mercredi 31 mai 2017

BUDGIE 1971 PART 1

"Car Budgie est devenu un groupe puissant, qui joue très fort, au point que certains clubs les refusent. "

BUDGIE : Budgie 1971

Cardiff, Galles du Sud. Cette cité est la plus grande agglomération du Pays de Galles, sa capitale historique. Fondée par les Romains, elle ne connaîtra de véritable développement qu'au 19ème siècle, lorsque le charbon, moteur de toute l'économie de l'époque, fut découvert dans ses sous-sols. La ville se développa subitement, appelant de toutes les terres environnantes les hommes en quête d'un travail prompt à nourrir leurs familles. La ville se développa sur cette industrie  : église, stade sportif, université… furent construits grâce à l'argent du charbon. Cardiff devint officiellement capitale du Pays de Galles en 1955, bien des années après son déclin, qui s'amorça dans les années trente. La ville fut frappée par la crise, et ne s'en releva jamais, déclinant dès l'immédiat avant-guerre. Depuis, Cardiff est une ville en constante perdition, ne tenant la tête hors de l'eau que par son industrie survivante, et par le développement d'un tourisme hypothétique prôné par le gouvernement Thatcher au début des années quatre-vingt.

1966. Le guitariste Dave Edmunds, le bassiste John Williams, et le batteur Rob « Congo » Jones fondent les Humans Beans, qui deviendront Love Sculpture. Ils jouent du Blues électrique. Leurs influences sont celles de la scène anglaise du moment, à commencer par John Mayall And the Bluesbreakers, avec Eric Clapton puis Peter Green. Ils pulvérisent de vieux classiques de Blues noir américain avec une violence rarement entendue. Et Edmunds est un sacré guitariste, sans concession. Les trois musiciens fascinent les gamins du coin : leur énergie prodigieuse, leur furie électrique hypnotisent. Ils veulent tous acheter une Gibson demi-caisse ES-335, pulvériser des kilomètres de notes magiques.
La scène musicale du Pays de Galles est maigre, comparée à celle, bouillonnante, du Black Country, la terre de la sidérurgie autour de Birmingham. D'innombrables musiciens émergeront de ces villes sidérurgiques : Judas Priest, Black Sabbath, mais aussi Glenn Hughes, futur Trapeze et Deep Purple. Et puis, bien évidemment, il y aura deux immenses acteurs majeurs : Robert Plant et John Bonham, du modeste Band Of Joy, qui rejoindront bientôt un dénommé Jimmy Page pour créer les nouveaux Yardbirds, qui deviendront Led Zeppelin. Tout cela n'est pas anodin.
Love Sculpture fait rugir ses amplificateurs dans ce que l'on peut qualifier d'équivalent de MJC près de St Peter's Church, à Bedford. Un gamin malingre d'à peine dix-neuf ans regarde le spectacle, cloué sur place. Il fait bien rire, Burke, avec son physique ingrat, et ses grosses lunettes d'écailles double foyer. Il n'est définitivement pas le profil de la Rock Star, individu insignifiant et mal aimé que l'on laisse plus que volontairement de côté.

Ce set sera tellement percutant que Burke veut fonder son groupe. Le jeune homme a vingt ans, et commence depuis peu à pratiquer la guitare. Il fait part de son projet musical à ses camarades des clubs de natation de l'école du Swimming Club de Cardiff. On lui conseille un certain Brian Goddard. Les deux se rencontrent quelques jours plus tard dans ce qui s'apparente à un semblant d'audition. Le résultat en est que ce Brian n'est pas un guitariste époustouflant, mais il est largement plus doué que le débutant Burke Shelley, qui opte aussitôt pour l'achat d'une guitare basse.
Un second guitariste est recruté, il s'appelle Kevin Newton. Il joue dans les pubs et les clubs depuis plusieurs années, et a sa petite réputation. Il est néanmoins déjà marié et père de famille, ce qui freine les ambitions éventuelles de tournée. Burke Shelley opte pour le poste de bassiste-chanteur. Il reste à trouver un batteur. Il tombe sur une petite annonce manuscrite sur le panneau dédié du magasin d'instruments de musique de Cardiff : Gamlin's Shop. L'échoppe est tenue par un couple de vénérables cinquantenaires, depuis peu fort surpris par la venue de plus en plus régulières de jeunes gens chevelus désireux d'acheter des instruments de musique amplifiés d'origine américaine. Un garçon aux traits hispaniques est l'auteur de l'annonce  : il s'appelle Raymond Phillips.

