mercredi 27 mars 2019

JEFF BECK GROUP LIVE 1972

"Le blues reste dans ses veines, mais il cherche à se démarquer."



29 juin 1972 : Jeff Beck Group au Paris Theatre de Londres, Grande-Bretagne

Cozy Powell est un jeune batteur qui finit dans les Midlands où tout se passe. Oui, tout se passe dans la région de Birmingham, quand on n'est pas sur Londres. La scène brummie a offert Chicken Shack, Trapeze, la moitié de Led Zeppelin (Plant et Bonham), les Move. Powell est originaire du Gloucestershire, joli comté campagnard entre Bristol et Oxford, au sud de Birmingham la métallique. Il y fait la connaissance des frères Ball : Dave à la guitare et Denny à la basse. Les trois rejoignent d'abord l'ancien chanteur des Move, Ace Kefford, avant de retourner en trio sous le nom de Big Bertha, inspiré du canon géant allemand sur wagon de la Première Guerre Mondiale qui bombarda Paris.


Ils publièrent un seul et unique simple, « Munich City », en 1969, avant que la petite équipe se délite après une tournée germanique prometteuse qui laissera d'ailleurs un bel enregistrement live de 1970 publié bien des années plus tard. Denny joue avec Long John Baldry, Dave avec Procol Harum. Cozy Powell est repéré par Jeff Beck, qui cherche à fonder un nouveau groupe. Le guitariste se passionne pour la soul. Le blues reste dans ses veines, mais il cherche à se démarquer. Et sa découverte des musiques noires durant sa convalescence l'oriente vers d'autres horizons.


En 1970, avec le soutien financier de Micky Most, Beck et Powell s'envolent pour Detroit, et enregistrent à Hitsville, les studios Motown sur le Grand Boulevard, avec un groupe de studio maison noir américain : The Funk Brothers. Le résultat ne paraîtra jamais, mais l'expérience est indélébile. En avril 1971, Jeff Beck veut son groupe funk. Il s'adjoint le pianiste de jazz Max Middleton, le bassiste funk Clive Chaman, et le chanteur Bobby Tench, ex-Gass, groupe afro-funk dans lequel intervint un certain Peter Green à la guitare.


Le premier album du quintet sort en octobre 1971 : Rough'N'Ready. Il se classe 46ème des meilleurs ventes d'albums., le résultat est encourageant, mais on est bien loin des grands succès de Clapton et Led Zeppelin. Le second album de cette formation, éponyme, est publié en mai 1972. C'est un four commercial, alors que l'album a été enregistré aux TMI Studios de Memphis par Steve Cropper, le brillant guitariste de Booker-T And The MG's et Otis Redding. Ce second disque est infiniment supérieur, mais ne trouve aucune place entre le rock progressif de Yes et Genesis, et le hard de Deep Purple et Led Zeppelin. Il n'y a rien de flamboyant là-dedans. Il s'agit d'une musique magnifique, d'une puissance et d'une sophistication effarante, mais qui n'a aucune frime ni contestation à revendre.

Le 29 juin 1972, Tim Harding de la BBC offre au Jeff Beck Group la possibilité de jouer en direct au Paris Theatre de Londres. Il s'agit de l'un des derniers sets de ce fantastique ensemble. A la fin de l'année 1972, Jeff Beck retrouvera Tim Bogert et Carmine Appice.
Le set a un feeling époustouflant. « Ice Cream Cake » débute le concert. Extrait du nouvel album, il a un groove fracassé, transpirant la soul et le funk. Powell est impérial. Il n'a sans doute jamais autant été mis en valeur qu'avec Jeff Beck. Le guitariste le considérait comme son alter-ego. Ils avaient presque le même physique, le même visage. Quelque chose de mystérieux reliait intérieurement ces deux hommes. Ils étaient connectés musicalement. Ce morceau d'ouverture a un feeling d'enfer. Bobby Tench est un sublime chanteur : blues, hargneux, soul, il ne force pas, il ponctue.



