lundi 4 juin 2018

THE YARDBIRDS 1968 PART 1


"Jeff Beck suggère un nom : Jimmy Page."



THE YARDBIRDS : 68 2017

Jimmy Page est un homme précieux. Non seulement il fut le talentueux guitariste des Yardbirds puis de Led Zeppelin, mais il a toujours été un archiviste compulsif. Imaginez un peu que l'homme a tout enregistré des concerts de Led Zeppelin sur la table de mixage, afin de pouvoir les réécouter, récupérer les idées d'improvisation pour de nouveaux morceaux, voir la réaction du public, et améliorer les points faibles du spectacle de son groupe. Il perdit malheureusement bon nombre de ses bandes lors de son divorce. Alors noyé dans l'héroïne, sa femme partit avec les bandes, et les revendit à toutes sortes de labels pour se faire une peu d'argent sur le dos d'un homme pas loin d'être ruiné et incapable de prendre en main sa vie personnelle. Les bandes fleurissent depuis sur le net, et révèlent des concerts exceptionnels. Néanmoins, Jimmy Page a encore beaucoup de choses dans son grenier, et il a retrouvé cette bobine l'an dernier : un concert des Yardbirds de 1968.

1966. Les Yardbirds viennent de sortir l'album Roger The Engineer en juin, et prennent la route. Le groupe est alors une des formations anglaises les plus populaires aux Etats-Unis avec les Rolling Stones et les Beatles. Depuis le mois d'août 1965, les Yardbirds ont effectué quatre tournées américaines. Eric Clapton a été remplacé par un jeune homme surdoué du nom de Jeff Beck à la guitare lead. Les Yardbirds durcissent progressivement le ton de leur Blues-Rock, et le succès est là. Le simple « Shapes Of Things » qui sort en février se classe numéro 3 dans les classements britanniques et numéro 11 dans les classements US. Avec ce simple, ils inventent la heavy music psychédélique trois mois avant les Beatles avec leur simple « Paperback Writer/Rain ».

Pourtant, le groupe se lézarde. Le rythme est intense pour les cinq musiciens : Jeff Beck, Chris Dreja à la guitare rythmique, Keith Relf au chant, Jim McCarthy à la batterie et Paul Samwell-Smith à la basse. Le bassiste commence à souffrir de la succession des concerts. Il s'est investi dans la production du dernier album avec succès, mais quelques jours après la sortie de l'album, il dérape. Au concert du Queen's College d'Oxford, Samwell-Smith est ivre mort. Il ne supporte plus les tournées, et le manque de reconnaissance par rapport au guitariste vedette. Il fait un scandale, et quitte le groupe. Le set est assuré avec Dreja à la basse et écourté. Mais surtout, il faut remplacer au plus vite le bassiste.

Jeff Beck suggère un nom : Jimmy Page. Le jeune homme est un ami d'enfance de Beck. Les deux ont appris ensemble la guitare. Page est aussi et surtout un brillant guitariste de studio, le plus demandé avec son aîné, Big Jim Sullivan. Jimmy Page n'a que 19 ans lorsqu'il intègre le milieu feutré des studios. Il a pourtant connu la fièvre de la route. Il intègre en 1962 les Crusaders du chanteur Neil Christian. Mais de santé fragile, il contracte une fièvre mononucléïque, épuisé par les conditions de vie du groupe, les musiciens entassés dans un van. Le froid, la mauvaise nourriture, la fatigue ont lieu du frêle jeune homme. Il décide que la vie de tournée n'est pas pour lui, et devient musicien de studio en 1963, tout en poursuivant ses études, sans grand intérêt. Rapidement, il devient un musicien très demandé : son style moderne, très Rock, font de lui un des favoris des nouveaux groupes anglais dépourvus de vrais solistes. Le producteur Shel Talmy en fait un de ses favoris, et Page intervient sur les premiers simples des Kinks et des Who. Eddy Mitchell, qui enregistre à Londres en 1963, se souviendra de ce jeune homme timide, mais au son de guitare démentiel. Page est en effet un des rares guitaristes à maîtriser le sustain, c'est-à-dire le maintien de la note obtenu grâce au volume sonore, un échange d'écho et d'électricité entre l'amplificateur et la guitare. Deux garçons sauront faire pareil un peu plus tard : Jeff Beck au sein des Yardbirds, qui en enseigna les rudiments à Page, et Jimi Hendrix. Beck justement, est le premier guitariste a utilisé sur scène le sustain et la fuzz, dès 1965, pendant que Page concocte cela pour les autres en studio.

