"Ce
second album va montrer la capacité du trio a accéléré le rythme."
REVEREND
BIZARRE : II : Crush The Insects 2005
Le
besoin de domination et de puissance de l'homme se traduit sous
différentes formes depuis l'enfance. Il commence par
l'identification à des super-héros de films ou de dessins animés.
Puis il apparaît plus sournoisement par la réaction à
l'impossibilité de se faire entendre dans ce monde schizophrène et
oppresseur. Ne pas partager l'opinion générale et dominante est le
meilleur moyen de vivre durablement ce sentiment angoissant de
frustration. Il paraît que cela attise la capacité de l'homme à se
dépasser. Je ne partage pas cette maxime libérale, le combat étant
souvent perdu d'avance de par l'ampleur de la lutte annoncée face à
un système qui ne supporte pas les extravagances allant à
l'encontre de ses objectifs politiques et économiques. Toutefois, la
rage engendrée fait pousser des fleurs du Mal absolument
délectables.
Le
Doom-Metal est l'une de ces excroissances diaboliques qui permet à
une petite communauté d'amateurs éclairés de survivre dans ce
monde navrant. Ecouter du Doom, c'est non seulement ne pas vouloir
écouter la musique dominante, mais c'est aussi avoir foi en des
principes de composition et d'interprétation qui ont permis au Rock
de briller au firmament de la musique depuis cinquante ans. Seule
compte la rébellion face au système, et de jouer de la musique sans
contingence commerciale d'aucune sorte. Les musiciens y expriment un
respect profond pour les grands architectes du Heavy-Metal
ancestral : Black Sabbath bien sûr, mais aussi Pentagram, The
Obsessed, Saint-Vitus et Witchfinder General.
Lorsqu'apparaît
Reverend Bizarre sur la scène métallique au début des années
2000, le trio originaire de Finlande décide de jouer à fond la
carte de la communauté d'initiés, non sans un humour grinçant.
Formé en 1995, Reverend Bizarre a la volonté de jouer un Doom-Metal
directement inspiré des mentors initiaux, sans autre aspiration
d'évolution ou d'originalité aucune. Ils n'hésitent pas à
parodier certaines pochettes de disques mythiques sur celles de leurs
EP et LP : Vincebus Eruptum de Blue Cheer pour la
compilation de leurs premières démos Slice Of Doom en 2004,
ou la photo intérieure de Paranoid de Black Sabbath sur celle
de In The Rectory en 2002. Les références démoniaques sont
aussi régulières, les citations du mage Aleister Crowley,
inspiration d'Ozzy Osbourne ou Jimmy Page, offrant un univers de
choix. Le trio se met en scène dans des cimetières, mais n'hésitent
pas à illustrer la pochette de son troisième album de photos
d'enfance des trois musiciens. Cet humour à double tranchant plaît
au moins autant que la musique du groupe, implacable.
Reverend
Bizarre a la capacité de produire des brûlots aux tempi nerveux
comme de longues mélopées possédées et lancinantes, imprégnées
de riffs pachydermiques. Le guitariste Kimi Karki, alias Peter Vicar
est un prince du riff. Il développe avec parcimonie des chorus
mesurés, divagations du thème principal créant une montée en
puissance lyrique qui fait décoller le morceau vers la stratosphère
avant de le faire lourdement retomber dans la poussière.
Après
la publication de son premier album en 2002, Reverend Bizarre devient
rapidement le leader de la scène Doom de par sa forte identité.
Même si la formation joue toujours dans de petites salles, il
obtient l'accès aux scènes spécialisées de toute l'Europe, et
impressionne par sa capacité à recréer en direct l'incroyable
émulsion obscure qui imprègne ses albums. La voix du
bassiste-chanteur Sami Hynninen, alias Albert Witchfinder y est pour
beaucoup. Plaintive, incantatoire et possédée, elle est puissante
et variée, avec beaucoup d'ampleur. Après un EP aussi long qu'un
album, Harbinger Of Metal en 2003, et plusieurs split-singles
avec divers groupes croisés sur la route, Reverend Bizarre revient
avec un second album en 2005 : II : Crush The Insects.
