"Cela ne suffira malheureusement pas,
mais Fastway se battra jusqu'au bout."
FASTWAY : « Steal The Show »
2010
Ce disque est une merde. Ou considéré
comme telle. Il existe des faux-pas discographiques pour nombre de
musiciens : des contrats avec des producteurs foireux, des
albums pour cachetonner afin de manger ou se payer de la dope.
Beaucoup, et parmi les plus grands, se sont un jour plantés. Ils
sont innombrables. Il suffit d'un nom, un lien lointain, un ancien
musicien, même éphémère, dans un grand groupe. On peut en citer :
une session merdique de hard-FM avec Paul DiAnno ou Dennis Stratton à
la fin des années 80, des enregistrements d'Hendrix pré-1967, un
live avec Jim Morrison bourré, les premiers 45 tours avec Ritchie
Blackmore ou Jimmy Page en musiciens de sessions.... Et on affiche
bien en gros : Iron Maiden, Deep Purple, Led Zeppelin, Jimi
Hendrix.... mais sur des pochettes cheaps, avec couleurs criardes et
maisons de disques inconnues au bataillon... ou trop connues pour
leurs productions au rabais. Ces enregistrements sont alors
reproduits à l'envie, régulièrement, sous différents labels, noms
et pochettes, à des prix défiant toute concurrence, les auteurs ne
touchant souvent jamais un rond sur tout cela depuis le départ. Ce
sont parfois même des albums complets d'ex-légendes, dont les
disques ont été jetés à la poubelle : Samson, Angelwitch,
Venom..... beaucoup de noms plus ou moins fameux voient certains de
leurs albums mineurs réapparaître sous cette forme, quelques labels
impies se faisant un peu de cash sur le dos des fans
jusqu'au-boutistes ou les naïfs désireux de découvrir un groupe à
moindre frais. Et ne parlons pas de ces enregistrements en concert
bootlegs réédités des millions de fois, sessions live pour des
radios voire même des captations pirates au son épouvantable.
Fast Eddie Clarke a plutôt bien géré
sa matière, puisque tout ce qui sort est plus ou moins sous son
contrôle artistique. Après, niveau financier, ça, je ne sais
pas..... Ceci est un coffret de quatre disques, s'il vous plaît,
paru avec l'assentiment du maître lui-même. Les rares critiques que
j'ai eu l'occasion de lire sont épouvantables : son médiocre,
enregistrements sans intérêts..... quand quelqu'un se penche encore
sur le cas de Fastway bien évidemment, ce qui est de plus en plus
rare. C'est mon cas ces derniers temps. Car j'aime les losers. J'aime
ce Rock pédestrien, complètement dépassé et prolétaire, joués
par des mecs dont tout le monde se fout.
Et là, il y a matière. Fastway,
donc, c'est le groupe de Fast Eddie Clarke, génial éclair
guitaristique du Motorhead luisant des années 1976-1982. Il se
trouva un rouquin irlandais inconnu du nom de Dave King au chant, et
débusqua deux autres losers magnifiques du Heavy-Blues anglais des
années 1969-1972 : Jerry Shirley d'Humble Pie à la batterie,
et Charlie MacCracken de Taste à la basse. On aurait appeler cela un
supergroupe dans les années 70, en 1983, tout cela n'a guère
d'intérêt. Pourtant, le premier album homonyme se fit remarquer par
sa très bonne tenue, malgré l'éloignement musical évident de
Fastway vis-à-vis de Motorhead, ce même trio qui ouvrit la route
pour tout le Thrash-Death-Black-Metal des trente années à venir. Le
vieux fan de Cream de British Blues qu'était Fast Eddie Clarke avait
remonté un groupe plus proche de ses aspirations musicales et de sa
personnalité : simple, efficace, sans prétention. Rapidement
comparé avec Led Zeppelin dont il avait bien des qualités, Fastway
connaîtrait un début de succès foudroyant aux Etats-Unis avant de
disparaître début 1985, le quatuor lessivé par deux années non
stop passées sur la route à tourner avec AC/DC, Iron Maiden, Saxon,
ou en tête d'affiche. Les ventes ne se confirmèrent hélas pas avec
le pourtant excellent second disque, « All Fired Up », et
carbonisés, les musiciens partirent les uns derrière les autres,
laissant Clarke seul avec sa bouteille. Car le garçon, abîmé par
une consommation d'alcool galopante démarrée au sein de Motorhead,
commence à voir sa tombe lentement se creuser.