Ray a quitté l'école à quinze ans et travaille depuis comme ouvrier-livreur à la laverie Vaughn. Il aime la musique au point d'avoir demandé un kit de batterie pour Noël à sa mère. Celle-ci lui achète un set de marque Premier, commandé chez Gamelin's Pianos en 1965. Le cadeau d'un montant de 100 livres sterling est considérable pour cette mère célibataire qui ne gagne que 13 livres par semaine comme nourrice. C'est un beau jour que Burke Shelley frappe à la porte des Phillips au 50, Machen Place, Canton, dans la banlieue de Cardiff. Il lui propose le poste de batteur, suite à l'annonce. Ray accepte.
Le quatuor s'appelle alors Hill's Contemporary Grass. Ils jouent des morceaux de Fairport Convention, Ohio Express et surtout, des Beatles. Shelley admire les Beatles. Il aime leur évolution électrique, et reste hypnotisé par les albums « Sergent Pepper And The Lonely Heart Club Band » de 1967 et le « White Album » de 1968. Ils donneront leur premier concert au British Steel Company Club de Canton, à quelques maisons de là où vivent les Phillips. Le souvenir qu'en gardera le batteur restera attaché à des circonstances douloureuses. Au moment de partir, la mère de Ray, malade et alitée, lui demande de ne pas aller au concert pour rester près d'elle. Le jeune homme, très impliqué dans son nouveau projet musical, insiste pour s'y rendre, expliquant que ce set est capital pour lui et son nouveau groupe. Il sera effectivement sur la scène du British Steel Company Club, ne se doutant pas que la pauvre femme est atteinte d'un cancer qui l'emportera quelques semaines plus tard. Le set est de plutôt bonne tenue, et permet au quatuor de gagner une trentaine de livres, que Kevin Newton, pratiquant les paris, propose de miser la somme, et affirme revenir avec un cheval de course. Les trois autres, en bons ouvriers gallois, refusent nets et gardent l'argent, pas le musicien. Ce dernier restera quelques mois au sein du groupe. Trop pris par sa vie familiale, il ne pouvait s'impliquer davantage. Un nouveau nom émerge de la scène de Cardiff : un certain Peter Morley. Mais il n'est pas intéressé. Pourtant, il suggère le nom d'un jeune homme à la recherche d'un groupe : Anthony James Bourge.

Ray et Burke partent aussitôt le rencontrer, et lui demandent de jouer quelques morceaux qu'il connaît. Tony prend sa copie de Fender Stratocaster bon marché achetée chez Gamelin's Pianos, et joue un morceau de Freddie King, repris par John Mayall And The Bluesbreakers avec Peter Green : « The Stumble ». Ray et Burke sont époustouflés. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que Tony ne sait rien jouer d'autre. Ils l'apprendront bien plus tard, à leur plus grand étonnement. Le profil de Tony est musicalement parlant assez surprenant, puisqu'il débuta comme chanteur et joueur d'harmonica. Il occupera ce poste dans un petit groupe de Soul local. Il aime le Rock'N'Roll et le Blues, et admire les guitaristes. Pourtant, cela ne lui donne pas l'envie d'en jouer, considérant qu'il ne sentait pas suffisamment capable pour en jouer lui-même. C'est lorsqu'il découvre les premiers guitaristes blancs du Blues anglais, Eric Clapton et Peter Green, ainsi que Jimi Hendrix, qui tous transgressent les codes du Blues noir, qu'il se demande si lui aussi, ne pourrait pas proposer quelque chose de personnel. Il s'achète une guitare acoustique bon marché, et va apprécier sur scène dès qu'il le peut le guitariste de Blues blanc majeur du Pays de Galles : Dave Edmunds. Tony Bourge en analyse son jeu, commence à forger son style, qui le conduit à faire l'acquisition de sa première guitare électrique. Les premières semaines, il apprend consciencieusement les chansons du répertoire. Les premiers concerts, il n'apparaît que sur quelques titres, puis tient progressivement la totalité du set, jouant en duo de guitares avec Brian Goddard.

