mercredi 30 août 2017

HUSTLER 2010

"Hustler est un vrai grand groupe de Rock'N'Roll."

HUSTLER : Live At O'Gradys 2010

Hustler, acte deux. De retour sur Paris, je me dirige vers le pub le Riaume à Saint-Maur Des Fossés. Rendez-vous est pris avec Jérôme Serapiglia pour lui montrer mon acquisition : une réédition en disque compact de l'album Now Or Never de son groupe Hustler. Cela sent le bootleg à plein nez, mais si une maison de disques originaire du Liechtenstein a pris la peine de publier cet album, c'est qu'un intérêt existe. Jérôme me salue chaleureusement. Il est accompagné d'Olivier Mauer, le guitariste soliste d'Hustler. Nous devisons gaiement autour d'une pinte de bière, et je lui montre l'objet. Les deux gaillards me dédicacent le disque, sans doute une première depuis leur chevauchée glorieuse du milieu des années quatre-vingt. L'ambiance est conviviale, nous échangeons sur ma chronique de l'album, que Jérôme a beaucoup apprécié, ainsi que plusieurs de ses amis. Je suis flatté, et insiste sur le fait que cet album en valait la peine, sans aucune volonté de flatterie gratuite. Nous nous faisons prendre en photo comme des rockstars, moi avec mon nouveau livre, Jérôme et Olivier avec ce qui est LEUR album à tout jamais.

Ils évoquent bientôt avec moi la reformation d'Hustler en 2010, courte et se terminant dans l'animosité. Lorsque Olivier, Jérôme, le bassiste Phil Marchal et le batteur Laurent Lafont se retrouvent, vingt-cinq longues années ont passé. Quelques répétitions ont permis de dérouiller les doigts, et la magie opère à nouveau. Un premier concert est programmé au pub O'Gradys de Saint-Ouen, et tout semble aller pour le mieux, malgré l'éloignement géographique. Malheureusement, lorsqu'il est évoqué un nouvel album et donc de nouvelles compositions, l'évolution de chacun va s'entrechoquer. Si Jérôme et Olivier sont restés sur la ligne Heavy-Rock, Phil Marchal a plongé dans le Jazz Fusion, et ses débordements funky finissent par taper sur le système de Jérôme Serapiglia, pour qui le Rock est et restera plutôt du côté de Motorhead. L'inévitable engueulade a lieu, et Marchal fait une révélation fracassante aux trois autres : il a déposé le nom du groupe, Hustler, ils ne peuvent donc plus s'en servir sans son accord. Le bassiste funky est congédié sous un torrent d'insultes, et Hustler devient Stone Dead Dog, avant de jeter l'éponge pour de bon.
De cette courte aventure, il reste pourtant un document de choix : l'enregistrement du concert au pub O'Gradys. Phil Marchal se chargea de la prise de son, et un disque live fut vendu par le groupe lui-même, le Live At O'Gradys. L'album est depuis épuisé, mais Olivier s'est chargé de m'en faire une copie que j'ai reçu par courrier quelques semaines plus tard, pochette comprise.

Le disque est resté quelque temps sur mon étagère : en cette période estivale, mon esprit est un peu ailleurs. Et puis une appréhension me tourmentait. Je crains toujours les reformations : elles sont souvent davantage empreintes de nostalgie que de véritables qualités artistiques. Un exemple me vient à l'esprit : Trust. Au combien j'aime ce groupe ! Mais au combien ses reformations furent en deçà de qu'il fut au temps de sa splendeur ! Les musiciens, vieillis, usés, ayant pris des chemins différents, ne se retrouvent que pour tenter de rallumer une étincelle qui n'existe plus depuis longtemps. On ne pouvait pas reprocher à Hustler de se reformer pour le pognon, ça, certainement pas. Mais l'âge et les trajectoires individuelles ne pouvaient qu'avoir brisé l'équilibre fragile du quatuor, celui qui avait permis d'accoucher de Now Or Never en 1985.

Lorsque j'introduisis le disque dans la platine, je serrai les dents. A l'appréhension de découvrir un groupe usé, la prise de son artisanale me faisait craindre le pire. Et puis… « Too Drunk » rugit, meilleur que sa version studio, un peu bancale. La voix de Jérôme, polie à la cigarette et au whisky, a gagné en profondeur, rugissant parfois comme un Rob Halford de Judas Priest. Le groupe joue serré, la prise de son est nette, claire, sans fioriture, mais l'équilibre entre les instruments est impeccable. Et alors que défile le disque, même les chansons qui m'avaient parues un peu moins intéressantes sur l'album prennent tout leur sens. Elles sont gorgées de teigne, elles grognent comme des bêtes au fond d'une rue sombre. Exactement comme Now Or Never aurait dû sonner si le groupe avait pu travailler son disque.

Alors ne parlons pas des merveilles de l'album qui ici vous explosent littéralement au visage, ivres de rage et de puissance : « Weary Girl », « No Reason », « Right In Your Skull »…. La rythmique est enfin dotée de la férocité nécessaire, les guitares grondent. Olivier fait des prodiges en solo, gorgeant ses chorus d'une wah-wah hendrixienne du plus bel effet. Hustler se montre tel qu'il a toujours été : un dangereux gang de Heavy-Rock High Energy, imprégné de Motorhead, de Hawkwind, de Jimi Hendrix, et de MC5.

Le set au O'Gradys est en tout cas une sacrée révélation, et on sent que ces quatre-là ont quelque chose dans les tripes qui les relie, indubitablement. Hustler est un vrai grand groupe de Rock'N'Roll. Ce n'est pas un simple petit groupe de bar sympathique, de ceux qui bassinent les terrasses de café le jour de la Fête de la Musique en équarrissant impitoyablement Led Zeppelin, AC/DC ou Metallica. Ce qui est capté ici est de l'ordre du vrai grand Rock. Hustler est de la race de ces groupes de Heavy cultes, qui étaient du niveau des meilleurs mais n'ont pas eu la chance ni les atouts pour briller en haut de l'affiche. Hustler se permet de reprendre une partie de sa set-list en fin de gig, pour ceux qui auraient loupé le début. Et le groupe, chaud comme l'acier incandescent, offre une seconde version bouillante de « Too Drunk », « No Reason », « Right To Your Skull », « Weary Girl » et »I've Got Speed » couplé au classique « Louie Louie ».

La soirée au Riaume s'écoula dans une excellente ambiance, se terminant à plus de deux heures du matin. Olivier, désormais sage, était rentré retrouver son pavillon et sa famille dans l'Essonne. Jérôme, décidément indiscipliné, partagea quelques verres et resta à mes côtés et ceux de mes amis parisiens la soirée durant. Nous évoquâmes le Rock, Motorhead, toujours, et puis nos vies respectives.
Vinrent se greffer au cours de la soirée une petite équipe éminemment sympathique : le propre neveu de Jérôme, fan frénétique de Rock music, l'ami portugais qui boit du Ricard à la pinte « pour éviter de retourner au bar toutes les cinq minutes » et qui repartira dans une Golf GTI de 1981. Et puis j'en oublie, des compagnons de cette excellente soirée qui s'écoula à une vitesse folle. Ne manquait que Ritchie, le patron du Riaume et du feu O'Gradys, le plus grand fan de Motorhead entre tous, l'ami de toujours de Jérôme, en vacances à ce moment-là.
Au passage, Jérôme me fit une petite remarque sur ma chronique de l'album d'Hustler : « Methylated » ne parlait pas d'alcool, mais d'empoisonnement de la société. Mais en fin de soirée, « Methylated » avait bien le sens que je lui avais donné….


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