vendredi 13 décembre 2019

La New Wave Of British Heavy-Metal (NWOBHM) Part 1

"Dans les petites salles, le rythme s'accélère, et les nouveaux groupes de Heavy-Metal trouvent enfin leur place sur l'affiche."

  
Johnny Rotten fixe le public du Winterland de San Francisco pendant que le reste des Sex Pistols ferraille « No Fun » derrière lui. Puis la lumière s'éteint et il s'exclame dans l’obscurité et d’un ton narquois : « Ah ! Ah ! On vous a bien eu ! ». Ainsi se termine le dernier concert du groupe Punk-Rock ultime, sonnant le glas d'un mouvement apparu durant l'été 1976. Le Punk fut un électrochoc pour le Rock anglais. Depuis le début des années 70, les formations britanniques dominent le monde, vendant des millions d'albums et remplissant les plus grands stades au cours de tournées américaines aussi lucratives qu'interminables. Le Hard-Rock et le Rock Progressif ont la main mise, accompagnés de quelques vétérans des années soixante devenus des institutions : Who, Rolling Stones, Kinks. Led Zeppelin, Deep Purple et Black Sabbath sont les rois du Metal lourd, et ont comme beaucoup des tendances à l'utilisation de synthétiseurs et aux improvisations interminables dignes du courant Progressif. Le Hard-Rock n'est d'ailleurs pas étanche à ce genre, et certains groupes très populaires ont osé la fusion délicate : Jethro Tull par exemple, mais aussi Yes, qui sait parfois faire rugir la guitare. Deep Purple a toujours eu une propension a traîné dans les structures Jazz et Classique, Led Zeppelin s'est lancé dans plusieurs morceaux très progressifs, notamment sur les albums IV et Houses Of The Holy. Et même les massifs Black Sabbath ont eu recours au clavier de Yes, Rick Wakeman, sur l'album Sabbath Bloody Sabbath, et progressivement, sa musique va se sophistiquer vers un point de non-retour pour les fans sur Technical Ecstasy en 1976 et Never Say Die en 1978.


Le Punk-Rock va être le rejet de ce Rock de trentenaires, virtuose, encombré de claviers et de double voire triple albums prétentieux. Le Rock anglais a perdu le contact avec la base de son public qui veut de l'électricité et une certaine forme de réalisme sur sa condition. Les Who échappent ainsi à ce classement péjoratif grâce à l'oeil averti de Pete Townshend sur la société. Les Anglais préfèrent s'éclater sur des groupes plus proches d'eux : Status Quo et Slade en tête, puis une nouvelle génération de groupes Hard-Rock plus simples et directs : UFO, Thin Lizzy, The Sweet ou Judas Priest. Pourtant, cette seconde génération arrive au milieu des années soixante-dix, et est vite assimilée aux mammouths du Hard'N'Heavy, notamment par leurs looks très Glam. L'autre aspect qui ne colle pas, c'est la virtuosité, que les groupes Punk bannissent, au nom du retour à la simplicité du Rock anglais du milieu des années soixante, sans chichi. Malgré tout, plusieurs personnages du renouveau Hard-Rock de la fin des années soixante-dix sauront se faire accepter des Punks grâce à leur ouverture d'esprit et leurs personnalités bien trempées : Phil Lynott de Thin Lizzy, Pete Way de UFO, Steve Marriott d'Humble Pie, ou Lemmy Kilmister de Motorhead.


Le Punk balaie donc tout, et les maisons de disques se précipitent sur le filon. Exit les groupes de Rock aux cheveux longs et aux accords bluesy. Tous survivront grâce aux tournées américaines, d'autres attendront que la tempête passe pour surgir le moment venu, et certains arrêtent les frais, faute d'engagements : Stray, Chicken Shack, Groundhogs….


Parmi ceux qui serrent les dents, on retrouve quelques pionniers d'une nouvelle vague métallique. Ils jouent dans les clubs, armés de leurs cheveux longs et de leurs Gibson Les Paul, un mélange de reprises Heavy-Rock pointues et de compositions originales. Ils s'appellent Iron Maiden, Sledgehammer, Def Leppard, Saxon, Illusion ou Diamond Head, et n'attendent qu'une chose : que ce satané Punk fiche le camp.


C'est que les gamins n'adhèrent pas vraiment à ces nouvelles formations. Quelques-unes brillent au-dessus du lot par leur audace et leur personnalité : Buzzcocks, Damned, Stranglers…. Mais beaucoup disparaissent au bout de quelques simples, incapables de faire vibrer les gosses. Car ils veulent des héros, des musiciens que l'on peut admirer, aduler. Il faut des guitar-heroes, des chanteurs charismatiques, des bassistes solides, des batteurs puissants et pas des tocards cachant leur médiocrité derrière du spectacle de mauvaise qualité. Les Sex Pistols ne pouvaient que disparaître, avec un bassiste incompétent, un manager requin, et des musiciens sans ambition, à part un Johnny Rotten dont les projets sont au-delà de la musique et de l'excitation de la scène.