Les deux albums sont fabuleux,
restaient à savoir si le groupe tenait la route sur scène. Il
circulait bien un live officiel, mais il datait d'une tournée en
1986, du Fastway reformé avec Dave King, mais avec un nouveau
line-up qui avait vu le groupe s'orienter vers un hard-rock FM
fadasse. Et puis il y avait des bootlegs de la période 1983-1984,
évidemment, le quatuor ayant tourné non stop pendant deux ans, et
avec un hit sur MTV : « Say What You Will ». Il
était donc obligatoire que des archives existent.
Ce que fit Fast Eddie Clarke en 2010,
c'est d'officialiser quatre enregistrements bootlegs de cette époque
avec ce coffret. La qualité sonore est donc une prise de son sur la
table de mixage, et un léger nettoyage, mais il s'agit avant tout de
documents bruts de décoffrage, avec les imperfections inhérentes à
l'époque et à la prise de son disparate. Il ne faut pas s'attendre
ici à une qualité sonore de tout premier ordre sur tout les
concerts. Mais de toute façon, si vous avez cet objet dans les
mains, autre chose de plus irrationnel vous interpelle.
J'ai une admiration et une sympathie
immense pour Fast Eddie Clarke. Il est le fulgurant génie de la
six-cordes qui enregistra parmi les plus géniaux albums de
Heavy-Metal de l'histoire de la musique. Il est aussi le desperado
mystérieux et discret mais charismatique du trio de Lemmy Kilmister,
alter-ego aux yeux d'acier, ray-bans et clope au bec, qui expulsaient
dans la stratosphère de sa Fender Stratocaster les hymnes de
Motorhead. Le son de sa guitare, ses soli rapides, vifs, inspirés,
au style d'inspiration autant tirée de Clapton que d'Hendrix,
enflammaient les salles de Punks et de Metalheads qui suivaient ce
qui était alors le groupe le plus dangereux du monde. D'ailleurs,
personne n'a fait aussi concis, aussi inspiré,aussi unique que le
Motorhead de ces années-là. Tous les autres groupes s'en
inspireront, mais n'arriveront jamais à ce degré de danger incarné.
Même souriants et rigolards, on savait que ces trois-là en avaient
vu des galères, des petits boulots aux petits deals pour bouffer, en
passant par les gigs merdiques dans des rades immondes. Il y a de la
noirceur et de la lucidité sur les images du groupe de l'époque.
Fast Eddie Clarke était charpentier sur des chantiers de réparations
de bateaux lorsqu'il rencontra Phil Taylor, ouvrier au même endroit.
Clarke avait joué avec Curtis Knight en 1973 et 1974, celui-là même
qui embaucha Hendrix en 1966 pour quelques sessions depuis rééditées
à l'envie sous forme de disques inédits de Jimi. Clarke n'a pas
encore dévoilé sa personnalité, il ne le peut, Knight étant une
sorte de potentat mettant ses musiciens à l'amende pour chaque
fausse note, comme James Brown, alors que son groupe tourne dans les
clubs pouilleux de Grande-Bretagne.
Eddie Clarke devient Fast Eddie parce
que ses embardées de guitare aux relents hendrixiens inspire à
Lemmy la vitesse. Mais en aucun cas, nous n'avons à faire à un
musicien au style proche d'Eddie Van Halen : pas de tapping, de
shredding, de technique frimeuse. Clarke est un musicien honnête, à
l'intégrité sans faille, au service de la musique qu'il joue comme
de ses idéaux musicaux : le Blues-Rock anglais de la fin des
années 60. Son implication dans Motorhead l'oriente vers un son plus
tranchant, aux riffs plus aigus, plus ouverts, à force de côtoyer
la scène Punk. Il y injecte cette hargne du riff sec et concis à
son Blues à lui. Un son unique que Lemmy sera totalement incapable
de remplacer, et dont Motorhead ne se remettra musicalement jamais.
