"Quand il rentre dans un morceau à grand coup de riff acéré, il y a toujours cet incroyable feeling blues."
RORY GALLAGHER « Deuce » 1972
La guitare râpée ne joue plus depuis maintenant quatorze ans, et pourtant, il semble qu’un chorus à Rory résonne encore au loin. Rory Gallagher, un ami, un genre de frangin. Je me souviens de tout cela, il y a quinze ans.
L’émission « Classic Rock » sur RTL occupait souvent mes samedis soir d’ado. Ce fantastique portail musical me fit découvrir bon nombre d’artistes rock. Rory, j’en avais auparavant aperçu quelques images furtives dans une émission télé sur l’année musicale 1975. Au milieu des méga-concerts des Stones ou de ELP, il y avait une minute d’électricité pure jouée par un petit bonhomme en chemise à carreaux, transpirant sur le manche de sa Stratocaster. Premier choc.
Le second, donc, c’est la radio. Alors que je m’apprêtai à acheter un album de Gallagher, la voix de Georges Lang se fit grave. Rory est mort. Très affecté, Lang consacra l’émission à l’Irlandais. Je découvre alors un artiste fantastique, du « Irish Tour » de 1974 à Taste en 1969. Et je me dis que, putain, c’est vraiment que les meilleurs qui s’en vont les premiers.
« Irish Tour » sera mon premier disque, « Deuce » le second. J’ai toujours adoré cet album. Tous les autres aussi d’ailleurs, mais celui-là… Il y a dans ce second disque solo de Gallagher une magie, un côté diamant brut que j’ai toujours trouvé attachant. Et puis, jamais Gallagher ne fera preuve d’autant d’ouverture musicale, s’enfermant parfois dans un hard-blues certes merveilleux, mais ne rendant pas justice à ses fantastiques connaissances musicales.
Car Gallagher n’est pas le névrotique niaiseux qu’on veut bien nous faire croire, ni l’abruti bloqué dans son blues-rock de pub. Non, Gallagher explora la country, le Mississippi-Blues, et le jazz avec un égal bonheur. « Deuce » met en lumière tout cela.
Bien sûr, il y a cette électricité sauvage que seul Rory sut apprivoiser et magnifier sans rendre cela vulgaire ou grotesque. Quand il rentre dans un morceau à grand coup de riff acéré, il y a toujours cet incroyable feeling blues.
Alors quand résonne « Used To Be », ce son craqué, live, basse-batterie, et la voix rauque, profonde et déchirée, on est bien avec un grand disque de hard-blues. L’électricité, Rory sait la manier. Mais ce qui fait la grande classe de tout cela, c’est la variété d’approche. Si « Used To be » est un classique ouvert à grand coup de riff, Rory sait passer au rollin’ boogie slidé avec autant de brio sur « In Your Town ».
D’ailleurs, le jeu de slide de Gallagher est un des tout meilleurs du siècle. Authentique, imaginatif, il est capable de l’alterner avec maestria avec un chorus classique, et sur des morceaux à l’atmosphère variée. Ainsi, si « In Your Town » est un bon vieux boogie, il apporte une slide magnifique sur le jazzy « Whole Lot Of People ». Il y a aussi cette merveille qui clôt l’album : « Crest Of A Wave ». Débutant par un riff mélancolique, le titre culmine comme sur une vague par deux fois avec deux soli d’une beauté terrifiante, portant au pinacle la mélodie mélancolique vers un océan d’émotion pure.
Mélancolie, amertume, Rory sait jouer avec tout cela. En bon irlandais, il sait faire transpirer cette âme avec brio. On la retrouve sur « There’s A Light » et sa rythmique jazzy, calé sur un riff d’entrée claquant comme les vagues de l’Atlantique sur les rochers noirs de la côte de l’Eire. Là encore, le solo est d’une beauté à vous arracher le cœur. Mais il y a aussi la guitare acoustique. Superbe titre, « I’m Not Awake Yet » résonne comme le meilleur folk-blues anglais, celui de Bert Jansch, Davy Graham, ou John Renbourn. Il y a aussi ce fond celte et les influences country-blues américain. Bref, du grand art, encore un titre superbe, brillant de cette flamme rougeâtre des hommes à l’âme triste.
Après ce disque, il y aura le tournant « Irish Tour », et puis l’évolution vers un hard-blues serré et lumineux, mais mettant moins en valeur toutes ces facettes. Il n’y aura plus non plus ce côté un peu urgent, live, un peu artisanal, qui fait tout le charme de ce beau disque de blues irlandais. A partir de là, Rory ne pourrait plus jamais quitter ni mon cœur ni mes oreilles. Et dix ans après, je reste enthousiaste comme un gamin devant chaque image du bonhomme, et à l’écoute de chacun de ses disques, comme autant de trésors magnifiques que l’on ne partage qu’entre initiés. Sauf, que sa parole résonne en nous de manière très personnelle, et le chorus de « Crest Of A Wave » aura toujours cette saveur particulière en moi.
tous droits réservésLa guitare râpée ne joue plus depuis maintenant quatorze ans, et pourtant, il semble qu’un chorus à Rory résonne encore au loin. Rory Gallagher, un ami, un genre de frangin. Je me souviens de tout cela, il y a quinze ans.
L’émission « Classic Rock » sur RTL occupait souvent mes samedis soir d’ado. Ce fantastique portail musical me fit découvrir bon nombre d’artistes rock. Rory, j’en avais auparavant aperçu quelques images furtives dans une émission télé sur l’année musicale 1975. Au milieu des méga-concerts des Stones ou de ELP, il y avait une minute d’électricité pure jouée par un petit bonhomme en chemise à carreaux, transpirant sur le manche de sa Stratocaster. Premier choc.
