait l’urgence de ce premier disque, mais les suivant sont tout à fait recommandables, notamment « This Means War », compact brûlot de heavy-metal qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un Metallica. Il reste que ce disque est idéal quand on a les boules.

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