Clarke était aussi un compositeur, et signait de nombreux morceaux
au sein du trio. Son apport fut immense. Il sut aussi mettre en place
le son, en calant sa guitare sur la basse de Lemmy, plutôt que
chacun joue son truc dans son coin, comme Cream. Ce qui aurait nuit à
la cohésion musicale. Et Clarke était un homme au service de
Motorhead. Le trio était le groupe de sa vie. Et la menace de son
départ devait déclencher une prise de conscience chez ses amis
Taylor et Kilminster sur leurs erreurs artistiques, mais de là à
les lâcher vraiment..... Pourtant, vue leur arrogance durant la
tournée américaine, il finit par craquer. Et comme il n'avait
qu'une parole, il partit à la fin de la celle-ci, abandonnant son
matériel.
Fastway devait lui permettre de
rebondir. Il se lia d'abord d'amitié avec Pete Way, mais ce dernier
ne pouvait se départir de son contrat avec Chrysalis, sa maison de
disques, et préféra l'offre lucrative d'une tournée américaine
avec Ozzy Osbourne. Fast Eddie Clarke monta donc son nouvel équipage
avec King, Shirley, puis MacCracken. Motorhead allait laisser un
impact durable dans la musique, mais qu'en était-il de Fastway ?
Son premier album se classa 31ème dans les classements US et 43ème
en Grande-Bretagne, ce qui était plutôt satisfaisant, et la
critique fut plutôt accueillante, voyant en Fastway un remplaçant
partiel au vide laissé par le grand Led Zeppelin en ces années 80
creuses. Certes, l'électricité et le Metal se portaient bien, grâce
au Thrash US, à Venom, à Def Leppard ou Iron Maiden, et puis toute
la scène allemande, Accept ou Destruction. Mais où était parti cet
esprit Blues-Rock des années 70, celui qui faisait que l'on tripait
sur les grands morceaux de Led Zeppelin, sur le Boogie de Status Quo,
d'AC/DC et ZZ Top ? Il manquait un truc dans l'univers musical,
que même le retour mièvre d'Aerosmith ne comblerait pas. Il
manquait cette sincérité, ce talent dans l'interprétation, même
pour les morceaux aux apparences les plus simples et évidentes.
Fastway ne faisait pas dans le flashy, dans la surenchère visuelle
ou musicale. Ils étaient des héritiers, jouaient ce qu'ils savaient
faire de mieux. Et c'est ce qui tapa dans l'oreille des américains
qui vibrèrent au son de Johnny Winter, Humple Pie, Cactus, Aerosmith
ou le Zep. Clarke était un passeur, entre ce Rock des 70's, et le
son moderne des années 80 qu'il avait contribué à créer avec
Motorhead. Par la suite, la nouvelle génération finit de
débluesifier le Rock pour le métalliser totalement, oubliant les
racines du genre, et du coup, une partie de son identité.
Car les racines de toute cette musique
est prolétaire. Elle est ce défouloir des kids, ce cri dans la
nuit, ce qui lui permet d'évacuer la frustration et la violence de
la société. Pas besoin de message social, de grand discours, juste
du Rock, et du feeling. Fastway en proposant des kilomètres.
Parcourant la route comme des damnés en compagnie de toute la scène
Hard-Rock et Heavy-Metal, ou en tête d'affiche, le quatuor mis en
boîte deux albums percutant et inoxydables dont il développa la
puissance sur scène. Car Fastway était un quarteron de dangereux
desperados au long cours, ne craignant ni la scène ni les publics
hostiles ou glaciaux.
Ces quatre enregistrements plus ou
moins parfaits démontrent une chose totalement évidente : ce
groupe était un fantastique groupe de Hard-Rock, capable de prendre
une scène sans défaillir, et de transcender un répertoire d'à
peine deux albums en hymnes Rock. IL est important de préciser
qu'aucun de ces gigs, du premier au Marquee à Londres de mai 1983 à
celui de fin septembre 1984, ne présentent la moindre reprise des
formations antérieures pourtant prestigieuses de chaque musicien :
pas plus de trace d'Humble Pie, de Motorhead, de Taste, que du
moindre classique de Blues ou de Rock. Tous les morceaux sont
originaux, et issus du répertoire propre de Fastway. Cela permet de
comprendre combien le quartet avait confiance en ses chansons, et
combien il tenait à en faire la promotion sous son nom propre, et
sans tenter une quelconque récupération. La musique de Fastway
était de toute façon totalement en lien direct avec la musique des
années 70 tout en lui donnant l'énergie de la modernité des années
80. On ne trouvera ici aucune speederie quelconque, ni le moindre
riff Doom ou Thrash, mais bien du Hard-Rock à l'ancienne, du Blues,
de la mélodie, de l'énergie, des tripes.
