Entre la courte période 1967 et disons 1972, il y eut, d’une part, une fantastique revolution de la musique pop, qui vit éclore bon nombre de trésors de l’histoire du Rock. Et puis d’autre part, cette période fut celle bénie des jam-bands. Ce terme recouvre en fait tous les groupes qui se lançaient dans des improvisations musicales de plusieurs minutes, voire plusieurs dizaines de minutes, devant un public attentif et réceptif.
Tous issus de la période hippie, qui explosa tant les carcans sociaux que musicaux, il n’est guère étonnant de constater qu’ils sont essentiellement américains. Mais cela est très restrictif, car on peut tout de même ajouter des formations comme Man, ou certaines formations progressives, comme King Crimson et Yes.
Mais il y a un autre élément à prendre en compte, musicalement parlant : ce sont les racines. Car la plupart des jam-bands, que ce soit Grateful Dead, Little Feat, ou bien Allman Brothers Band, ont les deux pieds dans le blues.
Pour ce qui est de l’ABB, on est largement dans le blues, puisque le groupe n’est pas issu de San Francisco, mais de Macon, en Géorgie. On est donc dans le Deep South, c’est-à-dire dans le berceau du blues et du rock sudiste, dont le ABB n’est ni plus ni moins que l’inventeur.
Mais sa musique n’est pas que blues. Elle est en fait le fabuleux mélange de blues, de rock psychédélique, de jazz, et de soul. Et si ses deux premiers disques sont excellents, il faudra vous saisir de ce fabuleux live pour bien comprendre toute la portée géniale de ce sextet. Car si le format du disque studio oblige à une certaine rigueur, là, on abandonne la structure classique pour se plonger corps et âme dans la musique. Chaque titre n’est que prétexte à improvisation. Il faut dire que le groupe est bien équipé : Dickey Betts et Duane Allman aux guitares, Gregg Allman aux claviers, Berry Oakley à la basse, et pas moins de deux batteurs, Butch Trucks et Jai Johanny Johnson. Il faut par ailleurs préciser que ABB fut l’un des premiers groupes multiraciaux avec Love, puisque Johnson est noir.
Une chose est sûr, c’est que ça groove grave, comme on dit chez les jeunes. Ou plutôt, le feeling, le rythme, les soli, tout n’est que plaisir de jouer, coups de génie instantanés. Duane Allman et Dickie Betts se permettent d’inventer les twin-guitars que pomperont pêle-mêle Wishbone Ash, Thin Lizzy ou Iron Maiden.
Et justement, c’est bien là l’originalité du ABB. Au-delà du jam-band blues, il éclate le carcan pour délirer vers le psychédélisme, et installe des climats planants et progressifs, comme sur le magnifique « In Memory Of Elizabeth Reed », ou « Mountain Jam », ajoutée sur le cd bonus de la Deluxe Edition, et disponible durant de longues années sur « Eat A Peach ». Il est finalement assez difficile de faire ressortir un titre plus qu’un autre. L’ensemble est d’une cohérence rare, puissant, servi par des musiciens parfaitement en phase, d’une cohésion peu commune. Souvent, le jam-band sert la soupe à un leader instrumental, le guitariste le plus souvent. Si ABB est avant tout un groupe à guitare, il ne laisse personne en rade, laissant les percussions s’exprimer. La voix chaude de Gregg Allman survole l’ensemble brillamment, apportant une couleur soul à cette mixture magique. Il se dégage de tout cela une sensation de bien-être, de voyage, de ballade les mains dans les poches, la tête dans des rêves et des fantasmes. Et malgré la mort de Duane Allman peu de temps après la sortie de ce live dans un accident de moto, le ABB restera un grand groupe, même si la petite touche de génie de Duane fit retomber d’un cran l’ensemble, notamment par la disparition du jeu de slide qui fit rêver Clapton.
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1 commentaire:
un live de reference ce fillmore east et que dire de duane allman, pour moi le meilleur a la slide guitar.rebeltrain
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