lundi 7 juillet 2014

RIVAL SONS

" Cet album est celui du renouveau. Il est le premier que j'écoute en boucle avec une intensité et un plaisir que je n'avais pas ressenti depuis bien longtemps."
RIVAL SONS : « Great Western Valkyrie » 2014

Je crois que je n'ai jamais fait aussi nouveau qu'avec ce disque. En effet, je l'ai acheté le jour de sa sortie. C'est le premier disque que je m'achète depuis quatre mois, avec « Sun Structures » des Temples. Ce dernier, plus psychédélique, me plaît énormément, mais le souffle blues-rock de ce nouvel album des Rival Sons gagna ma faveur première.
En cette journée suffocante de juin, ma tendre moitié, sa fille et moi-même déambulons dans une galerie marchande afin de faire du shopping pour l'anniversaire la petite, entre deux âges, enfant penchant dangereusement vers l'adolescence. Il me prend une terrible envie d'aller voir un disquaire, chose que je n'ai carrément pas faite depuis plus d'un an. Je cède à l'achat de ces deux albums, et un recueil de bande dessinée humoristique, taillé pour me changer les idées.
Bien que ces emplettes me fassent grand plaisir, tout comme cette virée en famille recomposée, précédée de la dégustation d'un sympathique repas en terrasse, je me sens coupable. Je sens que je n'ai pas été raisonnable. Moi qui serre les dents financièrement depuis huit mois, je me suis permis cette folie. Le plaisir un peu gâché, la nuit qui suit me voit encore et encore ressasser mes éternels problèmes de frics, cette course effrénée au paiement de la mensualité ou de la facture d'énergie. J'ai l'impression que ma vie ne tourne quasiment qu'autour de ça, cela m'obsède et m'épuise nerveusement. 
Ma belle est heureusement là pour que j'en parle, mais je ne veux pas la saturer de mes problèmes, de peur de la perdre. Je ne suis pas habitué à temps d'écoute et de compréhension. Je me sens parfois perdu. Mon cœur et mes nerfs sont à vif. J'oscille entre bien-être serein et bouffées d'angoisse. Le premier est le fait de ma compagne, le second de mes problèmes matériels inhérents à ma vie passée. Le tout n'est que le fruit de mon cerveau. 
Ce grand huit psychiâtrique se retrouve dans mes goût musicaux. J'ai du mal à écouter un album en entier, hormis « The Art Of Self Defense » de High On Fire et le live de Colour Haze, mais seulement une ou deux chansons en boucle par disque. Comme cet enchaînement de « Gone Gone Gone »- »Electric Land »- « Simple Man » sur le « Live At Wembley » de Bad Company en 2010, exhumé de ma collection. 
Cet album est celui du renouveau. Il est le premier que j'écoute en boucle avec une intensité et un plaisir que je n'avais pas ressenti depuis bien longtemps. Il correspond en fait au même plaisir que me procure ma moitié dans ma nouvelle vie. Il est devenu la bande-son de ce soleil levant luisant à l'horizon, encore teinté de ces scories de douleurs et d'angoisses de ma vie passée. Ma vie retourne dans ma région natale. J'ai déjà commencé mes cartons. Je veux reconstruire, avancer, profiter de ma vie, celle de mon couple et celle de nos enfants respectifs. Je viens d'avoir 35 ans, et je crois qu'il est temps pour moi de profiter chaque instant et de ne plus perdre de temps. 
Mais tout cela nécessite que je me batte encore. Car tout ce qui concerne ma vie passée n'est pas réglé. Un épais tapis de mesquineries et de médiocrité m'attend encore : la garde de ma fille et les emprunts contractés reposant sur mes épaules seules continue de me miner régulièrement le moral, malgré tout l'amour que je reçois.
J'ai tellement l'habitude d'être seul. A tout supporter, à tout assumer, sans soutien, à ne subir que des critiques. Ne restait pour moi que ma musique et mes textes. Que personne de mon entourage ne lisait. Un jour mon père découvrit ces articles. Et fut bouleversé. Mes tripes, mon âme étaient là, à livre ouvert. C'était mon seul espace de liberté, où je me sentais vraiment moi-même. Il voulut écouter les disques dont je parlais. Comprendre. Nous sommes devenus de très bons amis. Il a aussi perçu qu'il pouvait me parler et se confier comme il n'avait jamais pu le faire depuis des décennies. Le temps est terrifiant. Il balaie les souvenirs avec une violence inouïe. Je n'aime pas me retourner. J'ai fait des erreurs, des choix malheureux. C'est la vie, mais je préfère avancer et faire que ma vie présente et future soit plus agréable. Alors revoir ces photos d'enfance, cette sœur absente, l'exigence de parents dans le milieu enseignant voulant des résultats scolaires.... Conformisme sociale, revanche psychologique sur cette génération de grand-parents voulant du concret et faisant peu cas du sentiment. Haines familiales, héritage douloureux, rancoeurs.....
Aujourd'hui, je ne suis plus seul. Je me sens aimé, je me sens quelqu'un. Même si parfois je doute, je ne suis plus malheureux. Je suis comblé. Je reçois de l'amour et de l'attention comme je n'en ai jamais reçu. Je suis parfois méfiant, sur mes gardes. Je suis tellement maladroit avec tout cela. Je suis un loup sur la défensive, un chien abandonné à qui l'on tend la main. Il n'y a guère que celle de mon ange dans mes cheveux pour m'apaiser. Son sourire, ses yeux verts, sa main effleurant la mienne. Je crois que j'ai attendu ce moment toute ma vie. Et ce disque est la bande-son de ma vie d'aujourd'hui, à la fois terriblement électrique et intense émotionnellement parlant. 
