mardi 26 février 2019

REVEREND BIZARRE 2009 Part 1



"Pourtant, le filet de sécurité est mince. A tout moment, la destinée du petit chez-soi confortable peut basculer."


REVEREND BIZARRE : Death Is Glory… Now 2009

Les raisons d'exister en ce bas-monde commencent à se faire rares. La planète est en train de craquer de toutes parts, sous les yeux effarés de ses peuples, et dans l'impunité la plus totale de ses responsables politiques. Ils sont sans doute les plus nihilistes de tous, finalement. Prêts à tout pour gagner toujours plus d'argent, et favoriser leur petit entre-soi économico-financiers, ils poursuivent un mode d'existence et de fonctionnement en totale désaccord avec les réalités environnementales et sociales. Comme si eux s'en sortiraient au final, avec leur fric, laissant la planète faire le ménage par elle-même de cette population déjà trop nombreuse. Pas de guerre mondiale à l'horizon, les catastrophes climatiques feront le travail.

Petits occidentaux de pays riches, nous nous levons désormais tous les matins pour aller travailler, et gagner un salaire qui couvrent difficilement les factures et les crédits, et peine à nous nourrir correctement. Nous sommes des volailles en batterie, bonnes à être gaver, à nous entasser dans des lotissements ou des barres d'immeubles, attendant la mort en nous débattant, indifférents aux cadavres qui tombent à nos côtés.

La France vit un sursaut d'orgueil un peu foutraque. Mais une bonne partie de la population semble comprendre que cette vie est insupportable, et que ces gouvernants sont des pleutres cyniques, arrogants, égoïstes et profondément stupides. La France est sur la brèche, dans un espace d'incertitude politique. Le gouvernement tente de faire rentrer cette jacquerie à la maison à coups de trique, mais le désarroi est tel, que la violence aveugle est inopérante.

Il est vrai que la vie est devenue pénible. Bien sûr, il est impossible de comparer le sort d'un énergumène de la classe moyenne à celui d'un migrant fuyant la guerre ou un sans domicile fixe mourant de froid dans la crasse. Pourtant, le filet de sécurité est mince. A tout moment, la destinée du petit chez-soi confortable peut basculer. Il suffit de ce que l'on appelle un accident de la vie : la perte d'un emploi, une maladie, une séparation….Les dettes s'entassent, les créanciers affluent, et l'on découvre que l'on a plus rien. Le toit, la voiture appartiennent à la banque. Les frais s'accumulent, chacun réclame sans état d'âme son dû. Les sourires de façade sont remplacés par la froideur des mécanismes administratifs. Les petites lignes dans les contrats d'assurance ou de crédit se révèlent. C'est la curée. Et ce qui vous sépare du destin d'un sans domicile fixe devient de plus en plus mince. Il faut avoir dormi une nuit dans sa voiture avec ses affaires dans le coffre pour réaliser toute la brutalité de ce monde.

On savoure donc son petit confort, même si il faut compter les euros à partir du quinze du mois pour manger, et jongler avec le découvert à la banque. Ca ira mieux le mois prochain, même si ça ne va pas depuis deux ou trois ans. Mais on a encore un toit sur la tête, un paquet de pâtes dans le placard, et la voiture roule même si le voyant de révision s'allume depuis trois semaines. On n'hésite à aller rejoindre cette curieuse faune hirsute dans la rue qui revendique autant à gauche qu'à droite. Les repères se perdent. La gentille complaisance des médias a disparu, laissant la place à de la vocifération d'extrême-droite. Un bastion culturel libéral et bourgeois est en train d'aboyer. La peur s'installe. Ces quelques dizaines de milliers de personnes pourraient-elles effectivement nous condamner au peloton d'exécution ?


C'est bien le révélateur de tout le mépris investi contre les classes populaires depuis plus de trente ans. Chaque année, on leur bourre la couenne, faisant passer la pilule habilement à coups de confrontations entre catégories professionnelles et sociales. Les entrepreneurs contre les fonctionnaires, les populations d'origine maghrébine contre les petits blancs, la campagne contre la ville, la banlieue contre l'hypercentre, les paysans contre les écolos….



Ce ne fut qu'une succession de batailles de pouilleux, se collant des peignées sous le regard goguenard d'une petite clique d'investisseurs, d'héritiers, de banquiers et d'hommes politiques issus de belles écoles du pouvoir. On est entre gens de bonne compagnie, ceux qui emmènent le pays vers la félicitée, touchés par la grâce divine. Les premiers de cordée. La race supérieure. Le début du fascisme.


Et ça jongle sur les symboles. Mais ça n'oublie pas de réhabiliter Pétain, entrouvrant la porte de la cave où se trouvait l'extrême-droite infernale depuis soixante-dix ans. Et de faire l'étonné lorsque des croix gammées réapparaissent en plein Paris. C'est forcément la faute des pouilleux. Racistes, ça vote Rassemblement National. Postures. Alors que les programmes économiques, sociaux et migratoires sont de plus en plus similaires, on cherche ce qui servira de foulard rouge. L'antisémitisme, c'est bien. On se penche sur les tentes des sans domicile fixe en jean et veste en cuir à mille balles avec une mèche de fonctionnaire de préfecture de 1941. La compassion pendant que l'on se presse d'étrangler l'aide d'urgence, ultime recours avant que ces êtres crèvent comme des bêtes. Et les populos français, qui avaient tourné le dos à la politique depuis trente ans parce que tous pourris, tous des cons, découvrent que l'on est au bord du gouffre.

Assis sur mon canapé, je ressens toute cette destinée fatale me tomber sur les épaules. C'est à se demander ce qui a un sens dans ce monde imbécile. J'aimerais me perdre dans des pintes de bière à n'en plus finir, écoutant à plein volume cette musique démoniaque qui révulse toujours le bourgeois.
Une fois encore, j'ai trébuché. Pas grand-chose, une connerie. Quelques centaines d'euros que l'on cherche pour payer une facture, et puis ça ne veut pas. On calcule, on compte, et puis ce qui est gagné est perdu en dépenses imprévues. Ce monde de merde vous tient en tension permanente. Il vous rogne la myéline des nerfs, comme une impression de marcher sur des braises, un vrai tannage. On supporte jusqu'à la rupture.
Les pays du Nord de l'Europe sont de jolis modèles de civilité. Mais personne ne va labourer dans les tréfonds de leur psyché. Les hivers interminables, les villes austères, et les existences bien rangées tapent sur le système d'une jeunesse qui réclament de l'air, et ce depuis quarante ans.

(à suivre)
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