dimanche 19 mai 2019

STAN WEBB AND CHICKEN SHACK STORY


"Je tombai immédiatement sous le charme de ce Heavy-Blues ravageur, incandescent, la fureur qui s'en dégageait était incroyable. "


Chicken Shack
A la découverte de la musique de Stan Webb

Un jour, je suis parti à la découverte du Blues blanc. J'avais parcouru les disques de plusieurs grands groupes de Hard-Rock des années soixante-dix, dont ma référence absolue : Led Zeppelin. Avec eux, et leurs deux premiers albums en particulier, impossible de passer à côté du Blues. Et j'aimais cela, cette mélancolie, cette force de l'âme torturée. Je partis donc à la découverte de cette musique sur les terres britanniques. Ma première découverte fut Fleetwood Mac, mené par le guitariste et chanteur Peter Green. Ce fut un vrai choc, car je découvris que l'émotion véhiculée pouvait être encore plus intense sans pour autant avoir recours à la puissance sonore.

Le filon trouvé, je commençais à écouter du Blues anglais, et à balayer les groupes clés du mouvement. Et ce fut plusieurs découvertes successives magnifiques, comme Savoy Brown par exemple. Une seul me déçut quelque peu au premier abord : Chicken Shack. J'avais fait l'acquisition d'une petite compilation se concentrant sur les quatre premiers albums sur le label Blue Horizon. Je ne fus pas emballé par ce Blues qui me parut bien timoré. Et puis il y avait une chanteuse, et je n'aimais pas vraiment les voix féminines, un problème d'identification sans doute. Pourtant, il était impensable que l'on en dise tant de bien, qu'ils soient l'une des formations phares du Blues anglais sans qu'il y ait une explication plausible, un vrai talent que je ne sus déceler.

Et puis, en fouillant dans le bac de disques d'une grande enseigne culturelle parisienne, je tombai sur une pochette magnifique, et qui n'était autre que celle d'un album de Chicken Shack. J'y regardai de plus près, et je m'aperçus que de la formation originelle des années Blues Horizon, il ne restait plus que le guitariste et chanteur Stan Webb. Il n'était entouré que d'un batteur et d'un bassiste, et la photo du groupe au verso les montrait en noir et blanc, avec des mines sombres, ce qui contrastait avec la pochette de l'album. Ce dernier s'appelait Imagination Lady. J'en fis l'acquisition, puis je rentrai chez moi l'écouter. Ce fut un choc dantesque.

Je tombai immédiatement sous le charme de Heavy-Blues ravageur, incandescent, la fureur qui s'en dégageait était incroyable. Je fus soufflé. Il devint l'un des disques de ma vie avec Smokin d'Humble Pie. Dès lors, je n'eus de cesse de faire l'acquisition de tout ce que publia Stan Webb et Chicken Shack pour retrouver ne serait-ce qu'une scorie de cette merveille d'album. Bien évidemment, la musique de Stan Webb n'est pas aussi facile à appréhender, elle ne se limite pas à une succession d'albums de Rock-Blues lourds. Le parcours du guitariste est erratique, complexe, et sa musique est le reflet de ses humeurs autant que de sa personnalité et des circonstances dans lesquelles il enregistra sa musique. Webb joua toujours du Blues, mais il en délivra des versions plus ou moins fidèles, plus ou moins Rock.

Surtout, Stan Webb est un incroyable compositeur. L'homme sut écrire de magnifiques morceaux toute sa carrière durant, qui montre sa personnalité et sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans un carcan trop étroit. Le garçon a beaucoup d'humour, mais aussi des blessures. Sa carrière ne fut pas simple. J'allai de découverte en découverte. Même les disques les plus obscurs disposent de chansons incroyablement fortes et intenses, toujours enluminées par sa guitare magique, autre reflet de son talent. Car Webb est un guitariste extraordinaire, de ceux qui arrivent à littéralement faire parler une guitare, à lui faire articuler des syllabes : Jimmy Page, Peter Green, Joe Walsh… Webb n'est pas du genre bavard, il sait créer les climats, varier les couleurs, et appuyer avec une note soutenue là où ça fait mal dans le coeur.

