RIVAL SONS : « Great Western
Valkyrie » 2014
Je crois que je n'ai jamais fait aussi
nouveau qu'avec ce disque. En effet, je l'ai acheté le jour de sa
sortie. C'est le premier disque que je m'achète depuis quatre mois,
avec « Sun Structures » des Temples. Ce dernier, plus
psychédélique, me plaît énormément, mais le souffle blues-rock
de ce nouvel album des Rival Sons gagna ma faveur première.
En cette journée suffocante de juin,
ma tendre moitié, sa fille et moi-même déambulons dans une galerie
marchande afin de faire du shopping pour l'anniversaire la petite,
entre deux âges, enfant penchant dangereusement vers l'adolescence.
Il me prend une terrible envie d'aller voir un disquaire, chose que
je n'ai carrément pas faite depuis plus d'un an. Je cède à l'achat
de ces deux albums, et un recueil de bande dessinée
humoristique, taillé pour me changer
les idées.
Bien que ces emplettes me fassent
grand plaisir, tout comme cette virée en famille recomposée,
précédée de la dégustation d'un sympathique repas en terrasse, je
me sens coupable. Je sens que je n'ai pas été raisonnable. Moi qui
serre les dents financièrement depuis huit mois, je me suis permis
cette folie. Le plaisir un peu gâché, la nuit qui suit me voit
encore et encore ressasser mes éternels problèmes de frics, cette
course effrénée au paiement de la mensualité ou de la facture
d'énergie. J'ai l'impression que ma vie ne tourne quasiment
qu'autour de ça, cela m'obsède et m'épuise nerveusement.
Ma belle est heureusement là pour que
j'en parle, mais je ne veux pas la saturer de mes problèmes, de peur
de la perdre. Je ne suis pas habitué à temps d'écoute et de
compréhension. Je me sens parfois perdu. Mon cœur et mes nerfs sont
à vif. J'oscille entre bien-être serein et bouffées d'angoisse. Le
premier est le fait de ma compagne, le second de mes problèmes matériels inhérents à ma vie passée. Le tout
n'est que le fruit de mon cerveau.
Ce grand huit psychiâtrique se
retrouve dans mes goût musicaux. J'ai du mal à écouter un album en
entier, hormis « The Art Of Self Defense » de High On
Fire et le live de Colour Haze, mais seulement une ou deux chansons
en boucle par disque. Comme cet enchaînement de « Gone Gone
Gone »- »Electric Land »- « Simple Man »
sur le « Live At Wembley » de Bad Company en 2010, exhumé
de ma collection.
Cet album est celui du renouveau. Il
est le premier que j'écoute en boucle avec une intensité et un
plaisir que je n'avais pas ressenti depuis bien longtemps. Il
correspond en fait au même plaisir que me procure ma moitié dans ma
nouvelle vie. Il est devenu la bande-son de ce soleil levant luisant
à l'horizon, encore teinté de ces scories de douleurs et
d'angoisses de ma vie passée. Ma vie retourne dans ma région
natale. J'ai déjà commencé mes cartons. Je veux reconstruire,
avancer, profiter de ma vie, celle de mon couple et celle de nos
enfants respectifs. Je viens d'avoir 35 ans, et je crois qu'il est
temps pour moi de profiter chaque instant et de ne plus perdre de
temps.
Mais tout cela nécessite que je me
batte encore. Car tout ce qui concerne ma vie passée n'est pas
réglé. Un épais tapis de mesquineries et de médiocrité m'attend
encore : la garde de ma fille et les emprunts contractés
reposant sur mes épaules seules continue de me miner régulièrement
le moral, malgré tout l'amour que je reçois.
J'ai tellement l'habitude d'être
seul. A tout supporter, à tout assumer, sans soutien, à ne subir
que des critiques. Ne restait pour moi que ma musique et mes textes.
Que personne de mon entourage ne lisait. Un jour mon père découvrit
ces articles. Et fut bouleversé. Mes tripes, mon âme étaient là,
à livre ouvert. C'était mon seul espace de liberté, où je me
sentais vraiment moi-même. Il voulut écouter les disques dont je
parlais. Comprendre. Nous sommes devenus de très bons amis. Il a
aussi perçu qu'il pouvait me parler et se confier comme il n'avait
jamais pu le faire depuis des décennies. Le temps est terrifiant. Il
balaie les souvenirs avec une violence inouïe. Je n'aime pas me
retourner. J'ai fait des erreurs, des choix malheureux. C'est la
vie, mais je préfère avancer et faire que ma vie présente et
future soit plus agréable. Alors revoir ces photos d'enfance, cette
sœur absente, l'exigence de parents dans le milieu enseignant
voulant des résultats scolaires.... Conformisme sociale, revanche
psychologique sur cette génération de grand-parents voulant du
concret et faisant peu cas du sentiment. Haines familiales, héritage
douloureux, rancoeurs.....
Aujourd'hui, je ne suis plus seul. Je
me sens aimé, je me sens quelqu'un. Même si parfois je doute, je ne
suis plus malheureux. Je suis comblé. Je reçois de l'amour et de
l'attention comme je n'en ai jamais reçu. Je suis parfois méfiant,
sur mes gardes. Je suis tellement maladroit avec tout cela. Je suis
un loup sur la défensive, un chien abandonné à qui l'on tend la
main. Il n'y a guère que celle de mon ange dans mes cheveux pour
m'apaiser. Son sourire, ses yeux verts, sa main effleurant la mienne.
Je crois que j'ai attendu ce moment toute ma vie. Et ce disque est la
bande-son de ma vie d'aujourd'hui, à la fois terriblement électrique
et intense émotionnellement parlant.
