"Je
tombai immédiatement sous le charme de ce Heavy-Blues ravageur,
incandescent, la fureur qui s'en dégageait était incroyable. "
Chicken
Shack
A
la découverte de la musique de Stan Webb
Un
jour, je suis parti à la découverte du Blues blanc. J'avais
parcouru les disques de plusieurs grands groupes de Hard-Rock des
années soixante-dix, dont ma référence absolue : Led
Zeppelin. Avec eux, et leurs deux premiers albums en particulier,
impossible de passer à côté du Blues. Et j'aimais cela, cette
mélancolie, cette force de l'âme torturée. Je partis donc à la
découverte de cette musique sur les terres britanniques. Ma première
découverte fut Fleetwood Mac, mené par le guitariste et chanteur
Peter Green. Ce fut un vrai choc, car je découvris que l'émotion
véhiculée pouvait être encore plus intense sans pour autant avoir
recours à la puissance sonore.
Le filon trouvé, je commençais à écouter du Blues anglais, et à
balayer les groupes clés du mouvement. Et ce fut plusieurs
découvertes successives magnifiques, comme Savoy Brown par exemple.
Une seul me déçut quelque peu au premier abord : Chicken
Shack. J'avais fait l'acquisition d'une petite compilation se
concentrant sur les quatre premiers albums sur le label Blue Horizon.
Je ne fus pas emballé par ce Blues qui me parut bien timoré. Et
puis il y avait une chanteuse, et je n'aimais pas vraiment les voix
féminines, un problème d'identification sans doute. Pourtant, il
était impensable que l'on en dise tant de bien, qu'ils soient l'une
des formations phares du Blues anglais sans qu'il y ait une
explication plausible, un vrai talent que je ne sus déceler.
Et
puis, en fouillant dans le bac de disques d'une grande enseigne
culturelle parisienne, je tombai sur une pochette magnifique, et qui
n'était autre que celle d'un album de Chicken Shack. J'y regardai de
plus près, et je m'aperçus que de la formation originelle des
années Blues Horizon, il ne restait plus que le guitariste et
chanteur Stan Webb. Il n'était entouré que d'un batteur et d'un
bassiste, et la photo du groupe au verso les montrait en noir et
blanc, avec des mines sombres, ce qui contrastait avec la pochette de
l'album. Ce dernier s'appelait Imagination Lady. J'en fis
l'acquisition, puis je rentrai chez moi l'écouter. Ce fut un choc
dantesque.
Je
tombai immédiatement sous le charme de Heavy-Blues ravageur,
incandescent, la fureur qui s'en dégageait était incroyable. Je fus
soufflé. Il devint l'un des disques de ma vie avec Smokin
d'Humble Pie. Dès lors, je n'eus de cesse de faire l'acquisition de
tout ce que publia Stan Webb et Chicken Shack pour retrouver ne
serait-ce qu'une scorie de cette merveille d'album. Bien évidemment,
la musique de Stan Webb n'est pas aussi facile à appréhender, elle
ne se limite pas à une succession d'albums de Rock-Blues lourds. Le
parcours du guitariste est erratique, complexe, et sa musique est le
reflet de ses humeurs autant que de sa personnalité et des
circonstances dans lesquelles il enregistra sa musique. Webb joua
toujours du Blues, mais il en délivra des versions plus ou moins
fidèles, plus ou moins Rock.
Surtout,
Stan Webb est un incroyable compositeur. L'homme sut écrire de
magnifiques morceaux toute sa carrière durant, qui montre sa
personnalité et sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans un
carcan trop étroit. Le garçon a beaucoup d'humour, mais aussi des
blessures. Sa carrière ne fut pas simple. J'allai de découverte en
découverte. Même les disques les plus obscurs disposent de chansons
incroyablement fortes et intenses, toujours enluminées par sa
guitare magique, autre reflet de son talent. Car Webb est un
guitariste extraordinaire, de ceux qui arrivent à littéralement
faire parler une guitare, à lui faire articuler des syllabes :
Jimmy Page, Peter Green, Joe Walsh… Webb n'est pas du genre bavard,
il sait créer les climats, varier les couleurs, et appuyer avec une
note soutenue là où ça fait mal dans le coeur.
