"Car
Budgie est devenu un groupe puissant, qui joue très fort, au point
que certains clubs les refusent. "
BUDGIE : Budgie 1971
Cardiff,
Galles du Sud. Cette cité est la plus grande agglomération du Pays
de Galles, sa capitale historique. Fondée par les Romains, elle ne
connaîtra de véritable développement qu'au 19ème siècle, lorsque
le charbon, moteur de toute l'économie de l'époque, fut découvert
dans ses sous-sols. La ville se développa subitement, appelant de
toutes les terres environnantes les hommes en quête d'un travail
prompt à nourrir leurs familles. La ville se développa sur cette
industrie : église, stade sportif, université… furent
construits grâce à l'argent du charbon. Cardiff devint
officiellement capitale du Pays de Galles en 1955, bien des années
après son déclin, qui s'amorça dans les années trente. La ville
fut frappée par la crise, et ne s'en releva jamais, déclinant dès
l'immédiat avant-guerre. Depuis, Cardiff est une ville en constante
perdition, ne tenant la tête hors de l'eau que par son industrie
survivante, et par le développement d'un tourisme hypothétique
prôné par le gouvernement Thatcher au début des années
quatre-vingt.
1966.
Le guitariste Dave Edmunds, le bassiste John Williams, et le batteur
Rob « Congo » Jones fondent les Humans Beans, qui
deviendront Love Sculpture. Ils jouent du Blues électrique. Leurs
influences sont celles de la scène anglaise du moment, à commencer
par John Mayall And the Bluesbreakers, avec Eric Clapton puis Peter
Green. Ils pulvérisent de vieux classiques de Blues noir américain
avec une violence rarement entendue. Et Edmunds est un sacré
guitariste, sans concession. Les trois musiciens fascinent les gamins
du coin : leur énergie prodigieuse, leur furie électrique
hypnotisent. Ils veulent tous acheter une Gibson demi-caisse ES-335,
pulvériser des kilomètres de notes magiques.
La
scène musicale du Pays de Galles est maigre, comparée à celle,
bouillonnante, du Black Country, la terre de la sidérurgie autour de
Birmingham. D'innombrables musiciens émergeront de ces villes
sidérurgiques : Judas Priest, Black Sabbath, mais aussi Glenn
Hughes, futur Trapeze et Deep Purple. Et puis, bien évidemment, il y
aura deux immenses acteurs majeurs : Robert Plant et John
Bonham, du modeste Band Of Joy, qui rejoindront bientôt un dénommé
Jimmy Page pour créer les nouveaux Yardbirds, qui deviendront Led
Zeppelin. Tout cela n'est pas anodin.
Love
Sculpture fait rugir ses amplificateurs dans ce que l'on peut
qualifier d'équivalent de MJC près de St Peter's Church, à
Bedford. Un gamin malingre d'à peine dix-neuf ans regarde le
spectacle, cloué sur place. Il fait bien rire, Burke, avec son
physique ingrat, et ses grosses lunettes d'écailles double foyer. Il
n'est définitivement pas le profil de la Rock Star, individu
insignifiant et mal aimé que l'on laisse plus que volontairement de
côté.
Ce
set sera tellement percutant que Burke veut fonder son groupe. Le
jeune homme a vingt ans, et commence depuis peu à pratiquer la
guitare. Il fait part de son projet musical à ses camarades des
clubs de natation de l'école du Swimming Club de Cardiff. On lui
conseille un certain Brian Goddard. Les deux se rencontrent quelques
jours plus tard dans ce qui s'apparente à un semblant d'audition. Le
résultat en est que ce Brian n'est pas un guitariste époustouflant,
mais il est largement plus doué que le débutant Burke Shelley, qui
opte aussitôt pour l'achat d'une guitare basse.