In
The Rectory Of Bizarre Reverend avait fortement insisté sur les
tempi lourds et lents, ce second album va montrer la capacité du
trio a accéléré le rythme, du moins sur la première partie du
disque. D'entrée, ils frappent fort avec un premier morceau en forme
d'hymne au Doom-Metal : « Doom Over The World ».
Démarré comme des coups de semonce, il galope bientôt à travers
la forêt épaisse de Finlande et les steppes enneigées. Reverend
Bizarre y affirme sa volonté de faire triompher sa musique sur la
médiocrité navrante de ce monde merdique. Sentencieux, menaçant,
misérabiliste parfois, Reverend Bizarre ne manque pas d'humour, le
morceau se terminant en rires alcoolisés au milieu de tintements de
bouteilles de bière. Comme si le groupe avait chanté cet hymne au
Doom un soir où l'on refait le monde avec les amis autour d'un
verre, et que tout semble possible avant que la réalité ne revienne
à nous le lendemain matin. Le riff entêtant est une réussite
totale, ravageur, massif, obsédant.
Il
est suivi par le féroce « The Devil Rides Out », rocher
dévalant littéralement la montagne et écrasant tout sur son
passage. Le rythme de batterie est heurté, fracas de caisses
infernal. Guitare et basse grognent comme des bêtes fulminantes. La
voix de Hynninen est magnifique, véritable instrument survolant le
tapis de bombes. Conteur maléfique, il dompte la bête qui gronde
dans son dos. « Cromwell » est un Heavy-Doom rapide, à
la rythmique plus traditionnelle mais encore peu usitée chez
Reverend Bizarre.
Après
ces trois shoots de speed, le trio revient à ses gammes classiques
avec cinq massives stèles de granit Doom oscillant largement autour
des dix minutes. Le temps de l'entrain guerrier laisse la place à la
noirceur la plus totale. « Slave Of Satan » ouvre le bal
avec sa ligne de basse sonnant comme un tocsin distordu. La batterie
et la guitare arrivent comme les pas d'un géant de pierres, le Golem
faisant trembler le sol. Ce Doom est épique, désespéré, mais
profondément addictif, comme une procession malfaisante. La ligne de
chant lyrique fait encore une fois beaucoup pour rendre le morceau
original. « Council Of Ten » poursuit dans cette même
veine, bien que le désespoir ait laissé la place à la menace.
« By
This Axe I Rule » début comme un nouveau morceau incantatoire
se roulant dans la wah-wah psychédélique avant de s'accélérer
brutalement. Il se mue en un voyage épique. Le chorus de guitare est
impeccable, court et concis. Puis, le morceau replonge dans les
abysses de la procession infernale.
L'album
se clôt par « Fucking Wizard », qui deviendra un
classique de scène, leur « Black Sabbath » à eux, et
dont le riff a d'ailleurs quelques similitudes. Rappelons aussi que
Black Sabbath composa un morceau se nommant « The Wizard ».
La ligne de chant est proche du spoken-word. Pendant près de sept
minutes, l'auditeur vit dans cette atmosphère suffocante, avant que
batterie et guitare n'explosent, et que le riff s'accélère
violemment. Boogie halluciné, ivre de colère et de fureur, il
culmine avec un superbe solo de Karki. La rythmique est très
puissante, mordant dans la chair comme un loup affamé.
Avec
ce second album, Reverend Bizarre développait de nouveaux horizons
pour sa musique. Bien qu'affirmant jouer du True Doom-Metal, soit du
Doom-Metal pur et dur, il y a injecté quelques saillies qui
apportent un nouveau souffle plus épique à son Heavy-Metal
menaçant. Cette dynamique ouvre des portes que le Reverend Etrange
va s'empresser de développer à la perfection sur son troisième et
dernier album avant de clore sa carrière brutalement, voulant
absolument éviter la redondance dans son travail. Voilà une sacrée
leçon d'intégrité artistique.
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