dimanche 3 septembre 2017

REVEREND BIZARRE 2005

"Ce second album va montrer la capacité du trio a accéléré le rythme."

REVEREND BIZARRE : II : Crush The Insects 2005

Le besoin de domination et de puissance de l'homme se traduit sous différentes formes depuis l'enfance. Il commence par l'identification à des super-héros de films ou de dessins animés. Puis il apparaît plus sournoisement par la réaction à l'impossibilité de se faire entendre dans ce monde schizophrène et oppresseur. Ne pas partager l'opinion générale et dominante est le meilleur moyen de vivre durablement ce sentiment angoissant de frustration. Il paraît que cela attise la capacité de l'homme à se dépasser. Je ne partage pas cette maxime libérale, le combat étant souvent perdu d'avance de par l'ampleur de la lutte annoncée face à un système qui ne supporte pas les extravagances allant à l'encontre de ses objectifs politiques et économiques. Toutefois, la rage engendrée fait pousser des fleurs du Mal absolument délectables.

Le Doom-Metal est l'une de ces excroissances diaboliques qui permet à une petite communauté d'amateurs éclairés de survivre dans ce monde navrant. Ecouter du Doom, c'est non seulement ne pas vouloir écouter la musique dominante, mais c'est aussi avoir foi en des principes de composition et d'interprétation qui ont permis au Rock de briller au firmament de la musique depuis cinquante ans. Seule compte la rébellion face au système, et de jouer de la musique sans contingence commerciale d'aucune sorte. Les musiciens y expriment un respect profond pour les grands architectes du Heavy-Metal ancestral : Black Sabbath bien sûr, mais aussi Pentagram, The Obsessed, Saint-Vitus et Witchfinder General.

Lorsqu'apparaît Reverend Bizarre sur la scène métallique au début des années 2000, le trio originaire de Finlande décide de jouer à fond la carte de la communauté d'initiés, non sans un humour grinçant. Formé en 1995, Reverend Bizarre a la volonté de jouer un Doom-Metal directement inspiré des mentors initiaux, sans autre aspiration d'évolution ou d'originalité aucune. Ils n'hésitent pas à parodier certaines pochettes de disques mythiques sur celles de leurs EP et LP : Vincebus Eruptum de Blue Cheer pour la compilation de leurs premières démos Slice Of Doom en 2004, ou la photo intérieure de Paranoid de Black Sabbath sur celle de In The Rectory en 2002. Les références démoniaques sont aussi régulières, les citations du mage Aleister Crowley, inspiration d'Ozzy Osbourne ou Jimmy Page, offrant un univers de choix. Le trio se met en scène dans des cimetières, mais n'hésitent pas à illustrer la pochette de son troisième album de photos d'enfance des trois musiciens. Cet humour à double tranchant plaît au moins autant que la musique du groupe, implacable.

Reverend Bizarre a la capacité de produire des brûlots aux tempi nerveux comme de longues mélopées possédées et lancinantes, imprégnées de riffs pachydermiques. Le guitariste Kimi Karki, alias Peter Vicar est un prince du riff. Il développe avec parcimonie des chorus mesurés, divagations du thème principal créant une montée en puissance lyrique qui fait décoller le morceau vers la stratosphère avant de le faire lourdement retomber dans la poussière.
Après la publication de son premier album en 2002, Reverend Bizarre devient rapidement le leader de la scène Doom de par sa forte identité. Même si la formation joue toujours dans de petites salles, il obtient l'accès aux scènes spécialisées de toute l'Europe, et impressionne par sa capacité à recréer en direct l'incroyable émulsion obscure qui imprègne ses albums. La voix du bassiste-chanteur Sami Hynninen, alias Albert Witchfinder y est pour beaucoup. Plaintive, incantatoire et possédée, elle est puissante et variée, avec beaucoup d'ampleur. Après un EP aussi long qu'un album, Harbinger Of Metal en 2003, et plusieurs split-singles avec divers groupes croisés sur la route, Reverend Bizarre revient avec un second album en 2005 : II : Crush The Insects.