Le second, donc, c’est la radio. Alors que je m’apprêtai à acheter un album de Gallagher, la voix de Georges Lang se fit grave. Rory est mort. Très affecté, Lang consacra l’émission à l’Irlandais. Je découvre alors un artiste fantastique, du « Irish Tour » de 1974 à Taste en 1969. Et je me dis que, putain, c’est vraiment que les meilleurs qui s’en vont les premiers.
« Irish Tour » sera mon premier disque, « Deuce » le second. J’ai toujours adoré cet album. Tous les autres aussi d’ailleurs, mais celui-là… Il y a dans ce second disque solo de Gallagher une magie, un côté diamant brut que j’ai toujours trouvé attachant. Et puis, jamais Gallagher ne fera preuve d’autant d’ouverture musicale, s’enfermant parfois dans un hard-blues certes merveilleux, mais ne rendant pas justice à ses fantastiques connaissances musicales.
Car Gallagher n’est pas le névrotique niaiseux qu’on veut bien nous faire croire, ni l’abruti bloqué dans son blues-rock de pub. Non, Gallagher explora la country, le Mississippi-Blues, et le jazz avec un égal bonheur. « Deuce » met en lumière tout cela.
Bien sûr, il y a cette électricité sauvage que seul Rory sut apprivoiser et magnifier sans rendre cela vulgaire ou grotesque. Quand il rentre dans un morceau à grand coup de riff acéré, il y a toujours cet incroyable feeling blues.
Alors quand résonne « Used To Be », ce son craqué, live, basse-batterie, et la voix rauque, profonde et déchirée, on est bien avec un grand disque de hard-blues. L’électricité, Rory sait la manier. Mais ce qui fait la grande classe de tout cela, c’est la variété d’approche. Si « Used To be » est un classique ouvert à grand coup de riff, Rory sait passer au rollin’ boogie slidé avec autant de brio sur « In Your Town ».
D’ailleurs, le jeu de slide de Gallagher est un des tout meilleurs du siècle. Authentique, imaginatif, il est capable de l’alterner avec maestria avec un chorus classique, et sur des morceaux à l’atmosphère variée. Ainsi, si « In Your Town » est un bon vieux boogie, il apporte une slide magnifique sur le jazzy « Whole Lot Of People ». Il y a aussi cette merveille qui clôt l’album : « Crest Of A Wave ». Débutant par un riff mélancolique, le titre culmine comme sur une vague par deux fois avec deux soli d’une beauté terrifiante, portant au pinacle la mélodie mélancolique vers un océan d’émotion pure.
Mélancolie, amertume, Rory sait jouer avec tout cela. En bon irlandais, il sait faire transpirer cette âme avec brio. On la retrouve sur « There’s A Light » et sa rythmique jazzy, calé sur un riff d’entrée claquant comme les vagues de l’Atlantique sur les rochers noirs de la côte de l’Eire. Là encore, le solo est d’une beauté à vous arracher le cœur. Mais il y a aussi la guitare acoustique. Superbe titre, « I’m Not Awake Yet » résonne comme le meilleur folk-blues anglais, celui de Bert Jansch, Davy Graham, ou John Renbourn. Il y a aussi ce fond celte et les influences country-blues américain. Bref, du grand art, encore un titre superbe, brillant de cette flamme rougeâtre des hommes à l’âme triste.
Après ce disque, il y aura le tournant « Irish Tour », et puis l’évolution vers un hard-blues serré et lumineux, mais mettant moins en valeur toutes ces facettes. Il n’y aura plus non plus ce côté un peu urgent, live, un peu artisanal, qui fait tout le charme de ce beau disque de blues irlandais. A partir de là, Rory ne pourrait plus jamais quitter ni mon cœur ni mes oreilles. Et dix ans après, je reste enthousiaste comme un gamin devant chaque image du bonhomme, et à l’écoute de chacun de ses disques, comme autant de trésors magnifiques que l’on ne partage qu’entre initiés. Sauf, que sa parole résonne en nous de manière très personnelle, et le chorus de « Crest Of A Wave » aura toujours cette saveur particulière en moi.
4 commentaires:
Oui, je partage ton analyse sur la carrière de Rory. Un mec à part dans l'histoire du rock, avec un grand "B". Il a su magnifiquement interprèter un blues imprégné de culture Celte. Son jeu de guitare était tout autant impressionnant et il avait cette voix qui collait bien à ses compos. Toujours entouré de "pointures", sur scène il se donnait à fond, on aurait dit qu'il ne vivait que pour cela.
Le blues-rock a perdu une âme.
Jean-Michel
Superbe Blog et belle analyse de ce génie trop méconnu qu'était Rory Gallagher. C'est en cherchant une photo de lui à mettre sur mon blog que suis tomber sur le votre. Un beau travail de chroniqueur et de passionné de musique. A terme j'espère que mon blog sera aussi riche et passionnant que le vôtre.
Bonne continuation !!!
un de mes guitaristes préféré!artiste généreux et véritable virtuose du blues.
Deux autres albums que l'on peut recommander "fresh evidence" et "photo finish" un peu plus hard avec un gallagher au sommet ;
mon seul regret est d'avoir manqué un concert à quimper avec une première partie assurée par elliot murphy!
O combien je le remercie... Le trés grand Rory! C'est lui qui m'a sorti d'un méandre terriblement profond le mois passé... merci à vous deux.
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