Le nom du quatuor, Hill's Contemporary Grass commence à gêner les musiciens. Il faut dire que le répertoire s'oriente de plus en plus vers le Blues électrique de l'époque, et même les reprises des Beatles s'alourdissent furieusement, à l'image d'un Vanilla Fudge. Burke Shelley propose alors une idée typique de son cerveau imaginatif : Budgie. Le nom de cet oiseau surprend ses camarades, mais l'explication du bassiste à ce propos dessine déjà toute l'originalité qui sera la ligne de conduite du groupe. Pour Shelley, the budgie, soit la perruche en anglais, est le symbole de l'oiseau pour vieilles dames conservatrices. Il apercevait souvent les cages contenant ces oiseaux aux fenêtres de demeures du centre ville de Cardiff, dans les quartiers confortables, loin de l'agitation des banlieues plus ouvrières. Comme beaucoup de jeunes gens de son époque amateurs de musique Rock, Burke Shelley est en rupture avec la société de ses parents, rigide et offrant peu de perspectives autres qu'un travail, une maison de banlieue et un foyer avec deux enfants. La jeunesse anglaise des années soixante veut profiter de la vie, de ses plaisirs, et ne plus subir l'austérité des années post-guerre mondiale. Burke Shelley s'est laissé pousser les cheveux, écoute les Beatles et toute la Pop anglaise. Il va même pousser la logique au-delà de la plupart des jeunes de l'époque : il va former son propre groupe et tenter de faire carrière de la musique. Toujours est-il que cette perruche est le symbole pour lui de cette société austère et rigide qui déteste les jeunes hommes avec des cheveux longs. Il imagine même qu'une perruche à taille humaine viendrait massacrer ces vieilles bonnes femmes et libérerait ces oiseaux emprisonnés, à l'instar de Burke dans la société anglaise de l'époque. Budgie se nommera d'ailleurs un temps Six Ton Budgie durant l'année 1970, soit la perruche de six tonnes, ce qui transcrivait mieux l'idée de Shelley d'une part, et la musique du groupe d'autre part. Mais le nom Budgie, simple et percutant, fait l'unanimité au sein du quatuor. Ainsi se nomment désormais nos héros dès 1969.

L'arrivée de Tony Bourge va être décisive dans l'évolution du son de la formation. Au départ, Shelley et Phillips sont très orienté Pop anglaise : Move, Beatles, et Folk : Fairport Convention et Traffic. Bourge, l'amateur de Blues électrique, veut expérimenter, et faire évoluer ces morceaux vers des sonorités plus personnelles, à l'instar de Love Sculpture avec Dave Edmunds, Jimi Hendrix, ou Peter Green avec Fleetwood Mac. Le son américain n'a pas encore atteint les cotes galloises, et des formations comme Vanilla Fudge ou les premiers disques de Deep Purple n'ont pas encore atteint les oreilles de Budgie. Pourtant la démarche sera similaire, prenant les chansons anglaises, les déformant et les violentant afin d'en proposer des versions personnelles. « With A Little Help From My Friend » des Beatles prend des atours de Blues lourd inspiré de Spooky Tooth, un peu dans l'esprit de ce qu'en fera Joe Cocker à cette époque. Burke Shelley trouve avec Tony Bourge le parfait partenaire pour aboutir son projet musical : créer un groupe de Rock dur, jouant des riffs, mais sertis sur des mélodies typiques des Beatles. Quelques morceaux des quatre de Liverpool lui serviront de base, les plus Rock : « Sergent Pepper Lonely Heart Club Band », « Rain », « Paperback Writer » ou encore « Helter Skelter ». Les mélodies de Shelley, ainsi que sa voix très haute, vont se combiner avec la science du riff Blues lourd de Tony Bourge, et la frappe de plus en plus puissante de Ray Phillips. D'autres formations vont servir d'influences aux hommes de Budgie : Gun et son « Race With The Devil », mais aussi Cream.