In The Rectory Of Bizarre Reverend avait fortement insisté sur les tempi lourds et lents, ce second album va montrer la capacité du trio a accéléré le rythme, du moins sur la première partie du disque. D'entrée, ils frappent fort avec un premier morceau en forme d'hymne au Doom-Metal : « Doom Over The World ». Démarré comme des coups de semonce, il galope bientôt à travers la forêt épaisse de Finlande et les steppes enneigées. Reverend Bizarre y affirme sa volonté de faire triompher sa musique sur la médiocrité navrante de ce monde merdique. Sentencieux, menaçant, misérabiliste parfois, Reverend Bizarre ne manque pas d'humour, le morceau se terminant en rires alcoolisés au milieu de tintements de bouteilles de bière. Comme si le groupe avait chanté cet hymne au Doom un soir où l'on refait le monde avec les amis autour d'un verre, et que tout semble possible avant que la réalité ne revienne à nous le lendemain matin. Le riff entêtant est une réussite totale, ravageur, massif, obsédant.

Il est suivi par le féroce « The Devil Rides Out », rocher dévalant littéralement la montagne et écrasant tout sur son passage. Le rythme de batterie est heurté, fracas de caisses infernal. Guitare et basse grognent comme des bêtes fulminantes. La voix de Hynninen est magnifique, véritable instrument survolant le tapis de bombes. Conteur maléfique, il dompte la bête qui gronde dans son dos. « Cromwell » est un Heavy-Doom rapide, à la rythmique plus traditionnelle mais encore peu usitée chez Reverend Bizarre.

Après ces trois shoots de speed, le trio revient à ses gammes classiques avec cinq massives stèles de granit Doom oscillant largement autour des dix minutes. Le temps de l'entrain guerrier laisse la place à la noirceur la plus totale. « Slave Of Satan » ouvre le bal avec sa ligne de basse sonnant comme un tocsin distordu. La batterie et la guitare arrivent comme les pas d'un géant de pierres, le Golem faisant trembler le sol. Ce Doom est épique, désespéré, mais profondément addictif, comme une procession malfaisante. La ligne de chant lyrique fait encore une fois beaucoup pour rendre le morceau original. « Council Of Ten » poursuit dans cette même veine, bien que le désespoir ait laissé la place à la menace.
« By This Axe I Rule » début comme un nouveau morceau incantatoire se roulant dans la wah-wah psychédélique avant de s'accélérer brutalement. Il se mue en un voyage épique. Le chorus de guitare est impeccable, court et concis. Puis, le morceau replonge dans les abysses de la procession infernale.

L'album se clôt par « Fucking Wizard », qui deviendra un classique de scène, leur « Black Sabbath » à eux, et dont le riff a d'ailleurs quelques similitudes. Rappelons aussi que Black Sabbath composa un morceau se nommant « The Wizard ». La ligne de chant est proche du spoken-word. Pendant près de sept minutes, l'auditeur vit dans cette atmosphère suffocante, avant que batterie et guitare n'explosent, et que le riff s'accélère violemment. Boogie halluciné, ivre de colère et de fureur, il culmine avec un superbe solo de Karki. La rythmique est très puissante, mordant dans la chair comme un loup affamé.


Avec ce second album, Reverend Bizarre développait de nouveaux horizons pour sa musique. Bien qu'affirmant jouer du True Doom-Metal, soit du Doom-Metal pur et dur, il y a injecté quelques saillies qui apportent un nouveau souffle plus épique à son Heavy-Metal menaçant. Cette dynamique ouvre des portes que le Reverend Etrange va s'empresser de développer à la perfection sur son troisième et dernier album avant de clore sa carrière brutalement, voulant absolument éviter la redondance dans son travail. Voilà une sacrée leçon d'intégrité artistique.

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