"Ce
que Joe Walsh a à
offrir
sur disque est ici décuplé sur scène."
JOE
WALSH : You
Cant’t Argue With A Sick Mind
1976
Les
meilleurs amis ne sont pas forcément ceux
qui
étaient les plus proches à certaines périodes de nos vies. Ce sont
parfois ces personnes que l’on pourrait qualifier un peu
brutalement de second choix, mais qui sont restés fidèles et
discrètes, toujours là au bon moment, et qui ont toujours un mot
agréable à vous adresser aux grandes étapes de votre existence.
Ils sont la présence rassurante dont on a besoin dans les moments
difficiles, et les compagnons de soirées avec qui on partage un bon
moment, sans plus d’exubérance que nécessaire. Et quand ceux avec
qui l’on passe le plus de temps s’éclipsent de manière aussi
incompréhensible que brutale, ils sont toujours là, pas très loin
de vous.
Joe
Walsh est pour moi un vrai bon copain. Pas personnellement, mais sa
musique, très
certainement.
J’y reviens toujours, et j’y trouve toujours cette chaleur
amicale qui me manque à certains moments de mon existence. Son Rock
n’est ni le plus Hard, ni le plus virtuose, et encore moins le plus
élaboré de tous, mais il est fameux. Il est assez difficile à
décrire en vérité : pas totalement Blues au sens où on
l’entend, pas radicalement Hard-Rock, pas californien dans l’âme
non plus, il est un mélange subtil de tous ces éléments.
Walsh
fit ses armes avec un prodigieux trio du nom de James Gang qui publia
avec lui trois albums et un disque capté en concert, entre 1969 et
1971. Le second, Rides
Again,
en 1970, fit grande impression, récoltant les compliments de la
presse comme de musiciens confirmés et talentueux. Pete Townshend
des Who qualifia Walsh de « meilleur nouveau guitariste du
moment » alors
que le Gang fut inviter à assurer leur première partie,
et Peter Green invita ce dernier à jouer avec Fleetwood Mac et Eric
Clapton à la Boston Tea Party en mai 1970. Il fut également appelé
par Steve Marriott pour remplacer Peter Frampton au sein de Humble
Pie, mais il déclina l’offre. Joe Walsh venait de recevoir
l’adoubement des meilleurs lames de la guitare du moment, et avait
un boulevard ouvert devant lui, ce dont il profita, mais à sa
manière.
Il
quitta le James Gang en décembre
1971,
donc, épuisé
par le rythme effréné des tournées et les premiers conflits avec
ses comparses. Il
fut par ailleurs remplacé en 1973 et 1974 par un certain Tommy
Bolin. Il fonda son groupe solo, d’abord appelé Barnstorm, et
développa sa propre musique, avec
une intéraction limitée
avec ses partenaires. La musique de Joe Walsh prit encore de la
dimension, s’ouvrant vers des horizons Country et californien
inspiré de Crosby, Stills, Nash And Young qui apportèrent de la
richesse à son Blues-Rock. Car Walsh ne pratique pas une musique
rugueuse et bluesy à la Rory Gallagher ou à la Robin Trower. Il se
met au service de chansons merveilleuses, terreuses et âcres, aux
rythmes nonchalants, presque boueux,
mais à la mélancolie absolument évidente. L’homme est un garçon
romantique, sous sa façade de rigolo affichée, copain de Keith Moon
des Who et de tout le gotha des alcoolos mondains du Rock mondial.
C’est ainsi qu’il sympathisera avec les musiciens des Eagles,
dont Don Felder. Il oubliera malheureusement ce talent évident pour
rejoindre les dits Eagles en 1976, pour ce qui deviendra leur plus
célèbre disque : Hotel
California.
Mais les aigles ne s’y trompèrent pas, reprenant systématiquement,
et toujours à ce jour, le « Walk Away » du James Gang,
et « Rocky Mountain Way » de Walsh en solo.
Peu
de temps avant d’être débauché, Joe Walsh entreprit une tournée
solo à succès en 1975, toujours entouré de ses fidèles
musiciens : Joe Vitale et Andy Newmark à la batterie, Willy
Weeks à la basse, Jay Ferguson de Spirit aux claviers, et Don Felder
à la guitare. Cette tournée va s’organiser peu de temps avant que
Walsh ne rejoigne les Eagles. L’annonce aura des répercussions
très positives sur les dates à venir, une partie du public venant
pour entendre le futur lead-guitariste du quintet californien. La
set-list va faire la part belle aux trois albums solos de Walsh à
cette date : Barnstorm
en 1972, The
Smoker You Drink, The Player You Get
en 1973, et So
What
en 1974. Quelques classiques de la période James Gang sont également
inclus dont la vieille scie scénique « Walk Away ».
Walsh
n’a alors qu’une réputation prometteuse, n’ayant classé que
quelques simples dans les cinquante premières places des charts avec
James Gang ou en solo depuis 1970.
