Bonne année à tous chers et fidèles lecteurs. Je vous souhaite à tous le meilleur pour cette nouvelle année, et une bonne lecture en espérant que vous y prenez toujours autant de plaisir.
"« On The Beach » fait partie de ces chansons que j’aime profondément."
"« On The Beach » fait partie de ces chansons que j’aime profondément."
THE RASPBERRIES : « Side 3 »
1973
Les bons moments dans la vie sont
finalement très (trop) rares. On passe son existence à courir
après, et à passer régulièrement à côté. La musique que l’on
qualifiera de Pop au sens large se fait le chantre de ces good times,
de la bonne soirée arrosée entre amis à la nuit sensuelle entre
amoureux. Mais tout cela n’est finalement que bien peu de temps
dans une vie, si l’on compare à celui que l’on passe à bosser
comme des cons et à régler des merdes de la vie quotidienne, tout
cela en devant côtoyer des abrutis. On y laisse son énergie et
parfois sa santé, et ce pour un résultat toujours bien médiocre
comparé à ce que l’on est en droit d’attendre de ses efforts.
J’ai un temps perdu tout plaisir à
passer du temps avec du monde ou en couple. Il est parfois effrayant
de constater combien on peut tomber bas à force de s’épuiser à
vouloir être conciliant et serviable. On finit par s’oublier
totalement, et plus rien n’arrive à vous rendre le sourire. Tout
n’est que dérive et tristesse. Se reconstruire est un long
processus, mais chaque bouffée d’oxygène de vie nouvelle a une
saveur très particulière, celle qui vous fait à nouveau apprécier
la vie à sa juste valeur. Seules les blessures passées vous font
encore plonger dans des réflexes dépressifs idiots. Le goût amer
de l’expérience passée suffit pourtant largement à alimenter le
vague-à-l’âme, pas la peine d’en ajouter davantage.
La Power-Pop est finalement restée
pour moi une sorte de jardin secret, un plaisir coupable au milieu
des disques de hard et blues déchirant l’âme. J’ai découvert
ce genre un peu confidentiel par le plus grand des hasards, en
comprenant que celui-ci était grosso-modo l’alliage de la musique
des Beatles, des Small Faces et des Who, soit trois groupes que
j’apprécie au plus haut point. L’une des formations qui
symbolise le plus cette fusion entre la puissance rock et la magie
des mélodies fut les Raspberries.
Classiquement, après avoir lu une
chronique de disques dans un vrai journal en papier, j’achetai en
tombant par hasard dessus deux compilations regroupant rien de moins
que leurs quatre albums. l’écoute m’enchanta, et en particulier
celle de ce troisième opus paru en 1973.
Ce quatuor est le résultat de la
fusion en 1971 de deux formations de Cleveland, The Choir et Cyrus
Erie. On retrouve Wally Bryson à la guitare lead, David Smalley à
la basse, Jim Bonfanti à la batterie et Eric Carmen au chant et à
la guitare rythmique. L’ensemble des musiciens participent aux
choeurs, bien évidemment, sinon, ce ne serait pas de la Pop, hein.
Le premier album éponyme permet à la
formation de décrocher un numéro 5 dans le Top US avec la chanson
« Go All The Way », qui se vendra à un million
d’exemplaires. Malheureusement, le succès s’arrêtera à cette
chanson, et les ventes d’albums ne suivront pas. Trop Rock pour le
public populaire, trop pop pour le public Rock, The Raspberries
n’arrivent pas à trouver son audience. « Side 3 » est
une tentative de se rapprocher de ces fans des Who en enregistrant
les nouvelles chansons avec un son plus direct, plus cru.
Moi qui suis un fan inconditionnel de
la bande à Pete Townshend, il est bien évident que tout cela allait
fortement me plaire. Ma grande crainte était finalement une mauvaise
copie mal dégrossie de la musique originale, qui est l’écueil
majeur sur lequel nombre de formations se sont lamentablement
échouées. Mais les Raspberries sont foncièrement un groupe doué,
un vrai.
Ils ont d’abord une vraie énergie
Rock, primordiale. Et ce dés leur premier 45 tours, le fameux « Go
All The Way ». Les choeurs apportent le sucre qui cristallise
les mélodies rutilantes, et fait que les Raspberries ne sont pas
qu’un groupe de Rock US de plus. Plusieurs formations Power-Pop
comme Badfinger ou les Rubinoos n’auront pas ce punch. Y compris
dans le chant d’ailleurs, car Eric Carmen a un sacré coffre de
rocker, une voix entre Roger Daltrey des Who, et Peter Cetera de
Chicago pour le côté plus mélodique.
Cet ancrage Rock, c’est ce qui
manquera d’ailleurs à Eric Carmen lorsque celui-ci partira dans
une carrière solo qui sombrera dans le sirop le plus total. On lui
doit notamment le « All By Myself » avec lequel Celine
Dion et ses ersatzs exterminent nos tympans depuis plus de vingt ans.
