"Hustler
est un vrai grand groupe de Rock'N'Roll."
HUSTLER :
Live At O'Gradys 2010
Hustler,
acte deux. De retour sur Paris, je me dirige vers le pub le Riaume à
Saint-Maur Des Fossés. Rendez-vous est pris avec Jérôme Serapiglia
pour lui montrer mon acquisition : une réédition en disque
compact de l'album Now Or Never de son groupe Hustler. Cela
sent le bootleg à plein nez, mais si une maison de disques
originaire du Liechtenstein a pris la peine de publier cet album,
c'est qu'un intérêt existe. Jérôme me salue chaleureusement. Il
est accompagné d'Olivier Mauer, le guitariste soliste d'Hustler.
Nous devisons gaiement autour d'une pinte de bière, et je lui montre
l'objet. Les deux gaillards me dédicacent le disque, sans doute une
première depuis leur chevauchée glorieuse du milieu des années
quatre-vingt. L'ambiance est conviviale, nous échangeons sur ma
chronique de l'album, que Jérôme a beaucoup apprécié, ainsi que
plusieurs de ses amis. Je suis flatté, et insiste sur le fait que
cet album en valait la peine, sans aucune volonté de flatterie
gratuite. Nous nous faisons prendre en photo comme des rockstars, moi
avec mon nouveau livre, Jérôme et Olivier avec ce qui est LEUR
album à tout jamais.
Ils
évoquent bientôt avec moi la reformation d'Hustler en 2010, courte
et se terminant dans l'animosité. Lorsque Olivier, Jérôme, le
bassiste Phil Marchal et le batteur Laurent Lafont se retrouvent,
vingt-cinq longues années ont passé. Quelques répétitions ont
permis de dérouiller les doigts, et la magie opère à nouveau. Un
premier concert est programmé au pub O'Gradys de Saint-Ouen, et tout
semble aller pour le mieux, malgré l'éloignement géographique.
Malheureusement, lorsqu'il est évoqué un nouvel album et donc de
nouvelles compositions, l'évolution de chacun va s'entrechoquer. Si
Jérôme et Olivier sont restés sur la ligne Heavy-Rock, Phil
Marchal a plongé dans le Jazz Fusion, et ses débordements funky
finissent par taper sur le système de Jérôme Serapiglia, pour qui
le Rock est et restera plutôt du côté de Motorhead. L'inévitable
engueulade a lieu, et Marchal fait une révélation fracassante aux
trois autres : il a déposé le nom du groupe, Hustler, ils ne
peuvent donc plus s'en servir sans son accord. Le bassiste funky est
congédié sous un torrent d'insultes, et Hustler devient Stone Dead
Dog, avant de jeter l'éponge pour de bon.
De
cette courte aventure, il reste pourtant un document de choix :
l'enregistrement du concert au pub O'Gradys. Phil Marchal se chargea
de la prise de son, et un disque live fut vendu par le groupe
lui-même, le Live At O'Gradys. L'album est depuis épuisé,
mais Olivier s'est chargé de m'en faire une copie que j'ai reçu par
courrier quelques semaines plus tard, pochette comprise.
Le
disque est resté quelque temps sur mon étagère : en cette
période estivale, mon esprit est un peu ailleurs. Et puis une
appréhension me tourmentait. Je crains toujours les reformations :
elles sont souvent davantage empreintes de nostalgie que de
véritables qualités artistiques. Un exemple me vient à l'esprit :
Trust. Au combien j'aime ce groupe ! Mais au combien ses
reformations furent en deçà de qu'il fut au temps de sa splendeur !
Les musiciens, vieillis, usés, ayant pris des chemins différents,
ne se retrouvent que pour tenter de rallumer une étincelle qui
n'existe plus depuis longtemps. On ne pouvait pas reprocher à
Hustler de se reformer pour le pognon, ça, certainement pas. Mais
l'âge et les trajectoires individuelles ne pouvaient qu'avoir brisé
l'équilibre fragile du quatuor, celui qui avait permis d'accoucher
de Now Or Never en
1985.