Lorsque Paul Samwell-Smith est débarqué, il faut donc un bassiste compétent, prêt à prendre la relève au pied levé. Jimmy Page est un musicien de vingt-deux ans, mais ultra-compétent, capable de s'adapter à tout au pied levé, comme il le fait depuis trois ans. Il rejoint donc les Yardbirds, et le groupe finit donc sa tournée programmée avec soulagement.

Durant la tournée américaine, à San Francisco, Jeff Beck tombe malade, il doit être hospitalisé. Il est remplacé au pied levé par Jimmy Page au Carousel Ballroom le 25 août, échangeant sa basse avec Chris Dreja. Beck étant mal en point et nécessitant de se remettre, cette formule en quatuor termine la tournée américaine. Une idée germe.

Chris Dreja, guitariste rythmique depuis les débuts de la formation des Yardbirds en 1963, est bien conscient qu'il est à une place que son niveau technique ne lui autorise plus. Avoir comme bassiste un musicien aussi brillant que Jimmy Page à la basse alors que lui est un modeste rythmicien derrière le prodige Jeff Beck, voilà qui est totalement incohérent. Page ne demande toutefois rien. Il a intégré les Yardbirds à la basse pour dépanner et se sortir des studios, néanmoins il craint pour sa santé, et ne veut pas provoquer de conflit dans le groupe. Mais la réalité est là : Jimmy Page se plaît dans les Yardbirds, il apprécie de retrouver la scène, et avec de bonnes conditions de tournée, sa santé se porte bien. Son remplacement de Jeff Beck a été brillant. Dreja propose une idée totalement impossible à refuser : que Page prenne la guitare au côté de Beck, et faire des Yardbirds le premier groupe à double guitare lead de l'histoire. Lui resterait à la basse, qu'il juge à sa portée. L'idée enthousiasme les cinq musiciens. Page lui donne quelques rudiments supplémentaires de basse, et la formule magique des Yardbirds prend vie.

Le groupe ne va pourtant pas enregistrer grand-chose sous cette formule. Il ne restera qu'une version aménagée de « Train Kept A Rollin » de Tiny Bradshaw, devenu « Stroll On » avec de nouvelles paroles, pour éviter les histoires de droits. Ils apparaissent sur scène dans le film Blow-Up de Michelangelo Antonioni, jouant « Stroll On » devant un public apathique. Beck fracasse sa guitare, une Hofner bon marché, car le groupe initialement prévu pour le tournage était les Who. Jeff Beck est un garçon timide et introverti, et l'aisance et l'habileté de son ami Jimmy Page commence à le gêner. Il se sent menacé en tant que guitariste lead, d'autant plus que Page est bien meilleur compositeur. Les Yardbirds ouvrent pour la tournée anglaise des Rolling Stones en 1966. Puis ils rejoignent une tournée organisée par le DJ radio Dick Clarke, « Caravan Of Stars » au Texas. Mais arrivé à San Francisco, Beck quitte la tournée pour retrouver sa petite amie basée là-bas, Mary Hughes, chez qui il s'était remis de ses soucis de santé durant l'été. A nouveau, les Yardbirds se retrouvent en quatuor avec Page comme seul guitariste. Beck revient en novembre, mais le manque de professionnalisme du guitariste, son tempérament instable, entraînent son licenciement. Le 30 novembre 1966, Beck quitte le groupe après la tournée américaine pour créer sa propre formation : le Jeff Beck Group.

Les Yardbirds dernière formule sont alors définitivement en place en quatuor. Toutefois, le dernier simple avec Beck, « Happening Ten Years Ago », se classe 30ème aux Etats-Unis mais ne se classe pas en Grande-Bretagne. La formation signe avec le producteur de Donovan, Mickie Most. Mais le simple « Little Games » qui sort en mars 1967 ne se classe même pas. Le simple « Goodnight Sweet Josephine » voit sa parution tout simplement annulée. Seul le quarante-cinq tours « Ha Ha Said The Clown », une composition de Tony Hazzard, et sur lequel seul Keith Relf chante, se classe 44ème dans les charts américains. Désormais, la carrière des Yardbirds se fera aux Etats-Unis. L'album de compilation The Yardbirds Greatest Hits, paru en mars 1967, se classe 28ème des ventes d'albums aux Etats-Unis. Le disque Little Games, seul album des Yardbirds en quatuor avec Page à la guitare, ne se classe nulle part. Il ne sera d'ailleurs que publié aux USA. La formation se lance toutefois dans une tournée américaine avec un nouveau manager plus énergique : un certain Peter Grant.

A suivre

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