Mais pour l’heure, l’homme et son
groupe cherche une alternative au Hard-Rock viril de Led Zeppelin ou
Black Sabbath, et au rock progressif et ses digressions
instrumentales indigestes, celui de Yes ou Emerson, Lake And Palmer.
Les Raspberries voulaient revenir à un format de chanson de trois
minutes, alliant le talent d’écriture des Beach Boys, des Beatles,
ou des Hollies avec le Rock direct des Who ou des Pretty Things. Une
sorte de vision pré-punk, finalement.
Bien sûr, les arrangements
mélancoliques au piano peuvent parfois sembler un peu
mélodramatiques, notamment sur les deux premiers disques. Mais sur
« Side 3 », ils laissent la place à un vrai Rock
efficace et bien écrit. On y trouve d’ailleurs quelques
similitudes avec le « Quadrophenia » des Who, les
arrangements de claviers en moins.
« Tonight » refait le coup
de « Go All The Way » en thème rentre-dedans d’ouverture
de disque. Mais là où le couplet du tube des Raspberries se faisait
presque mielleux, « Tonight » ne baisse guère la garde.
Il conserve son énergie tout du long. Les arpèges des couplets,
l’urgence du chant, la batterie puissante de Bonfanti emportent le
plus dur des rockers dans un déluge d’emphase amoureuse. « Last
Dance » se fait plus mélodique, avec de délicates touches
américana, voire country en final. Chanson futée, elle surprend
l’auditeur imprudent à siffler la mélodie en quelques secondes.
« Make It Easy » débute comme un boogie-blues moite,
teinté de guitare acoustique sur le couplet, Il conserve cette
coloration bluesy marquée assez surprenante de la part des
Raspberries. Et le résultat est ultra-efficace.
« On The Beach » fait
partie de ces chansons que j’aime profondément. Emplie de cette
mélancolie adolescente un peu forcée, elle renvoie néanmoins à
cette amertume que l’on a parfois lorsque la vie se fait injuste et
difficile. Les arpèges de la SG Gibson double-manche de Bryson qui
montent en procession à la fin du morceau sur fond de bord de mer
.... On ressent cette douleur intérieure, cette résignation que
l’on refuse mais qui semble inéluctable. Ce morceau parfait reste
pour moi ce que le quartet de Cleveland a composé de plus fort
mélodiquement parlant.
« Hard To Get Over A
Heartbreak » débute comme un bon vieux blues-rock avant que le
refrain n’éclate, contagieux à souhait, avec ses choeurs
beatlesiens. Il me paraît important de faire ici une petite pause
dans ce déroulé des morceaux afin de parler du jeu des musiciens.
En effet, nous avons à faire à quatre instrumentistes de talent.
Jim Bonfanti est un batteur fabuleux, ses roulements de toms furieux
sont du niveau de Bev Bevan des Move et même du maître lui-même,
Keith Moon. David Smalley est lui fortement inspiré par John
Entwistle, mais son jeu fin se rapproche plutôt de celui de John
Paul Jones. Les deux formes une section rythmique puissante. Eric
Carmen, en plus d’être un très bon chanteur, est un guitariste
et un pianiste compétent. Bryson n’est sans doute pas un virtuose
mais ses chorus, ses riffs et ses arpèges chantent sur le support
musical infaillible de ses compères.
Sûr de sa force, les Raspberries le
chantent haut et fort : « I’m A Rocker ». Encore
un fabuleux blues-rock mélodique, fil conducteur de ce disque.
« Should I Wait ? » se fait plus country avant
qu’avec « Ecstasy » l’orage n’éclate à nouveau.
On retrouve la force et l’emphase de « Tonight ». La
tension y est incroyable, tenue par la basse linéaire et les
roulements furibonds de caisses. « Money Down » est un
heavy-blues poisseux très zeppelinien rappelant « The Lemon
Song ». Mais toujours malins, les Raspberries y rajoutent
quelques touches de cuivres soul, fiers de la musique noire de leur
pays.
« Side 3 » est un
excellent album de Rock, riche et ambitieux, il aurait pu satisfaire
bien des publics, mais il ne trouva jamais le sien. Terrible
injustice que le sort de ce groupe si talentueux, qui produisit
quatre excellents disques en à peine trois ans avant de disparaître
corps et âmes. Il refit surface en 2005 et 2007 pour quelques dates
de reformation dont témoigne un très bon live. Encensé par de
multiples musiciens américains, de Bruce Springsteen à Courtney
Love, ils purent goûter enfin à un peu de reconnaissance, trente
années plus tard. La galaxie Power-Pop compte de multiples groupes
merveilleux : Todd Rundgren, Nazz, Badfinger, Big Star,
Rubinoos, Artful Dodger... mais les Raspberries restent
incontestablement les plus merveilleux, ceux dont la magie de la
musique est indescriptible et intacte.
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