Un
second guitariste est recruté, il s'appelle Kevin Newton. Il joue
dans les pubs et les clubs depuis plusieurs années, et a sa petite
réputation. Il est néanmoins déjà marié et père de famille, ce
qui freine les ambitions éventuelles de tournée. Burke Shelley
opte pour le poste de bassiste-chanteur. Il reste à trouver un
batteur. Il tombe sur une petite annonce manuscrite sur le panneau
dédié du magasin d'instruments de musique de Cardiff :
Gamlin's Shop. L'échoppe est tenue par un couple de vénérables
cinquantenaires, depuis peu fort surpris par la venue de plus en plus
régulières de jeunes gens chevelus désireux d'acheter des
instruments de musique amplifiés d'origine américaine. Un garçon
aux traits hispaniques est l'auteur de l'annonce : il s'appelle
Raymond Phillips.
Ray
a quitté l'école à quinze ans et travaille depuis comme
ouvrier-livreur à la laverie Vaughn. Il aime la musique au point
d'avoir demandé un kit de batterie pour Noël à sa mère. Celle-ci
lui achète un set de marque Premier, commandé chez Gamelin's Pianos
en 1965. Le cadeau d'un montant de 100 livres sterling est
considérable pour cette mère célibataire qui ne gagne que 13
livres par semaine comme nourrice. C'est un beau jour que Burke
Shelley frappe à la porte des Phillips au 50, Machen Place, Canton,
dans la banlieue de Cardiff. Il lui propose le poste de batteur,
suite à l'annonce. Ray accepte.
Le
quatuor s'appelle alors Hill's Contemporary Grass. Ils jouent des
morceaux de Fairport Convention, Ohio Express et surtout, des
Beatles. Shelley admire les Beatles. Il aime leur évolution
électrique, et reste hypnotisé par les albums « Sergent
Pepper And The Lonely Heart Club Band » de 1967 et le « White
Album » de 1968. Ils donneront leur premier concert au British
Steel Company Club de Canton, à quelques maisons de là où vivent
les Phillips. Le souvenir qu'en gardera le batteur restera attaché à
des circonstances douloureuses. Au moment de partir, la mère de
Ray, malade et alitée, lui demande de ne pas aller au concert pour
rester près d'elle. Le jeune homme, très impliqué dans son nouveau
projet musical, insiste pour s'y rendre, expliquant que ce set est
capital pour lui et son nouveau groupe. Il sera effectivement sur la
scène du British Steel Company Club, ne se doutant pas que la pauvre
femme est atteinte d'un cancer qui l'emportera quelques semaines plus
tard. Le set est de plutôt bonne tenue, et permet au quatuor de
gagner une trentaine de livres, que Kevin Newton, pratiquant les
paris, propose de miser la somme, et affirme revenir avec un cheval
de course. Les trois autres, en bons ouvriers gallois, refusent nets
et gardent l'argent, pas le musicien. Ce dernier restera quelques
mois au sein du groupe. Trop pris par sa vie familiale, il ne pouvait
s'impliquer davantage. Un nouveau nom émerge de la scène de
Cardiff : un certain Peter Morley. Mais il n'est pas intéressé.
Pourtant, il suggère le nom d'un jeune homme à la recherche d'un
groupe : Anthony James Bourge.
Ray
et Burke partent aussitôt le rencontrer, et lui demandent de jouer
quelques morceaux qu'il connaît. Tony prend sa copie de Fender
Stratocaster bon marché achetée chez Gamelin's Pianos, et joue un
morceau de Freddie King, repris par John Mayall And The Bluesbreakers
avec Peter Green : « The Stumble ». Ray et Burke
sont époustouflés. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que Tony ne sait
rien jouer d'autre. Ils l'apprendront bien plus tard, à leur plus
grand étonnement. Le profil de Tony est musicalement parlant assez
surprenant, puisqu'il débuta comme chanteur et joueur d'harmonica.