Ce
disque en concert, vite expédié, n’est au final qu’un objet
permettant de capitaliser financièrement sur la réputation de
nouveau Eagles de Walsh. Mais ses qualités font vite oublier ses
défauts, à commencer par sa durée d’à peine trente-cinq minutes
à l’époque des double-albums en direct. C’est en tout cas
l’aspect qu’il donne au premier abord. Car cet album est
proprement d’excellente qualité, bien que trop court. On y
retrouve notamment plusieurs grands classiques du guitariste :
« Walk Away » bien sûr, mais aussi « Help Me
Through The Night », « Turn To Stone » et « Rocky
Mountain Way », première
vente significative du
musicien, atteignant la 23ème
place des charts US en 1973. Elle sera notamment reprise sur scène
par Crosby, Stills, Nash And Young sur leur tournée mondiale de
1974, mais aussi par Triumph ou Michael Bolton.
Ce
que Joe Walsh a à
offrir
sur disque est ici décuplé sur scène. L’émotion intense, aride
et amère de ses morceaux atteint un pinacle rare. Deux pièces sont
particulièrement symboliques de cette approche : « Meadows »
et « Turn To Stone ». Le premier reprend d’abord
parfaitement son pendant studio, avec toute l’énergie et la
finesse qui le caractérisent.
Puis Walsh et ses musiciens lui greffent une coda improvisée
inédite, d’une mélancolie terrible, faite d’arpèges
électriques lumineux, soutenu par un accord de synthétiseur et
d’orgue Hammond. Le second va encore plus loin dans l’exploration
du thème : une
introduction crépusculaire prépare l’arrivée du riff stonien. Le
développement central va ouvrir une longue déambulation au gré des
vents, à l’amertume profonde. Un solo de flûte soutenu par une
rythmique Funk laisse la place à une cathédrale de powerchords
déchirants faisant monter l’intensité vers un paroxysme d’émotion
lacrymale. Incontestablement, ces deux morceaux sont le sommet de cet
album qui compte aussi quelques méfaits percutants.
« Walk
Away » est ainsi une introduction scénique redoutable qui se
déroule d’une manière plus fluide et moins abruptement Blues que
celle, originale, du James Gang. « Rocky Mountain Way »
est une ballade fainéante, mid-tempo, traînant sous la slide
somptueuse de Walsh. Ce dernier fait aussi une petite démonstration
de talk-box, effet de guitare dont il est l’un des maîtres avec
Jeff Beck, Peter Frampton et Joe Perry d’Aerosmith. J’aime ce
feeling, prenant du bon temps sous le soleil de Californie, mixant la
Soul des studios Muscle Shoals avec le Blues, que pratiqua également
avec brio Stephen Stills. Mais Walsh lui injecte une âme
supplémentaire, celle du voyage, de la virée sur la route, des
grands espaces, le
Sud, les bayous, don
que voulurent absolument récupérer les Eagles pour donner une
nouvelle dimension à leur musique, plus Rock et moins Country.
Ce
magnifique disque live va entretenir et clore la carrière solo de
Joe Walsh, qui ne publiera aucun disque solo entre décembre 1974 et
1978. Il va se consacrer pleinement aux Eagles, diluant son talent
dans celui d’un groupe qui va connaître son apogée avec lui et le
disque Hotel
California.
Walsh imposera plusieurs de ses idées de riffs, mais ne pourra plus
aussi facilement placer ses compositions entre les différents
compositeurs que sont Glenn Frey, Don Henley, Don Felder, et Randy
Meisner. Il va par contre connaître la grande vie des superstars du
Rock de l’époque, avec son cortège de cocaïne, de groupies et
d’alcool, passant ses soirées aux côtés des plus dangereux
compagnons de biture comme Keith Moon, Alice Cooper, John Lennon,
Jimmy
Page
ou John Bonham.
Sa
musique va perdre peu à peu de son intensité émotionnelle, si
riche, si puissante, pour laisser place à des pochades certes
distrayantes, mais se faisant au détriment de la qualité de sa
musique. Ce disque en concert est l’aboutissement de ce que Joe
Walsh avait à offrir de meilleur, et ces courtes trente-cinq minutes
sont à savourer comme ce qui se fit de mieux en termes
de Rock américain du milieu des années 70.
tous droits réservés
3 commentaires:
76 ' Walsh
C'est incontournable !
Sa musique est absolument indispensable. C'est le plus beau Rock à guitare américain de l'époque.
Ouaip ... Ce live, tout comme celui de James Gang, est un peu (beaucoup ?) du foutage de gueule. Trop court et trop rafistolé. La réalisation du label pue le travail bâclé, fait dans l'urgence. C'est fort regrettable, car ces deux disques ont le terreau qui aurait pu les ériger au statut d'incontournables (double) live des 70's.
Quant aux 2 premiers James Gang, je me demande toujours comment ces jeunes gars pouvaient faire preuve d'autant de maturité.
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