Stan
Webb est un homme honnête et discret, qui n'est extravertie que sur
scène. Il n'est pas spécialement bavard sur lui-même et sa
carrière, je l'appris lorsque je l'interviewai pour le magazine
Blues Again il y a quelques années de cela. Fou de joie d'avoir
décroché cet entretien, nous le réalisâmes par mail. Je lui envoyai
mes questions en anglais, et reçus quelques réponses des plus
laconiques. Il faut dire que ce qui m'enthousiasmais le plus, c'était
de parler avec lui des albums des années soixante-dix, une décennie
des plus compliquées pour lui. Il n'aimait pas particulièrement
cette période, ni les albums qu'il produisit à cette époque. Les
budgets minables, les managers véreux, les groupes instables avaient
eu peu à peu raison de son enthousiasme à l'époque. Et puis Stan
Webb n'est pas un homme à concept, qui a des explications pour tout
lorsqu'il évoque sa musique. Il compose, les idées lui viennent, et
il ne sait ni pourquoi, ni comment telle ou telle chanson a été
écrite. A vrai dire, il s'en fiche royalement, car ce qui
l'intéresse le plus, c'est de jouer sur scène. Il fait partie de
cette catégorie de musiciens qui ne recherchent pas le disque studio
parfait devant refléter tout leur art. Un album n'est qu'un recueil
de chansons de plus, prétexte à retourner sur la route. Il ne s'y
sent pas particulièrement à l'aise, et n'aime pas y passer trop de
temps. Il est de la trempe des Status Quo, des Budgie ou des Black
Sabbath. On enregistre les nouveaux morceaux, on en écrit parfois
quelques-uns à l'arrache sur la table de mixage, et une fois l'album
sorti, on repart sur la route. Stan Webb se fiche tellement du studio
que ces dernières années, il se contente de jouer sur scène. Il
n'a pas sorti un nouvel album depuis 2001, son premier album solo,
Webb. Seuls les disques en concert et les disques d'archive
viennent alimenter de temps en temps le souvenir de Chicken Shack
chez ceux qui savent.
Car
aujourd'hui, à l'heure du retour à l'underground du Rock et du
Blues, Chicken Shack n'est plus qu'un souvenir lointain. Seuls les
vrais amateurs de guitare, ceux qui aiment le Blues et le Rock ont
une petite pensée pour Stan Webb. Il est aussi un des derniers
survivants de cette génération de furieux de la guitare électrique
qui bousculèrent les conventions à grands coups de kilowatts
dévastateurs.
Vous
ne trouverez pas dans ce texte une biographie officielle relatant
heure par heure les faits et gestes de Stan Webb. Je ne ferai pas non
plus une dissertation sur son jeu de guitare. J'ai tenu à vous
conter sa vie, sa carrière, les grands faits, le contexte, et
surtout, à vous parler musique. Stan Webb et Chicken Shack nous ont
laissé une série d'albums merveilleux, qu'il convient de remettre
en valeur comme il le convient. Et en évoquant ainsi sa musique, ce
sera aussi pour moi l'occasion de mettre en lumière l'oeuvre d'un
homme passionnant, dont l'âme profonde réside dans ses chansons et
ses interprétations.
(à suivre)
(à suivre)
3 commentaires:
Lire cet article m'a fait beaucoup de plaisir !��Je suis,moi aussi, un aficionado de la musique/guitare de 'Stan the Man'! J'ai eu l'immense plaisir d'assister à quelques uns de ses concerts en Belgique et je confirme que sa manière de jouer son Gibson m'a touché dans le coeur pour toujours !�� Un très grand artiste/guitariste !����
Probablement l'un des meilleurs disques de Chicken Shack.
Et l'interview ? C'est dans le prochain épisode ?
J'ai découvert Chicken Shack à la télé dans les années 70 sur je ne sais plus quelle émission. Ils jouaient "poor boy". J'avais ce jour là reçue une très grande claque. J'avais adoré. Pour retrouver le morceau et l'album à une époque sans internet cela a été difficile. Une fois trouvé, j'avais adoré cet album, qui reste un des meilleurs pour moi. Par contre la suite a été décevante je trouve. Je n'ai jamais retrouvé sur you tube ce morceau de la télé des années 70. Dommage.
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