Il occupera ce poste dans un petit groupe de Soul local. Il aime le
Rock'N'Roll et le Blues, et admire les guitaristes. Pourtant, cela ne
lui donne pas l'envie d'en jouer, considérant qu'il ne sentait pas
suffisamment capable pour en jouer lui-même. C'est lorsqu'il
découvre les premiers guitaristes blancs du Blues anglais, Eric
Clapton et Peter Green, ainsi que Jimi Hendrix, qui tous
transgressent les codes du Blues noir, qu'il se demande si lui aussi,
ne pourrait pas proposer quelque chose de personnel. Il s'achète une
guitare acoustique bon marché, et va apprécier sur scène dès
qu'il le peut le guitariste de Blues blanc majeur du Pays de Galles :
Dave Edmunds. Tony Bourge en analyse son jeu, commence à forger son
style, qui le conduit à faire l'acquisition de sa première guitare
électrique. Les premières semaines, il apprend consciencieusement
les chansons du répertoire. Les premiers concerts, il n'apparaît
que sur quelques titres, puis tient progressivement la totalité du
set, jouant en duo de guitares avec Brian Goddard.
Le nom du quatuor, Hill's Contemporary Grass commence à gêner les
musiciens. Il faut dire que le répertoire s'oriente de plus en plus
vers le Blues électrique de l'époque, et même les reprises des
Beatles s'alourdissent furieusement, à l'image d'un Vanilla Fudge.
Burke Shelley propose alors une idée typique de son cerveau
imaginatif : Budgie. Le nom de cet oiseau surprend ses
camarades, mais l'explication du bassiste à ce propos dessine déjà
toute l'originalité qui sera la ligne de conduite du groupe. Pour
Shelley, the budgie, soit la perruche en anglais, est le symbole de
l'oiseau pour vieilles dames conservatrices. Il apercevait souvent
les cages contenant ces oiseaux aux fenêtres de demeures du centre
ville de Cardiff, dans les quartiers confortables, loin de
l'agitation des banlieues plus ouvrières. Comme beaucoup de jeunes
gens de son époque amateurs de musique Rock, Burke Shelley est en
rupture avec la société de ses parents, rigide et offrant peu de
perspectives autres qu'un travail, une maison de banlieue et un foyer
avec deux enfants. La jeunesse anglaise des années soixante veut
profiter de la vie, de ses plaisirs, et ne plus subir l'austérité
des années post-guerre mondiale. Burke Shelley s'est laissé pousser
les cheveux, écoute les Beatles et toute la Pop anglaise. Il va même
pousser la logique au-delà de la plupart des jeunes de l'époque :
il va former son propre groupe et tenter de faire carrière de la
musique. Toujours est-il que cette perruche est le symbole pour lui
de cette société austère et rigide qui déteste les jeunes hommes
avec des cheveux longs. Il imagine même qu'une perruche à taille
humaine viendrait massacrer ces vieilles bonnes femmes et libérerait
ces oiseaux emprisonnés, à l'instar de Burke dans la société
anglaise de l'époque. Budgie se nommera d'ailleurs un temps Six Ton
Budgie durant l'année 1970, soit la perruche de six tonnes, ce qui
transcrivait mieux l'idée de Shelley d'une part, et la musique du
groupe d'autre part. Mais le nom Budgie, simple et percutant, fait
l'unanimité au sein du quatuor. Ainsi se nomment désormais nos
héros dès 1969.
L'arrivée
de Tony Bourge va être décisive dans l'évolution du son de la
formation. Au départ, Shelley et Phillips sont très orienté Pop
anglaise : Move, Beatles, et Folk : Fairport Convention et
Traffic. Bourge, l'amateur de Blues électrique, veut expérimenter,
et faire évoluer ces morceaux vers des sonorités plus personnelles,
à l'instar de Love Sculpture avec Dave Edmunds, Jimi Hendrix, ou
Peter Green avec Fleetwood Mac. Le son américain n'a pas encore
atteint les cotes galloises, et des formations comme Vanilla Fudge ou
les premiers disques de Deep Purple n'ont pas encore atteint les
oreilles de Budgie. Pourtant la démarche sera similaire, prenant les
chansons anglaises, les déformant et les violentant afin d'en
proposer des versions personnelles. « With A Little Help From
My Friend » des Beatles prend des atours de Blues lourd inspiré
de Spooky Tooth, un peu dans l'esprit de ce qu'en fera Joe Cocker à
cette époque. Burke Shelley trouve avec Tony Bourge le parfait
partenaire pour aboutir son projet musical : créer un groupe de
Rock dur, jouant des riffs, mais sertis sur des mélodies typiques
des Beatles. Quelques morceaux des quatre de Liverpool lui serviront
de base, les plus Rock : « Sergent Pepper Lonely Heart
Club Band », « Rain », « Paperback Writer »
ou encore « Helter Skelter ». Les mélodies de Shelley,
ainsi que sa voix très haute, vont se combiner avec la science du
riff Blues lourd de Tony Bourge, et la frappe de plus en plus
puissante de Ray Phillips. D'autres formations vont servir
d'influences aux hommes de Budgie : Gun et son « Race With
The Devil », mais aussi Cream.