Stan Webb est un homme honnête et discret, qui n'est extravertie que sur scène. Il n'est pas spécialement bavard sur lui-même et sa carrière, je l'appris lorsque je l'interviewai pour le magazine Blues Again il y a quelques années de cela. Fou de joie d'avoir décroché cet entretien, nous le réalisâmes par mail. Je lui envoyai mes questions en anglais, et reçus quelques réponses des plus laconiques. Il faut dire que ce qui m'enthousiasmais le plus, c'était de parler avec lui des albums des années soixante-dix, une décennie des plus compliquées pour lui. Il n'aimait pas particulièrement cette période, ni les albums qu'il produisit à cette époque. Les budgets minables, les managers véreux, les groupes instables avaient eu peu à peu raison de son enthousiasme à l'époque. Et puis Stan Webb n'est pas un homme à concept, qui a des explications pour tout lorsqu'il évoque sa musique. Il compose, les idées lui viennent, et il ne sait ni pourquoi, ni comment telle ou telle chanson a été écrite. A vrai dire, il s'en fiche royalement, car ce qui l'intéresse le plus, c'est de jouer sur scène. Il fait partie de cette catégorie de musiciens qui ne recherchent pas le disque studio parfait devant refléter tout leur art. Un album n'est qu'un recueil de chansons de plus, prétexte à retourner sur la route. Il ne s'y sent pas particulièrement à l'aise, et n'aime pas y passer trop de temps. Il est de la trempe des Status Quo, des Budgie ou des Black Sabbath. On enregistre les nouveaux morceaux, on en écrit parfois quelques-uns à l'arrache sur la table de mixage, et une fois l'album sorti, on repart sur la route. Stan Webb se fiche tellement du studio que ces dernières années, il se contente de jouer sur scène. Il n'a pas sorti un nouvel album depuis 2001, son premier album solo, Webb. Seuls les disques en concert et les disques d'archive viennent alimenter de temps en temps le souvenir de Chicken Shack chez ceux qui savent.

Car aujourd'hui, à l'heure du retour à l'underground du Rock et du Blues, Chicken Shack n'est plus qu'un souvenir lointain. Seuls les vrais amateurs de guitare, ceux qui aiment le Blues et le Rock ont une petite pensée pour Stan Webb. Il est aussi un des derniers survivants de cette génération de furieux de la guitare électrique qui bousculèrent les conventions à grands coups de kilowatts dévastateurs.


Vous ne trouverez pas dans ce texte une biographie officielle relatant heure par heure les faits et gestes de Stan Webb. Je ne ferai pas non plus une dissertation sur son jeu de guitare. J'ai tenu à vous conter sa vie, sa carrière, les grands faits, le contexte, et surtout, à vous parler musique. Stan Webb et Chicken Shack nous ont laissé une série d'albums merveilleux, qu'il convient de remettre en valeur comme il le convient. Et en évoquant ainsi sa musique, ce sera aussi pour moi l'occasion de mettre en lumière l'oeuvre d'un homme passionnant, dont l'âme profonde réside dans ses chansons et ses interprétations.
(à suivre)

tous droits réservés

3 commentaires:

koovie a dit…

Lire cet article m'a fait beaucoup de plaisir !��Je suis,moi aussi, un aficionado de la musique/guitare de 'Stan the Man'! J'ai eu l'immense plaisir d'assister à quelques uns de ses concerts en Belgique et je confirme que sa manière de jouer son Gibson m'a touché dans le coeur pour toujours !�� Un très grand artiste/guitariste !����

Anonyme a dit…

Probablement l'un des meilleurs disques de Chicken Shack.

Et l'interview ? C'est dans le prochain épisode ?

No Title a dit…

J'ai découvert Chicken Shack à la télé dans les années 70 sur je ne sais plus quelle émission. Ils jouaient "poor boy". J'avais ce jour là reçue une très grande claque. J'avais adoré. Pour retrouver le morceau et l'album à une époque sans internet cela a été difficile. Une fois trouvé, j'avais adoré cet album, qui reste un des meilleurs pour moi. Par contre la suite a été décevante je trouve. Je n'ai jamais retrouvé sur you tube ce morceau de la télé des années 70. Dommage.