Le quatuor joue partout où il le peut, et se forge progressivement son public au sein des pubs et des clubs de toutes sortes : rugby, militaire, aviron, bars musicaux…. Budgie assure sa propre promotion, créant lui-même ses affiches et ses posters. Ray Phillips fait même l'acquisition d'une petite machine à imprimer, qui coûte alors une fortune, mais qui leur permet de faire une publicité plus efficace. Nous sommes à la mi-1969, et Budgie commence progressivement à écrire ses propres morceaux.
Les concerts sont parfois difficiles, devant un public très masculin, comme dans les clubs de Rugby, et pas très attentifs. Les musiciens se font même interpeller lorsqu'ils jouent une chanson originale, le public exigeant un morceau qu'ils connaissent. Budgie prend alors l'habitude de pousser les potentiomètres des instruments et de la sonorisation au maximum afin de faire taire les clameurs et pouvoir jouer leur propre matériel. Le calme revient alors et les tête commencent à bouger en rythme avec la musique. Au National Coal Board Club de Tredegar, une ville minière à côté de Cardiff, Ray Phillips tapera tellement fort sur sa batterie, non amplifiée, que le pied de sa caisse claire se cassera, et l'obligera à finir le concert avec la caisse sur ses genoux.
Cet incident montre d'une part les limites du modeste matériel dont dispose Budgie, mais aussi d'une nouvelle influence majeure qui va tout changer dans l'approche de leur musique : le premier album de Led Zeppelin. Ce disque dispose de tout ce que rêve Burke Shelley, Tony Bourge et Ray Phillips. Il y a bien sûr le Blues électrique porté à un niveau stratosphérique de furie et de virtuosité, mais aussi la voix haute et hurleuse de Robert Plant, et bien évidemment, le jeu de batterie de John Bonham. Ce qui fera toute la puissance de ce premier disque n'est pas tant les riffs de Jimmy Page, finalement peu amplifié, mais bien ce jeu de batterie dynamique à la force incroyable. Burke Shelley et Ray Phillips en restent rêveurs, et le bassiste encourage son batteur à faire de même. Alors ce dernier essaie comme un fou, jusqu'à briser le matériel sur scène, devant aussi se faire entendre au milieu des autres instruments amplifiés.
Le rythme de tournée de plus en plus régulier, le week-end comme en soirée de semaine, commence à poser souci au sein de Budgie. Tous ont un travail la semaine : Tony est vendeur dans une boutique de vêtement, Ray est livreur, et Burke est stagiaire-métreur chez un architecte. Brian Goddard a non seulement un travail, mais aussi une vie de famille installée. Et les racines de cette dernière ont déjà posé des problèmes au groupe par le passé. En effet, Howard Coates, le premier manager de Budgie, a vu sa petite amie partir avec Brian Goddard, qui l'a mis par ailleurs enceinte. De l'animosité est bien évidemment apparue, et a crée une tension au sein du groupe compliquée à gérer. Le fait de devoir assurer à la fois les concerts et et une vie de père de famille alors qu'il passe une bonne partie de ses soirées et ses week-ends sur la route devient difficilement conciliable. Cela ne manque pas de créer de nombreux conflits conjugaux qui auront raison des ambitions musicales de Brian Goddard qui quitte Budgie au début de l'année 1970.