Le
quatuor joue partout où il le peut, et se forge progressivement son
public au sein des pubs et des clubs de toutes sortes : rugby,
militaire, aviron, bars musicaux…. Budgie assure sa propre
promotion, créant lui-même ses affiches et ses posters. Ray
Phillips fait même l'acquisition d'une petite machine à imprimer,
qui coûte alors une fortune, mais qui leur permet de faire une
publicité plus efficace. Nous sommes à la mi-1969, et Budgie
commence progressivement à écrire ses propres morceaux.
Les
concerts sont parfois difficiles, devant un public très masculin,
comme dans les clubs de Rugby, et pas très attentifs. Les musiciens
se font même interpeller lorsqu'ils jouent une chanson originale, le
public exigeant un morceau qu'ils connaissent. Budgie prend alors
l'habitude de pousser les potentiomètres des instruments et de la
sonorisation au maximum afin de faire taire les clameurs et pouvoir
jouer leur propre matériel. Le calme revient alors et les tête
commencent à bouger en rythme avec la musique. Au National Coal
Board Club de Tredegar, une ville minière à côté de Cardiff, Ray
Phillips tapera tellement fort sur sa batterie, non amplifiée, que
le pied de sa caisse claire se cassera, et l'obligera à finir le
concert avec la caisse sur ses genoux.
Cet
incident montre d'une part les limites du modeste matériel dont
dispose Budgie, mais aussi d'une nouvelle influence majeure qui va
tout changer dans l'approche de leur musique : le premier album
de Led Zeppelin. Ce disque dispose de tout ce que rêve Burke
Shelley, Tony Bourge et Ray Phillips. Il y a bien sûr le Blues
électrique porté à un niveau stratosphérique de furie et de
virtuosité, mais aussi la voix haute et hurleuse de Robert Plant, et
bien évidemment, le jeu de batterie de John Bonham. Ce qui fera
toute la puissance de ce premier disque n'est pas tant les riffs de
Jimmy Page, finalement peu amplifié, mais bien ce jeu de batterie
dynamique à la force incroyable. Burke Shelley et Ray Phillips en
restent rêveurs, et le bassiste encourage son batteur à faire de
même. Alors ce dernier essaie comme un fou, jusqu'à briser le
matériel sur scène, devant aussi se faire entendre au milieu des
autres instruments amplifiés.
Le
rythme de tournée de plus en plus régulier, le week-end comme en
soirée de semaine, commence à poser souci au sein de Budgie. Tous
ont un travail la semaine : Tony est vendeur dans une boutique
de vêtement, Ray est livreur, et Burke est stagiaire-métreur chez
un architecte. Brian Goddard a non seulement un travail, mais aussi
une vie de famille installée. Et les racines de cette dernière ont
déjà posé des problèmes au groupe par le passé. En effet, Howard
Coates, le premier manager de Budgie, a vu sa petite amie partir avec
Brian Goddard, qui l'a mis par ailleurs enceinte. De l'animosité est
bien évidemment apparue, et a crée une tension au sein du groupe
compliquée à gérer. Le fait de devoir assurer à la fois les
concerts et et une vie de père de famille alors qu'il passe une
bonne partie de ses soirées et ses week-ends sur la route devient
difficilement conciliable. Cela ne manque pas de créer de nombreux
conflits conjugaux qui auront raison des ambitions musicales de Brian
Goddard qui quitte Budgie au début de l'année 1970.