Ce qui me fit chavirer pour
ce disque est le premier titre et premier extrait de cet album :
« Electric Man ». L'écoute initiale fut une version live
sur le plateau du « Grand Journal ». Curieusement, la
version studio est plus puissante que son pendant live, ce qui est
pourtant souvent le contraire, surtout avec les productions modernes.
Puissant titre de heavy-rock blues, il n'est pas sans rappeler le
« Black Dog » Led Zeppelin. La comparaison avec le
quatuor dyonisiaque n'est pas innocent. Car la comparaison est
prégnante tout au long de ce disque. Mais pas dans le sens de la
copie. Plutôt dans les influences, la qualité de l'interprétation,
et la qualité des compositions. Bien que les deux groupes aient le
même style musical, à savoir un hard-rock aux fortes influences
blues et progressives. « Electric Man » a réveillé mon
goût du Rock endormi par les emmerdements. J'ai retrouvé la saveur
âpre de la musique en roulant sous le soleil caniculaire. Le son
est fabuleux, totalement organique. La rythmique est profonde, la
batterie puissante, la basse souple et épaisse, la guitare claire et
riche, et la voix magnifique. Rappelons qui est ce groupe : Jay
Buchanan au chant, Scott Holiday à la guitare, Michael Miley à la
batterie, et Dave Beste à la basse. Tous originaires de Long Beach
en Californie.
Passé la première salve de
« Electric Man », on retrouve un morceau malicieux à la
mélodie suspendue au riff inaugural. L’alliage de puissance rock
et de mélodie me rappelle par moments Bad Company. La voix de
Buchanan se veut plus veloutée et suave sur le couplet, avant de
s'emballer sur le refrain. Les choeurs doublent le chant lead. La
basse vrombit sur les power-chords emplis de réverb de la guitare.
Un lancinant petit orgue Farfisa chante en fond. Power-song
redoutable, « Good Luck » est un excellent morceau.
D'excellents morceaux, il y en a,comme
le très stoner « Secret », ou le heavy-psyché « Play
The Fool ». Ou il y a ce vrai faux départ de « Kashmir »
de Led Zeppelin le temps de deux mesures qu'est « Open My
Eyes ». En fait, il s'agit d'un superbe morceau, à la
structure complexe, oscillant entre acoustique et électricité
sauvage, à l'atmosphère héroïque. On y retrouve les montagnes
russes émotionnelles du morceau de Led Zeppelin, mais en plus
écorché.
Le point d'orgue est sans aucun doute
l'enchaînement « Belle Starr » et « Where I've
Been ».
« Belle Starr » est un
curieux morceau débutant en brutale embardée électrique gorgée de
basse fuzz et de roulement de toms, très progressif.... jusqu'à ce
que le refrain tombe dans les arpèges incandescents. On se voit sous
les étoiles sur une plage de sable fin, les yeux perdus dans
l'infini. J'ai ressenti cela à l'écoute de ce morceau. La plage n'y
était pas. Mais mon regard s'est bien embrumé de sérénité.
Il est temps de marquer un instant
l'air et le temps. Quand votre âme est blessée à ce point, il est
probable que la musique puisse parfois vous envahir à ce point.
« Belle Starr » est une
fabuleuse comète électrique dont les arpèges mélancoliques et
amers inspirent une profonde mélancolie. Ces arpèges m'arracheront
toujours des larmes et de S'en suit le fabuleux « Where I've
Been ».
Blues mélodique totalement
emphatique, On retrouve ici toute la puissance émotionnelle de « Mr
Big » de Free ou « Since I've Been Loving You » de
Led Zeppelin. Ou encore « I Wonder » et « Live With
Me » de Humble Pie. Ce genre là quoi. Tout en retenue
magique, on se laisse porter au bord des larmes par la voix de
Buchanan et la guitare magistrale de Holiday. J’y entrevoie mes
erreurs passées, mes faiblesses, mon âme encore fragile, et ce
soleil qui semble à nouveau briller pour moi malgré les épreuves.
Ce beau disque s’achève sur
« Destination On Course ». Longue procession basée sur
la slide rugeuse de Holiday, on ressent l’influence du Southern
Rock de Lynyrd Skynyrd ou des Outlaws. On ressort de l’écoute de
cet album un peu sonné mais serein, vidé de ses mauvaises pensées.
On y trouve le souffle de la vie, toute l’humanité, avec sa
grandeur et ses faiblesses, ce qui manque tant de nos jours. Comme
les Rival Sons le sont pour le Rock d’aujourd’hui, ce disque est
un souffle nouveau pour moi, le début d’une nouvelle vie qui
s’ouvre à moi.
tous droits réservés
3 commentaires:
Rock'n'Roll !! Super disque et superbe chronique plaisante à lire ! Merci.
Rival Sons, renouveau ? Tout laisse à le croire, en effet. Un bol d'air frais.
La Musique est magique, et, en ce sens, peut aider à passer les épreuves (et les injustices) de la vie. Elle peut également exacerbé les sentiments (souvent refoulés).
A ses débuts, le Blues, qui découle d'ailleurs des chants de travail des afro-américains, permettait à toute une communauté, majoritairement mal-lotie et accablée, de lui redonner un minimum de joie de vivre grâce à de saines vibrations.
Finalement, la musique est une nourriture du cœur et de l'âme. Et il y a de la bonne et de la mauvaise ; certaines pouvant même abrutir totalement l'auditeur quand d'autres le font voyager, voire s'épanouir.
Actuellement, on nage plutôt en plein "Fast-food" musical, et gare au cholestérol.
Je ne suis pas habitué à temps d'écoute et de compréhension."
Joli lapsus.
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