« Morning Dew » de Tim Rose réapparaît. Il était déjà là en 1968 avec Rod Stewart au chant. Mais cette version est funky, elle transpire la soul. Max Middleton est un pianiste époustouflant, et il a droit à ses quelques mesures de solo, superbes. Puis il débute un morceau de Don Nix : « Going Down ». Ce heavy-rock teigneux est une obsession chez tous les groupes fans de blues-rock. Jeff Beck Group va la reprendre, mais aussi Eric Clapton, Chicken Shack, Pink Fairies….Don Nix sera aussi le producteur de l'impeccable album des Variations, Take It Or Leave It, en 1973, où son feeling blues'n'soul respire à pleins poumons.


« Definitely Maybe » est un superbe instrumental soul, blues et jazz. Beck utilise le bottleneck de manière étrange. Cette technique va obséder un de ses grands fans : Ritchie Blackmore de Deep Purple. C'est sans aucun doute l'un des plus beaux instrumentaux de Jeff Beck. Il y a la pureté du son, la fantastique créativité sonore du guitariste. Chaque note est un mot, un soupir, une inspiration.

Une nouvelle version funk de « Plynth » extrait du second album vient fracasser le set. Les morceaux soul sont impressionnants : « Tonight I'll Be Staying Here With You », transfiguré par le chant de Bobby Tench.

« Ain't No Sunshine », le tube Bill Withers en 1971, a droit à sa revisite rock'n'soul. Et c'est fantastique. Ce morceau m'a toujours ennuyé, mais il devient plus subtil et plus profond avec l'interprétation du Jeff Beck Group. Il y a d'abord cette batterie à même de répondre à celle de John Bonham, ce titan qui cloua le Jeff Beck Group en 1969. Et puis le Jeff Beck Group de 1972 est une fantastique machine ivre de soul et de jazz. Clive Chaman est un bassiste inventif, Max Middleton est un fumigène des claviers. Cozy Powell n'a qu'à ponctuer de ses caisses, comme le fait Beck avec sa guitare. Et Tench brode sur ce tapis ahurissant de virtuosité contenue. « Got The Feeling » est une pure funk song du dernier album. Le Jeff Beck Group tente d'aller chercher à la fois Stevie Wonder et Herbie Hancock. Ca transpire la musique noire.

Même quand ces voyous explorent le répertoire du précédent Group avec Rod Stewart, ces chiens fous défoncent « Let Me Love You ». Bobby Tench est en feu, porté par un groupe fumeux. Le succès commercial, pauvre, doublé de la pression du producteur Mickie Most, va contraindre le Jeff Beck Group à exploser. Cozy Powell fonde le sublime Bedlam avec les frère Ball et le chanteur Frank Aiello. Jeff Beck part rejoindre ses deux frères oubliés : Tim Bogert et Carmine Appice.


tous droits réservés


3 commentaires:

Gregory a dit…

Very nice BECK write-up. Thanks! g

Anonyme a dit…

Bonjour,
Merci pour cet rubrique du live du JEFF BECK GROUP et en tant que grand fan, je n'ai qu'une hâte, acquérir ce CD, mais où ? celui-ci étant un bootleg qui ne se vend pas dans les crémeries habituelles. Si je peux avoir une piste pour trouver l'objet, merci. Je vois que tu as pris la plume pour quelques bouquins, un constat, à ma connaissance, il n'existe rien en france sur Jeff BECK, ce qui est une véritable abération, et je pense que nous sommes nombreux à attendre une bio du monsieur en français, si le coeur t'en dit, une bonne piste très porteuse à suivre......
Merci pour tes chroniques, je ne suis pas friand de tout mais je surveille régulièrement ton blog pour découvrir quelques perles à écouter et nous avons pas mal de goûts communs.

Bien musicalement

Unknown a dit…

Merci de ton commentaire. Pour trouver ce live, je te conseille de surveiller les bacs dans les conventions de disques, il y a souvent des enregistrements live en cd. Et il faut espérer qu'il voit le jour officiellement.
Concernant l'idée de livre, elle est excellente ! Mais j'ai déjà plusieurs projets en route pour le moment.
Par contre, dans mes deux ouvrages de chroniques de disques, il y a également plusieurs articles consacrés au Jeff Beck Group.
Je te remercie de ta fidélité.