Ce qui me fit chavirer pour ce disque est le premier titre et premier extrait de cet album : « Electric Man ». L'écoute initiale fut une version live sur le plateau du « Grand Journal ». Curieusement, la version studio est plus puissante que son pendant live, ce qui est pourtant souvent le contraire, surtout avec les productions modernes. Puissant titre de heavy-rock blues, il n'est pas sans rappeler le « Black Dog » Led Zeppelin. La comparaison avec le quatuor dyonisiaque n'est pas innocent. Car la comparaison est prégnante tout au long de ce disque. Mais pas dans le sens de la copie. Plutôt dans les influences, la qualité de l'interprétation, et la qualité des compositions. Bien que les deux groupes aient le même style musical, à savoir un hard-rock aux fortes influences blues et progressives. « Electric Man » a réveillé mon goût du Rock endormi par les emmerdements. J'ai retrouvé la saveur âpre de la musique en roulant sous le soleil caniculaire. Le son est fabuleux, totalement organique. La rythmique est profonde, la batterie puissante, la basse souple et épaisse, la guitare claire et riche, et la voix magnifique. Rappelons qui est ce groupe : Jay Buchanan au chant, Scott Holiday à la guitare, Michael Miley à la batterie, et Dave Beste à la basse. Tous originaires de Long Beach en Californie. 
Passé la première salve de « Electric Man », on retrouve un morceau malicieux à la mélodie suspendue au riff inaugural. L’alliage de puissance rock et de mélodie me rappelle par moments Bad Company. La voix de Buchanan se veut plus veloutée et suave sur le couplet, avant de s'emballer sur le refrain. Les choeurs doublent le chant lead. La basse vrombit sur les power-chords emplis de réverb de la guitare. Un lancinant petit orgue Farfisa chante en fond. Power-song redoutable, « Good Luck » est un excellent morceau. 
D'excellents morceaux, il y en a,comme le très stoner « Secret », ou le heavy-psyché « Play The Fool ». Ou il y a ce vrai faux départ de « Kashmir » de Led Zeppelin le temps de deux mesures qu'est « Open My Eyes ». En fait, il s'agit d'un superbe morceau, à la structure complexe, oscillant entre acoustique et électricité sauvage, à l'atmosphère héroïque. On y retrouve les montagnes russes émotionnelles du morceau de Led Zeppelin, mais en plus écorché. 
Le point d'orgue est sans aucun doute l'enchaînement « Belle Starr » et « Where I've Been ».
« Belle Starr » est un curieux morceau débutant en brutale embardée électrique gorgée de basse fuzz et de roulement de toms, très progressif.... jusqu'à ce que le refrain tombe dans les arpèges incandescents. On se voit sous les étoiles sur une plage de sable fin, les yeux perdus dans l'infini. J'ai ressenti cela à l'écoute de ce morceau. La plage n'y était pas. Mais mon regard s'est bien embrumé de sérénité.
Il est temps de marquer un instant l'air et le temps. Quand votre âme est blessée à ce point, il est probable que la musique puisse parfois vous envahir à ce point.
« Belle Starr » est une fabuleuse comète électrique dont les arpèges mélancoliques et amers inspirent une profonde mélancolie. Ces arpèges m'arracheront toujours des larmes et de S'en suit le fabuleux « Where I've Been ».
Blues mélodique totalement emphatique, On retrouve ici toute la puissance émotionnelle de « Mr Big » de Free ou « Since I've Been Loving You » de Led Zeppelin. Ou encore « I Wonder » et « Live With Me » de Humble Pie. Ce genre là quoi. Tout en retenue magique, on se laisse porter au bord des larmes par la voix de Buchanan et la guitare magistrale de Holiday. J’y entrevoie mes erreurs passées, mes faiblesses, mon âme encore fragile, et ce soleil qui semble à nouveau briller pour moi malgré les épreuves. 
Ce beau disque s’achève sur « Destination On Course ». Longue procession basée sur la slide rugeuse de Holiday, on ressent l’influence du Southern Rock de Lynyrd Skynyrd ou des Outlaws. On ressort de l’écoute de cet album un peu sonné mais serein, vidé de ses mauvaises pensées. On y trouve le souffle de la vie, toute l’humanité, avec sa grandeur et ses faiblesses, ce qui manque tant de nos jours. Comme les Rival Sons le sont pour le Rock d’aujourd’hui, ce disque est un souffle nouveau pour moi, le début d’une nouvelle vie qui s’ouvre à moi. 
tous droits réservés

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Rock'n'Roll !! Super disque et superbe chronique plaisante à lire ! Merci.
Rival Sons, renouveau ? Tout laisse à le croire, en effet. Un bol d'air frais.

Anonyme a dit…

La Musique est magique, et, en ce sens, peut aider à passer les épreuves (et les injustices) de la vie. Elle peut également exacerbé les sentiments (souvent refoulés).

A ses débuts, le Blues, qui découle d'ailleurs des chants de travail des afro-américains, permettait à toute une communauté, majoritairement mal-lotie et accablée, de lui redonner un minimum de joie de vivre grâce à de saines vibrations.

Finalement, la musique est une nourriture du cœur et de l'âme. Et il y a de la bonne et de la mauvaise ; certaines pouvant même abrutir totalement l'auditeur quand d'autres le font voyager, voire s'épanouir.
Actuellement, on nage plutôt en plein "Fast-food" musical, et gare au cholestérol.

Ramon a dit…

Je ne suis pas habitué à temps d'écoute et de compréhension."
Joli lapsus.