Jerry Shirley fait aussi parti de ses
gaillards qui me fascine. Fidèle batteur d'Humble Pie derrière
Steve Marriott, y compris durant la courte reformation de 1979 à
1982, il mit au service son jeu simple et efficace, carré et tout en
roulements pour fournir au Blues du Pie toute sa puissance
particulière. L'homme s'aventura peu hors du quatuor de Marriott, à
part dans le groupe Natural Gas en 1976, avec un ancien Colosseum et
un ancien Badfinger. Un disque discret, qui ne mit guère en valeur
l'efficacité de notre homme. Reconverti en peintre de décoration,
il fut débaucher par Clarke pour reprendre les baguettes dans son
gang. Son jeu n'est plus tout à fait le même. On retrouve bien la
frappe, les roulements de toms. Mais le jeu lourd, erratique,
percuté, inhérent au Power Blues d'Humble Pie s'est mué en une
dynamique incisive, toujours aussi percutante, mais plus puissante et
en swing, rappelant fortement John Bonham de Led Zeppelin, dont il
est clairement le plus beau successeur, en tout cas l'un de ceux qui
compris toute l'âme que cela impliquait. Car Shirley n'est pas un
imitateur, mais un instrumentiste intuitif, fort de ses influences et
de son expérience, riche. Il en joua des concerts avec Humble Pie,
des centaines, presque des milliers. Le Pie fut sur la route non stop
de 1969 à 1975, puis de 1979 à 1981. Steve Marriott ne jurait que
par la scène, et comme Led Zeppelin, il durent conquérir leur
public, et spécialement l'Amérique, par des concerts explosifs. Au
point que ce fut un disque en public, « Performance – Rockin'
The Fillmore » en 1971, qui ouvrit les portes des USA à Humble
Pie, et du succès commercial. Shirley fut de toutes les embuscades
de Marriott, devenant le cœur qui bat de son Heavy Rythm'N'Blues.
Fastway était plutôt modeste et
discret sur scène, pas le genre à faire des bonds partout ou poser
pour la frime. La tâche du show fut laisser à Dave King qui
harangue la foule sur les jams de « Feel Me Touch Me » ou
« Telephone ». Shirley avait l'habitude de donner la
pulsation sur ces raps improvisés. Marriott n'en était pas avare.
MacCracken, lui, après des années de petits boulots dans des
groupes comme Stud ou un Spencer Davis Group moribond en 1973, se
retrouve à devoir jouer au ciment musical entre Shirley et Clarke.
Bon, notre homme fut la rythmique de Taste, le premier trio de Rory
Gallagher, qu'il fallait suivre aussi le bougre, comme sur ces folles
envolées sur « Catfish » ou « Sugar Mama ».
Il était là sur la scène du festival de l'Ile de Wight en 1970,
lorsque Taste cambriola la scène en plein jour, et fut rappelé à
quatre reprises. Taste se dissout pour de sombres histoires de
royalties et de politique entre Irlande du Nord et Irlande du Sud
(Gallagher était du Sud, les autres du Nord). Mais tous ces bougres
savaient tenir une scène sans en faire des tonnes.
