"Pourtant,
le filet de sécurité est mince. A tout moment, la destinée du
petit chez-soi confortable peut basculer."
REVEREND BIZARRE : Death Is Glory… Now 2009
Les
raisons d'exister en ce bas-monde commencent à se faire rares. La
planète est en train de craquer de toutes parts, sous les yeux
effarés de ses peuples, et dans l'impunité la plus totale de ses
responsables politiques. Ils sont sans doute les plus nihilistes de
tous, finalement. Prêts à tout pour gagner toujours plus d'argent,
et favoriser leur petit entre-soi économico-financiers, ils
poursuivent un mode d'existence et de fonctionnement en totale
désaccord avec les réalités environnementales et sociales. Comme
si eux s'en sortiraient au final, avec leur fric, laissant la planète
faire le ménage par elle-même de cette population déjà trop
nombreuse. Pas de guerre mondiale à l'horizon, les catastrophes
climatiques feront le travail.
Petits
occidentaux de pays riches, nous nous levons désormais tous les
matins pour aller travailler, et gagner un salaire qui couvrent
difficilement les factures et les crédits, et peine à nous nourrir
correctement. Nous sommes des volailles en batterie, bonnes à être
gaver, à nous entasser dans des lotissements ou des barres
d'immeubles, attendant la mort en nous débattant, indifférents aux
cadavres qui tombent à nos côtés.
La
France vit un sursaut d'orgueil un peu foutraque. Mais une bonne
partie de la population semble comprendre que cette vie est
insupportable, et que ces gouvernants sont des pleutres cyniques,
arrogants, égoïstes et profondément stupides. La France est sur la
brèche, dans un espace d'incertitude politique. Le gouvernement
tente de faire rentrer cette jacquerie à la maison à coups de
trique, mais le désarroi est tel, que la violence aveugle est
inopérante.
Il
est vrai que la vie est devenue pénible. Bien sûr, il est
impossible de comparer le sort d'un énergumène de la classe moyenne
à celui d'un migrant fuyant la guerre ou un sans domicile fixe
mourant de froid dans la crasse. Pourtant, le filet de sécurité est
mince. A tout moment, la destinée du petit chez-soi confortable peut
basculer. Il suffit de ce que l'on appelle un accident de la vie :
la perte d'un emploi, une maladie, une séparation….Les dettes
s'entassent, les créanciers affluent, et l'on découvre que l'on a
plus rien. Le toit, la voiture appartiennent à la banque. Les frais
s'accumulent, chacun réclame sans état d'âme son dû. Les sourires
de façade sont remplacés par la froideur des mécanismes
administratifs. Les petites lignes dans les contrats d'assurance ou
de crédit se révèlent. C'est la curée. Et ce qui vous sépare du
destin d'un sans domicile fixe devient de plus en plus mince. Il
faut avoir dormi une nuit dans sa voiture avec ses affaires dans le
coffre pour réaliser toute la brutalité de ce monde.
On
savoure donc son petit confort, même si il faut compter les euros à
partir du quinze du mois pour manger, et jongler avec le découvert à
la banque. Ca ira mieux le mois prochain, même si ça ne va pas
depuis deux ou trois ans. Mais on a encore un toit sur la tête, un
paquet de pâtes dans le placard, et la voiture roule même si le
voyant de révision s'allume depuis trois semaines. On n'hésite à
aller rejoindre cette curieuse faune hirsute dans la rue qui
revendique autant à gauche qu'à droite. Les repères se perdent.
La gentille complaisance des médias a disparu, laissant la place à
de la vocifération d'extrême-droite. Un bastion culturel libéral
et bourgeois est en train d'aboyer. La peur s'installe. Ces quelques
dizaines de milliers de personnes pourraient-elles effectivement nous
condamner au peloton d'exécution ?
C'est
bien le révélateur de tout le mépris investi contre les classes
populaires depuis plus de trente ans. Chaque année, on leur bourre
la couenne, faisant passer la pilule habilement à coups de
confrontations entre catégories professionnelles et sociales. Les
entrepreneurs contre les fonctionnaires, les populations d'origine
maghrébine contre les petits blancs, la campagne contre la ville, la
banlieue contre l'hypercentre, les paysans contre les écolos….
Ce
ne fut qu'une succession de batailles de pouilleux, se collant des
peignées sous le regard goguenard d'une petite clique
d'investisseurs, d'héritiers, de banquiers et d'hommes politiques
issus de belles écoles du pouvoir. On est entre gens de bonne
compagnie, ceux qui emmènent le pays vers la félicitée, touchés
par la grâce divine. Les premiers de cordée. La race supérieure.
Le début du fascisme.
Et
ça jongle sur les symboles. Mais ça n'oublie pas de réhabiliter
Pétain, entrouvrant la porte de la cave où se trouvait
l'extrême-droite infernale depuis soixante-dix ans. Et de faire
l'étonné lorsque des croix gammées réapparaissent en plein Paris.
C'est forcément la faute des pouilleux. Racistes, ça vote
Rassemblement National. Postures. Alors que les programmes
économiques, sociaux et migratoires sont de plus en plus similaires,
on cherche ce qui servira de foulard rouge. L'antisémitisme, c'est
bien. On se penche sur les tentes des sans domicile fixe en jean et
veste en cuir à mille balles avec une mèche de fonctionnaire de
préfecture de 1941. La compassion pendant que l'on se presse
d'étrangler l'aide d'urgence, ultime recours avant que ces êtres
crèvent comme des bêtes. Et les populos français, qui avaient
tourné le dos à la politique depuis trente ans parce que tous
pourris, tous des cons, découvrent que l'on est au bord du gouffre.
Assis
sur mon canapé, je ressens toute cette destinée fatale me tomber
sur les épaules. C'est à se demander ce qui a un sens dans ce monde
imbécile. J'aimerais me perdre dans des pintes de bière à n'en
plus finir, écoutant à plein volume cette musique démoniaque qui
révulse toujours le bourgeois.
Une
fois encore, j'ai trébuché. Pas grand-chose, une connerie. Quelques
centaines d'euros que l'on cherche pour payer une facture, et puis ça
ne veut pas. On calcule, on compte, et puis ce qui est gagné est
perdu en dépenses imprévues. Ce monde de merde vous tient en
tension permanente. Il vous rogne la myéline des nerfs, comme une
impression de marcher sur des braises, un vrai tannage. On supporte
jusqu'à la rupture.
Les
pays du Nord de l'Europe sont de jolis modèles de civilité. Mais
personne ne va labourer dans les tréfonds de leur psyché. Les
hivers interminables, les villes austères, et les existences bien
rangées tapent sur le système d'une jeunesse qui réclament de
l'air, et ce depuis quarante ans.
(à suivre)
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1 commentaire:
Waouh !
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