Ce départ va engendrer un regain de cohésion entre les trois musiciens restant. Ils le vivent même comme une bouffée d'air, tant les problèmes induits par la situation personnelle de Brian Goddard pesaient sur l'ambiance au sein du groupe. Se sentant plus unis que jamais, ils décident de faire avancer Budgie. Pour cela, ils décident de s'équiper d'un matériel digne d'un vrai groupe professionnel. Seul Burke Shelley dispose d'un instrument de valeur, une basse Fender qu'il utilisera toute sa carrière. Ray et Tony partent chez Gamlin's pour commander leur nouveau matériel. Le premier opte pour un kit de batterie de marque Ludwig, d'abord simple, et qu'il complètera avec une seconde grosse caisse. La marque Ludwig est la meilleure au monde, et tous les grands batteurs jouent dessus : Ginger Baker de Cream, Mitch Mitchell du Jimi Hendrix Experience, ou encore John Bonham de Led Zeppelin. Ray Phillips veut une batterie à double grosse caisse, car il est fasciné par l'utilisation qu'en fait Ginger Baker, et veut aller dans cette direction. Le matériel est spécialement commandé par Horace Gamlin aux Etats-Unis. Pour l'anecdote, Ray ne paiera pas la seconde grosse caisse. Ayant avancé l'argent à la boutique, M. Gamlin se rend compte que les cymbales qu'il a fourni au jeune homme sont d'occasion et non neuves. Il propose de le rembourser, mais Ray, entre-temps,a opté pour une nouvelle configuration de son kit.
Tony Bourge bénéficiera aussi du sens du commerce du couple Gamlin. Le guitariste opte pour une Gibson ES-345 demi-caisse, inspiré de Dave Edmunds, mais aussi de plusieurs de ses héros Blues, comme Freddie King ou Chuck Berry. La guitare ne lui coûtera que la moitié du prix originel de l'instrument et pour cause : la guitare a survécu à l'inondation du magasin de M. et Mme Gamlin lors de la dernière crue de la rivière à Cardiff, et elle a été retrouvée flottante sur les eaux. Qu'importe, l'essai est concluant, et le prix très intéressant. De nouveaux amplificateurs sont également achetés afin d'avoir de la puissance, et voilà le matériel entassé dans la camionnette, un Ford Transit, achetée l'année précédente.
Budgie se dote d'une salle de répétition à eux. La formation change régulièrement de local, selon les disponibilités. Ils répéteront même quelques reprises dans une grande église désaffectée dans la Tiger Bay. Finalement, ils élisent domicile dans une bâtisse en bois, en pleine campagne du Drope, à la sortie de Cardiff. Les musiciens se souviennent alors des vaches regardant par la fenêtre du local, sûrement très intriguées par l'immense volume sonore de la formation.

Car Budgie est devenu un groupe puissant, qui joue très fort, au point que certains clubs les refusent. Musicalement, la formation s'imprègne abondamment de Led Zeppelin. Les deux premiers albums alimentent l'inspiration, en particulier de Burke Shelley. La batterie joue un rôle essentiel dans la puissance du son, et Ray Phillips s'échine à tenter de reproduire les triolets de grosse caisse de John Bonham. Fort logiquement, des morceaux de Led Zeppelin apparaissent sur la setlist : « Good Times Bad Times » ou « Whole Lotta Love ». Trouver le bon groove deviendra une obsession pour Budgie, une leçon reçue de John Bonham. Les trois gallois ne seront pas les seuls à avoir été frappés par la musique de Led Zeppelin. Tony Iommi, le guitariste de Black Sabbath, se souvient de l'impact explosif de la musique du Dirigeable sur la scène musicale de l'époque. Il fut lui aussi plus impressionné par le jeu de batterie de John Bonham, que par les riffs pourtant hargneux de Jimmy Page. Pour Iommi, ce dernier n'avait pas réellement le son lourd. Black Sabbath et Budgie vont s'en charger.