Ce
départ va engendrer un regain de cohésion entre les trois musiciens
restant. Ils le vivent même comme une bouffée d'air, tant les
problèmes induits par la situation personnelle de Brian Goddard
pesaient sur l'ambiance au sein du groupe. Se sentant plus unis que
jamais, ils décident de faire avancer Budgie. Pour cela, ils
décident de s'équiper d'un matériel digne d'un vrai groupe
professionnel. Seul Burke Shelley dispose d'un instrument de valeur,
une basse Fender qu'il utilisera toute sa carrière. Ray et Tony
partent chez Gamlin's pour commander leur nouveau matériel. Le
premier opte pour un kit de batterie de marque Ludwig, d'abord
simple, et qu'il complètera avec une seconde grosse caisse. La
marque Ludwig est la meilleure au monde, et tous les grands batteurs
jouent dessus : Ginger Baker de Cream, Mitch Mitchell du Jimi
Hendrix Experience, ou encore John Bonham de Led Zeppelin. Ray
Phillips veut une batterie à double grosse caisse, car il est
fasciné par l'utilisation qu'en fait Ginger Baker, et veut aller
dans cette direction. Le matériel est spécialement commandé par
Horace Gamlin aux Etats-Unis. Pour l'anecdote, Ray ne paiera pas la
seconde grosse caisse. Ayant avancé l'argent à la boutique, M.
Gamlin se rend compte que les cymbales qu'il a fourni au jeune homme
sont d'occasion et non neuves. Il propose de le rembourser, mais Ray,
entre-temps,a opté pour une nouvelle configuration de son kit.
Tony
Bourge bénéficiera aussi du sens du commerce du couple Gamlin. Le
guitariste opte pour une Gibson ES-345 demi-caisse, inspiré de Dave
Edmunds, mais aussi de plusieurs de ses héros Blues, comme Freddie
King ou Chuck Berry. La guitare ne lui coûtera que la moitié du
prix originel de l'instrument et pour cause : la guitare a
survécu à l'inondation du magasin de M. et Mme Gamlin lors de la
dernière crue de la rivière à Cardiff, et elle a été retrouvée
flottante sur les eaux. Qu'importe, l'essai est concluant, et le prix
très intéressant. De nouveaux amplificateurs sont également
achetés afin d'avoir de la puissance, et voilà le matériel entassé
dans la camionnette, un Ford Transit, achetée l'année précédente.
Budgie
se dote d'une salle de répétition à eux. La formation change
régulièrement de local, selon les disponibilités. Ils répéteront
même quelques reprises dans une grande église désaffectée dans la
Tiger Bay. Finalement, ils élisent domicile dans une bâtisse en
bois, en pleine campagne du Drope, à la sortie de Cardiff. Les
musiciens se souviennent alors des vaches regardant par la fenêtre
du local, sûrement très intriguées par l'immense volume sonore de
la formation.
Car
Budgie est devenu un groupe puissant, qui joue très fort, au point
que certains clubs les refusent. Musicalement, la formation
s'imprègne abondamment de Led Zeppelin. Les deux premiers albums
alimentent l'inspiration, en particulier de Burke Shelley. La
batterie joue un rôle essentiel dans la puissance du son, et Ray
Phillips s'échine à tenter de reproduire les triolets de grosse
caisse de John Bonham. Fort logiquement, des morceaux de Led Zeppelin
apparaissent sur la setlist : « Good Times Bad Times »
ou « Whole Lotta Love ». Trouver le bon groove deviendra
une obsession pour Budgie, une leçon reçue de John Bonham. Les
trois gallois ne seront pas les seuls à avoir été frappés par la
musique de Led Zeppelin. Tony Iommi, le guitariste de Black Sabbath,
se souvient de l'impact explosif de la musique du Dirigeable sur la
scène musicale de l'époque. Il fut lui aussi plus impressionné par
le jeu de batterie de John Bonham, que par les riffs pourtant
hargneux de Jimmy Page. Pour Iommi, ce dernier n'avait pas réellement
le son lourd. Black Sabbath et Budgie vont s'en charger.