La tornade finit par retomber. Les Sex Pistols lâchent la rampe en janvier 1978, et leur manager, dans une ultime bravade, explique que tout cela n'est qu'une escroquerie. Mais les gamins ne veulent pas d'une escroquerie. Ils croient au Rock, aux bienfaits de l'électricité, au pouvoir de ces fiers guerriers métalliques qui brisent le carcan de la société imposée par la politique sans pitié de Margaret Thatcher. Dès la mi-1978, il n'y a plus de groupes Punk dans les clubs. Ils laissent place au Post-Punk, à la New Wave, ses atmosphères glaciales et ses accords synthétiques. Quelques guerriers venus d'Australie ont pris la place des furieux : Angels, AC/DC, Rose Tattoo…. Ils sont suivis de quelques desperados renégats, venus de l'antre secrète des années soixante-dix : Motorhead, Judas Priest désormais vêtus de cuir noir, mais aussi Budgie, dont le retour sera fracassant en 1979. Motorhead va ainsi percer au jour après trois années de galère sans nom dans l'ombre du Punk avec Overkill début 1979. Quant à Budgie, après dix années sur la route, dont trois en Amérique du Nord, il a échoué. Il revient avec un nouveau guitariste, John Thomas, et la rage au ventre. Le maxi au titre Thrash If Swallowed Do Not Induce Vomiting, suivi de l’album Power Supply, publiés en 1980, sont de violents uppercuts à base d'AC/DC-Judas Priest, sales et méchants, presque Thrash avant l'heure, toujours torturés par l'esprit malsain du bassiste-chanteur Burke Shelley. Même le vénérable Black Sabbath revient au Heavy-Metal tranchant avec son nouveau chanteur, Ronnie James Dio et l’implacable album Heaven And Hell.


Dans les petites salles, le rythme s'accélère, et les nouveaux groupes de Heavy-Metal trouvent enfin leur place sur l'affiche. Samson, Iron Maiden, Sledgehammer, Saxon, Def Leppard, Diamond Head, Trespass, et Tygers Of Pan-Tang sont les nouveaux héros. Dès 1979, les majors du disque prennent le train. EMI publie la compilation Metal For Muthas avec Iron Maiden en vedette, Tygers Of Pan-Tang signe chez sur la major MCA. Mais cette nouvelle vague désormais appelée New Wave Of British Heavy-Metal (NWOBHM) par le magazine Sounds dès 1979 trouvent aussi sa place dans l'autoproduction. Def Leppard, Trespass, Diamond Head … publient leurs premiers disques par leurs propres moyens, pendant que quelques labels indépendants tentent de lancer de nouveaux groupes prometteurs : Neat Records, Ebony Records, Heavy-Metal Records, Rondelet Records….Beaucoup vont éclore grâce à ces circuits parallèles : Blitzkrieg, Venom, Witchfynde, Witchfinder General, Savage….


Musicalement, la NWOBHM est un véritable renouveau du Heavy-Metal. S’il est fortement imprégné de la musique des prédécesseurs, il gagne en nervosité en fusionnant avec l’urgence du Punk. Les tempi s’accélèrent, les riffs sont plus tranchants et acérés, se coupant de plus en plus nettement des bases Blues de la fin des années 60. Les longs soli disparaissent pour chercher la concision, le choc frontal. L’une des grandes faiblesses de la NWOBHM deviendra aussi sa grande force ; la quasi-totalité des albums du mouvement sont dotés d’une production frustre, voire limite garage, qui renforce l’esprit violent et sans concession de ce nouveau Heavy-Metal. C’est un paramètre important qui fera partie intégrante de l’esprit du Thrash à venir, mais aussi des premières productions Black-Metal norvégiennes du début des années 90. Un bon disque de NWOBHM se doit d’être cru, brutal, frustre, pour accentuer la violence de la musique , lui donner ce son de la rue, prolétaire, alors que Margaret Thatcher vient d’entamer la purge du Royaume-Uni.


Ce qui va aussi faire la grande force de la NWOBHM, c'est sa richesse. S'arrêter aux grandes formations est une erreur, car comme pour le Heavy-Rock du début des années soixante-dix, la magie réside aussi dans la seconde et la troisième division, avec des albums totalement passés inaperçus, mais parfaitement fabuleux. S'arrêter à Iron Maiden, Saxon et Def Leppard est une erreur, car la vraie matière de la NWOBHM réside dans ses publications secrètes. Ces groupes vont profiter du rayonnement des formations de tête et de leur succès commercial pour décrocher des tournées dans les clubs et les petites salles, puis publier quelques simples voire un ou deux albums. Preuve de l’engouement populaire pour le nouveau Heavy-Metal : le Festival de Reading. Son édition de 1980 va être un symbole de la suprématie de la NWOBHM sur le Rock anglais avec à l’affiche la fine fleur du mouvement : Iron Maiden, Budgie, Sledgehammer, Def Leppard, Praying Mantis, Angel Witch, Tygers Of Pan-Tang, Samson…. Les deux éditions suivantes conserveront d’ailleurs une affiche très métallique.


Il y eut en fait plusieurs générations dans la NWOBHM : la première, celle des pionniers historiques, avec Iron Maiden, Saxon, Sledghammer, Fist, Tygers Of Pan-Tang, Witchfynde. Puis il y eut la seconde, une fois la première établie, dès 1981 : Raven, Venom, Holocaust, Demon…. Et enfin, celle qui lutta avec les pionniers américains du Thrash soit en cherchant l'agression sonore : Jaguar, Blitzkrieg, Warfare, Cloven Hoof, Avenger, Rogue Male, Satan, Chateaux…. Soit en pliant aux sirènes mélodiques de Def Leppard : Jaguar encore, Cloven Hoof, Blue Blud, Tygers Of Pan-Tang, Saxon, Raven, Praying Mantis, Quartz, Grand Prix, Dark Star…. Voici quelques clés parmi les nombreux groupes palpitants de ces années métalliques anglaises entre 1980 et 1985.

(à suivre) 


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