La chance tourne enfin lorsque Budgie joue dans une salle appelée le Cardiff Top Rank. Un homme, Windsor Walby, est présent dans la salle. Il est à l'origine du concert de ce soir-là. C'est lui qui a fait venir les vedettes de Londres, les Tremoloes, un groupe Pop très populaire durant les années 60 en Grande-Bretagne. Il chercha également des groupes locaux afin d'assurer la première partie du spectacle, et les deux élus furent Oswald Orange et Budgie. Ray Phillips se permet de l'aborder à la fin de leur set, et lui expose les plans du groupe, rejoint par Burke Shelley. La vision des musiciens, et leur prestation, impressionnent Walby, et lorsque Budgie lui demande si il accepterait de les aider, il se montre intéressé. Ce même soir, l'organisatrice du concert signale au groupe qu'une audition à lieu au Rockfields Studios près de Cardiff, car un producteur cherche à signer des groupes. L'option Walby est donc dans un premier temps écartée. Joan England conseille à Budgie de jouer des reprises, ce qui selon elle, permet de juger le potentiel d'une formation.
Lorsque le trio se présente au Rockfields Studios, le producteur en question n'est autre que Rodger Bain. L'homme n'est pas n'importe qui : il vient en effet d'assurer l'enregistrement des deux premiers albums de Black Sabbath, quatuor de Heavy-Metal de Birmingham dont la célébrité désormais internationale lui a permis de rejoindre le cercle très fermé des grandes formations du Rock britannique aux côtés de Led Zeppelin, Deep Purple ou les Who. Rodger Bain est venu au Pays de Galles pour trouver une nouvelle formation de Rock lourd capable d'être un nouveau Black Sabbath. Budgie se présente donc devant Bain, et annonce au producteur qu'ils vont lui interpréter un de leurs morceaux originaux, et non une reprise comme cela leur avait été conseillé. L'audition est plus que convaincante, et Bain leur propose de passer à l'étape suivante : enregistrer une bande de démonstration dans un studio de Londres. Le trio est emballé, mais cela nécessite un financement, que les trois musiciens n'ont pas. Intervient à nouveau Windsor Walby.


Ce dernier va être leur bienfaiteur. L'homme est un entrepreneur dans le bâtiment qui s'ennuie ferme dans son travail, et décide d'organiser des évènements musicaux autour de chez lui, à Cardiff. Le concert des Tremoloes est un fiasco financier, et le refroidit un peu dans ses ambitions musicales. Pourtant, la rencontre avec les musiciens de Budgie, ainsi que leur set l'impressionne. La ferveur de l'interprétation, la vision globale du projet, la détermination et la cohésion des trois artistes l'encourage à essayer de les aider d'une manière ou d'une autre. Lorsque Burke Shelley le recontacte pour lui expliquer qu'ils auraient besoin d'argent pour enregistrer une démo à Londres, Walby accepte immédiatement. Pour lui qui a aussi connu des périodes de vaches maigres par le passé, il sait combien il est essentiel de trouver un soutien financier, surtout quand on a un projet et de l'ambition à revendre. Walby fournit donc l'argent sans exiger d'eux qu'ils le lui rendent, et va même jusqu'à leur prêter sa voiture avec le plein pour monter à Londres. Beaucoup de ses amis se moqueront de lui : comment a-t-il pu accepter de donner de l'argent et sa propre voiture à un groupe de Heavy-Metal qu'il ne connaît pas ? Budgie lui rendra quelques semaines plus tard son véhicule en parfait état, et tous les remerciements possibles, preuve que ces trois chevelus ne sont pas des barbares mais des gentlemen.
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