La
chance tourne enfin lorsque Budgie joue dans une salle appelée le
Cardiff Top Rank. Un homme, Windsor Walby, est présent dans la
salle. Il est à l'origine du concert de ce soir-là. C'est lui qui a
fait venir les vedettes de Londres, les Tremoloes, un groupe Pop très
populaire durant les années 60 en Grande-Bretagne. Il chercha
également des groupes locaux afin d'assurer la première partie du
spectacle, et les deux élus furent Oswald Orange et Budgie. Ray
Phillips se permet de l'aborder à la fin de leur set, et lui expose
les plans du groupe, rejoint par Burke Shelley. La vision des
musiciens, et leur prestation, impressionnent Walby, et lorsque
Budgie lui demande si il accepterait de les aider, il se montre
intéressé. Ce même soir, l'organisatrice du concert signale au
groupe qu'une audition à lieu au Rockfields Studios près de
Cardiff, car un producteur cherche à signer des groupes. L'option
Walby est donc dans un premier temps écartée. Joan England
conseille à Budgie de jouer des reprises, ce qui selon elle, permet
de juger le potentiel d'une formation.
Lorsque
le trio se présente au Rockfields Studios, le producteur en question
n'est autre que Rodger Bain. L'homme n'est pas n'importe qui :
il vient en effet d'assurer l'enregistrement des deux premiers albums
de Black Sabbath, quatuor de Heavy-Metal de Birmingham dont la
célébrité désormais internationale lui a permis de rejoindre le
cercle très fermé des grandes formations du Rock britannique aux
côtés de Led Zeppelin, Deep Purple ou les Who. Rodger Bain est venu
au Pays de Galles pour trouver une nouvelle formation de Rock lourd
capable d'être un nouveau Black Sabbath. Budgie se présente donc
devant Bain, et annonce au producteur qu'ils vont lui interpréter un
de leurs morceaux originaux, et non une reprise comme cela leur avait
été conseillé. L'audition est plus que convaincante, et Bain leur
propose de passer à l'étape suivante : enregistrer une bande
de démonstration dans un studio de Londres. Le trio est emballé,
mais cela nécessite un financement, que les trois musiciens n'ont
pas. Intervient à nouveau Windsor Walby.
Ce
dernier va être leur bienfaiteur. L'homme est un entrepreneur dans
le bâtiment qui s'ennuie ferme dans son travail, et décide
d'organiser des évènements musicaux autour de chez lui, à Cardiff.
Le concert des Tremoloes est un fiasco financier, et le refroidit un
peu dans ses ambitions musicales. Pourtant, la rencontre avec les
musiciens de Budgie, ainsi que leur set l'impressionne. La ferveur de
l'interprétation, la vision globale du projet, la détermination et
la cohésion des trois artistes l'encourage à essayer de les aider
d'une manière ou d'une autre. Lorsque Burke Shelley le recontacte
pour lui expliquer qu'ils auraient besoin d'argent pour enregistrer
une démo à Londres, Walby accepte immédiatement. Pour lui qui a
aussi connu des périodes de vaches maigres par le passé, il sait
combien il est essentiel de trouver un soutien financier, surtout
quand on a un projet et de l'ambition à revendre. Walby fournit donc
l'argent sans exiger d'eux qu'ils le lui rendent, et va même jusqu'à
leur prêter sa voiture avec le plein pour monter à Londres.
Beaucoup de ses amis se moqueront de lui : comment a-t-il pu
accepter de donner de l'argent et sa propre voiture à un groupe de
Heavy-Metal qu'il ne connaît pas ? Budgie lui rendra quelques
semaines plus tard son véhicule en parfait état, et tous les
remerciements possibles, preuve que ces trois chevelus ne sont pas
des barbares mais des gentlemen.
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