On sent que sur les premiers concerts,
King assure le show modestement, sans trop en faire. Le trio de
musiciens envoie les morceaux de manière concise, rapide, sans
fioriture. Deux ans à peine plus tard, Fastway se permet quelques
menues improvisations dans les morceaux ou sur les introductions qui
ne sont pas sans rappeler le grand Led Zeppelin, dont ils sont pour
le coup totalement possédés, l'héroïne et les délires
mégalomaniaques en moins, ce qui perdit en fin de compte le groupe
de Page, et qui rend certains concerts difficiles d'accès. Fastway
est ce Led Zeppelin proche de l'os, sans autosatisfaction, dans une
concision et un feeling total.Il en est aussi une version un peu plus salace, plus garage aussi. Ces quatre-là sont des voyous, pas des esthètes. King se permet quelque dialogues avec le feeling bien salaces, comme sur le mid-tempo Blues « Telephone » où toutes les parties du corps féminins sont énumérés non sans une certaine provocation typiquement Rock'N'Roll. Ce côté teigneux est particulièrement prégnant sur le premier enregistrement au Marquee de Londres, expédié brutalement, sans concession, à coups de lattes dans la gueule. On sent Fastway prêt à en découdre, et l'envie de jouer déborde du quatuor en ce lieu qui a autant vu naître le Rock progressif que le Punk. Le son est compact, mordant. Charlie MacCracken n'est pas encore là. Un bassiste temporaire, Alfie Ageus tient la basse. On le sent un peu à l'écart du trio solide formé de Clarke-King-Shirley. On y découvre les premiers classiques de scène du premier album : « Easy Livin », « Say What You Will », ou « Feel Me Touch Me », déjà étiré de plusieurs minutes afin de jouer avec le public. Un rare morceau, face B du premier simple, « I Want My Dream » est interprété en live. Excellent titre, il offre une facette plus ambitieuse du Hard-Rock de Fastway, plus aventureuse, comme l'est « We Become One », plus lyrique. Le groupe n'est alors qu'un illustre inconnu, un ramassis de losers dont seul la présence de l'ex-guitariste de Motorhead, alors sur la pente descendante niveau popularité, attire un public d'amateurs. Fastway ne découvre qu'il est une star montante sur MTV qu'en débarquant aux USA. On bénéficie ici de l'enregistrement du concert à l'Agora Ballroom de Cleveland en octobre 1983. Cette dernière salle de concert est le théâtre de nombreux enregistrements en concert pour la radio locale, et ce depuis plus d'une décennie. Ces enregistrements sont d'ailleurs une source fantastique pour les amateurs de bootlegs de qualité, car on peut y découvrir Rush, UFO, Thin Lizzy, Budgie et bien d'autres dans des conditions sonores quasi-parfaites. Fastway bénéficie d'un traitement de faveur en jouant en tête d'affiche dans ce théâtre de 1500 places. L'enregistrement est de qualité moyenne, ce qui est plutôt dommage quand on pense que sans aucun doute, le master original existe quelque part, et que Fast Eddie Clarke aurait pu en offrir une version bien meilleure. Les instruments sont bien distincts, la voix nette, mais l'ensemble paraît un peu étouffé, ce qui bloque l'ardeur du Hard de Fastway. Ce très bon concert permet toutefois de découvrir combien il a évolué, resserrant encore la machine après plusieurs mois non stop sur la route aux USA, y compris au contact des meilleurs bands de la planète, ce qui l'oblige à se dépasser tous les soirs. Fastway est donc prêt à mordre, et cela s'entend. MacCracken est arrivé, et a su se fondre dans le gang, qui est désormais parfaitement soudé. Ce concert permet aussi de découvrir une première excellente version de « Telephone » de presque huit minutes.
En juillet 1984, c'est à Detroit, au
club Harpo's, devant le public Rock américain par excellence que
vient se frotter Fastway. De cette ville sont sortis les meilleurs
artistes de Soul avec Motown, comme les plus dangereux gangs de Rock
comme le MC5, les Stooges, les Amboy Dukes ou Frost. La prise de son
est plutôt moyenne, étouffée, mais s'améliore au fur et à mesure
de la bande, avec une nouvelle fois, une version juteuse de
« Telephone ». « Steal The Show »,
« Misunderstood » et « All Fired Up » du
nouvel album viennent carboniser les oreilles des spectateurs,
permettant à Fastway d'ajouter de la matière à sa set-list. Il a
gros à jouer, car le second disque n'a pas produit de hit comme le
premier, et le groupe se doit de maintenir l'intérêt sur une scène
Rock très versatile, notamment avec l'explosion du Glam-Metal de
Motley Crue, Wasp, Bon Jovi ou Poison.