Lorsque
j'introduisis le disque dans
la platine, je serrai les
dents. A l'appréhension de découvrir un groupe usé, la prise de
son artisanale me faisait craindre le pire. Et puis… « Too
Drunk » rugit, meilleur
que sa version studio, un peu bancale.
La voix de Jérôme, polie à la cigarette et au whisky, a gagné en
profondeur, rugissant parfois comme un Rob Halford de Judas Priest.
Le groupe joue serré, la prise de son est nette, claire, sans
fioriture, mais l'équilibre entre les instruments est impeccable. Et
alors que défile le disque, même les chansons qui m'avaient parues
un peu moins intéressantes sur l'album prennent tout leur sens.
Elles sont gorgées de teigne, elles grognent comme
des bêtes au fond d'une rue sombre. Exactement comme Now
Or Never aurait dû sonner si le
groupe avait pu travailler son disque.
Alors
ne parlons pas des merveilles de l'album qui ici vous explosent
littéralement au visage, ivres de rage et de puissance :
« Weary Girl », « No Reason », « Right
In Your Skull »…. La rythmique est enfin dotée de la
férocité nécessaire, les guitares grondent. Olivier fait des
prodiges en solo, gorgeant ses chorus d'une wah-wah hendrixienne du
plus bel effet. Hustler se montre tel
qu'il a toujours été :
un dangereux gang de
Heavy-Rock High Energy, imprégné de Motorhead, de Hawkwind, de Jimi
Hendrix, et de MC5.
Le
set au O'Gradys est en tout cas une sacrée révélation, et on sent
que ces quatre-là ont quelque chose dans les tripes qui les relie,
indubitablement. Hustler est un vrai grand groupe de Rock'N'Roll. Ce
n'est pas un simple petit groupe de bar sympathique, de ceux qui
bassinent les terrasses de café le jour de la Fête de la Musique en
équarrissant impitoyablement Led Zeppelin, AC/DC ou Metallica. Ce
qui est capté ici est de l'ordre du vrai grand Rock. Hustler est de
la race de ces groupes de Heavy cultes, qui étaient du niveau des
meilleurs mais n'ont pas eu la chance ni les atouts pour briller en
haut de l'affiche. Hustler se
permet de reprendre une partie de sa set-list en fin de gig, pour
ceux qui auraient loupé le début.
Et le groupe, chaud comme
l'acier incandescent, offre une seconde version bouillante de « Too
Drunk », « No Reason », « Right To Your
Skull », « Weary Girl » et »I've Got Speed »
couplé au classique « Louie Louie ».
La
soirée au Riaume s'écoula dans une excellente ambiance, se
terminant à plus de deux heures du matin. Olivier, désormais sage,
était rentré retrouver son pavillon et sa famille dans l'Essonne.
Jérôme, décidément indiscipliné, partagea quelques verres et
resta à mes côtés et ceux
de mes amis parisiens la
soirée durant. Nous évoquâmes le Rock, Motorhead, toujours, et
puis nos vies respectives.
Vinrent
se greffer au cours de la soirée une petite équipe éminemment
sympathique : le propre neveu de Jérôme, fan frénétique de
Rock music, l'ami portugais qui boit du Ricard à la pinte « pour
éviter de retourner au bar toutes les cinq minutes » et qui
repartira dans une Golf GTI de 1981. Et puis j'en oublie, des
compagnons de cette excellente soirée qui s'écoula à une vitesse
folle. Ne manquait que
Ritchie, le patron du Riaume et du feu O'Gradys, le plus
grand fan de Motorhead entre
tous, l'ami de toujours de Jérôme, en vacances à ce moment-là.
Au
passage, Jérôme me fit une petite remarque sur ma chronique de
l'album d'Hustler : « Methylated » ne parlait pas
d'alcool, mais d'empoisonnement de la société. Mais en fin de
soirée, « Methylated » avait bien le sens que je lui
avais donné….
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