Cela ne suffira malheureusement pas,
mais Fastway se battra jusqu'au bout, comme le prouve le fantastique
dernier disque de ce coffret. Capté au club L'Amour de Brooklyn le
22 septembre 1984, la prise de son est impeccable, et le groupe
impérial. Totalement maître de son sujet, galvanisé par deux
années sur la route, sûr de sa force, il calcine sur place
l'audience pourtant difficile de New York, plus Punk et arty. Fastway
est ici la parfaite synthèse de Led Zeppelin et d'AC/DC :
Blues, majestueux, totalement en place, et macho. Dés « Steal
The Show », c'est à se demander ce qui a pu leur manquer pour
ne pas être devenu l'immense band international qu'ils auraient dû
être. Mais son mordant typiquement européen, et la gouaille
irlandaise de Dave King, étaient un peu trop intenses pour le grand
public américain qui voulait de la ballade sirupeuse. Fastway leur
en proposera lorsqu'il se reformera en 1986 pour un troisième disque
très Hard-FM, comme les suivants par ailleurs, mais Fast Eddie
Clarke aura perdu son gang pour toujours d'une part, et sa
personnalité musicale d'autre part. Fatigué par des années de
route, rongé par l'alcool, Clarke se laisse dépasser de tous côtés,
et ne trouvera de salut qu'en dissolvant définitivement son groupe
en 1991. Il y aura bien quelques scories de génie par ci par là sur
les disques à venir, mais Clarke n'est plus maître de sa musique,
il se laisse guider, souvent mal. Il n'aura pas eu l'étoffe des
guitaristes de prestige, sûrs de leur force, voire un brin
mégalomane, qui savent ce qu'ils veulent, et n'hésitent pas à
laisser les incompétents au bord de la route. Trop gentil, trop
modeste, épuisé, Fast Eddie Clarke ne rebondira comme il aurait dû
le faire, c'est-à-dire à la hauteur de son fantastique talent de
compositeur et de guitariste.
Et ce dernier disque à Brooklyn
laisse un goût un peu amer, tellement il est bon, tellement Fastway
excelle, au-dessus de la quasi-totalité de la scène musicale de
l'époque. C'est aussi finalement une chance de pouvoir enfin écouter
ces bandes des années 1983-1984, alors que jusque-là, il fallut se
contenter de deux (excellents) disques studio. Imparfait, trop
modeste encore une fois, Fast Eddie Clarke a offert à ses fans ce
coffret, pensant sans doute ne s'adresser qu'à quelques rares
personnes dans le monde. Pourtant, il est une preuve éclatante de
l'extraordinaire puissance de ce groupe, sa capacité à tenir une
scène et à transcender ses propres chansons. Il n'était pas
beaucoup, et même Motorhead avait la plus grande peine à revenir à
ce niveau. Le Led Zeppelin des années 80 a enfin son coffret en
concert concocté par son propre guitariste-leader, lui. Pas la bande
à Page. Fastway a donc son testament live, un diamant brut, mais
donc certains reflets sont à la hauteur de la magie du Rock avec une
majuscule.
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4 commentaires:
Je suis bien d'accord avec toi sur l'importance de Fast Eddie (et de Philty) au sein de Motörhead. Il était l'élément acide du groupe, celui qui jalonnait de touches psychédéliques les deux premiers albums du groupe, avant que Lemmy n'appauvrisse la formule pour séduire les punks.
Fastway manquait de personnalité, c'est dommage, les ingrédients étaient là. Sans doute que le projet original avec Pete Way aurait eu plus de caractère. Pour avoir vécu cette période, je me souviens que le business prenait le pas sur la musique. Le Hard était devenu un tel phénomène, les concerts étaient bondés, les disques se vendaient à la pelle. Chacun a voulu sa part de gâteau sans prendre le risque de se planter mais les abus des années 70 commençaient à peser sur les organismes et les esprits. Fast Eddie, comme tu le dis, était claqué et sans doute avait-il envie de faire des ronds sans passer par d'interminables tournées en bus. Pas de bol, la sauce Fastway n'a pas mieux prise que la sauce Waysted pour son comparse (qui fait peur à voir ces dernières années).
Hugo Spanky
Disons que Pete Way aurait apporter des mélodies du type de celles de UFO, ce qui n'aurait pas dépareiller dans Fastway. Je trouve "Mechanix" de UFO encore très bon. Waysted ne m'a jamais passionné, j'ai été très déçu en écoutant les albums, à part le EP éponyme de 1984. Pauvre vieux Pete Way, il vient se sortir de sa toxicomanie et d' un cancer de la prostate, il a bien dérouillé.
Waysted ne m'a laissé qu'un seul souvenir marquant, leur phénoménale reprise de Around and around. Pour le reste, bof.
UFO je suis dingue de tout ce qu'ils ont fait jusqu'à Making contact.
Tout à fait d'accord avec toi. Et aussi " Walk On Water " et " Sharks ", dernières étincelles de génie.
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