"Notées que niveau qualité, les pompes italiennes, ‘y a pas à chier, c’est quand même la classe."
THE SHOES : « The Shoes » 2010
Je suis en perpétuelle recherche de l’érection électrique. J’ai parfois touché au but, grâce notamment à certains disques magiques comme « Smokin » de Humble Pie ou le « II » de Led Zeppelin. Mais je continue à chercher le héros moderne, qui, guitare en bandoulière, saura faire éructer l’indicible frustration qui m’envahit régulièrement le cerveau.
Il y eut quelques beaux guerriers durant ces dernières années : Kyuss, Unida, Hermano, High On Fire, Nebula, ou Soundgarden. Mais tous avaient cette envie de lier psychédélisme et une certaine forme de Heavy-Metal issu de Black Sabbath. Ils firent partie de la formidable odyssée du Stoner-Rock, qui malgré une baisse d’intérêt, vit encore.
C’est en musardant parmi quelques noms fort méconnus du genre que je m’arrêtai par hasard sur The Shoes.
Le nom me disait quelque chose, et il me sembla, curieusement, l’avoir lu dans une revue aussi hype que Rock’N’Folk. Rapidement, je m’aperçus qu’il ne s’agissait pas de la même paire de godasses.
Les The Shoes qui circulent dans le petit monde branché est un duo de Reims pratiquant une électro-pop qui se rapproche de ce que la New-Wave du début des années 80 produisit de pire, allié à une forme de Rock héroïque et désabusé entre Portishead et Simple Minds. Néanmoins, il est assez périlleux d’atteindre la classe de ces derniers (nous en reparlerons). Allié à cette substance une image très hype (jeans slim, mèches rebelles bien collées au gel, petites lunettes, et pochettes de disques raclant des symboles un peu kitsch comme l’équipe de foot de Reims en 1978, avec leurs petits shorts et leurs vieilles coupes trop ringaaaardes, mais tellement popu-chic), et vous obtenez un groupe de plus qui bouche l’horizon, cachant derrière lui de bien meilleures formations.
Il y a notamment ces Shoes-là. Et elles sont italiennes. Notées que niveau qualité, les pompes italiennes, ‘y a pas à chier, c’est quand même la classe. Mais de là à ce que la musique des Shoes italiennes soit à ce point excellente …..
Formé en 2005 à Forli en Italie par le guitariste-chanteur Elio Di Menza, le trio complété du bassiste Pierluigi Di Pierro et du batteur Valerio Scollo écume les bars des alentours de Taranto, la ville voisine. Ils sont assez classiquement influencés par Cream et Jimi Hendrix, soit la sainte dualité du Rock. Il y en a comme eux des milliers dans le monde, du Brésil à la Hongrie, plus ou moins doués, mais noyés dans un océan de démos plus ou moins similaires sur MySpace.
Le groupe s’accroche, ou plutôt son guitariste, Di Menza. Après quelques changements de line-ups , le trio se stabilise avec l’arrivée du bassiste Marco Pizzolla et du batteur Andrea Basile.
Mine de rien, The Shoes va devenir un bombardier ahurissant qui va bousiller les oreilles des spectateurs imprudents des bars et festivals Rock italiens. Classe, gouaille, groove, et Rock’N’Roll Attitude, c’est ce que va déverser ces dangereux croquenots.
Le label Go Down Records les signe, et les trois enregistrent ce premier album en 2010 dans un petit appartement transformé en studio à Cesena. Tout cela sent plutôt le Claude Barzotti, les scooters Lambretta, et les jolies brunes italiennes aux décolletés généreux et aux jupes courtes. Rome, Venise, toutes ces conneries.
The Shoes ramènent pourtant tout le monde du côté de Londres, voire même de Birmingham. Car son Rock sent le charbon.
Ce qui prend à la gorge, c’est bien sûr le premier morceau, mais surtout la production. Puissante, lourde, analogique, sentant bon la bande magnétique et les petites trouvailles de musiciens entre deux portes.
Et puis donc, il y a ce premier morceau : « Need To Show It ». Mélange de boogie et de heavy-blues, il rapproche The Shoes non pas de Hendrix et de Cream, mais du Led Zeppelin des deux premiers disques. Mêmes riffs rageurs et blues, puissance du son, rythmique lourde et virtuose, et petites trouvailles sonores permanentes (doublage du solo, petit changement du riff pour le pont, contre-points heavy, grosse caisse galopante…). La voix de Di Menza est aussi excellente, entre gouaille nerveuse et embardées vocales rock typées Ten Years After. L’homme n’est pas un hurleur de heavy-metal, et c’est bien tant mieux. Il n’est pas non plus un geignard sans-voix « au talent unique », terme pour dire que l’homme qui vous pourrit les tympans ne sait certes pas chanter, mais cela fait sa personnalité. Il y en a des wagons, mais ce blog voudrait avoir une courte pensée pour tous nos amis du spectacle qui n’ont aucun travail sous prétexte qu’ils n’ont aucun talent (merci Pierre).
Ce boogie endiablé se voit suivi de l’immense morceau de ce disque : « Talk With You ». Riff nerveux, batterie puissante et souple, mid-tempo, Di Menza croise sa voix avec celle de Pizzolla. Sur ce tapis d’électricité folle survole des chœurs précis. Les influences se dessinent de plus en plus. Il y a ici un alliage de Who et The Move pour le côté Pop anglaise de la mélodie et des choeurs, de Led Zeppelin (toujours), et puis de Toad, ce fabuleux trio suisse des années 70 dont The Shoes semblent les dignes héritiers. Heavy-Blues et Power-Pop copulent allègrement ici pour produire une musique d’une efficacité hors normes. Incroyable, Di Menza roule les « r » sur le refrain, comme un sale gallois. Il a repéré les gimmicks du Rock, il en est la synthèse. A moins que ce soit son accent italien, mais en fait on s'en tape. Ce titre est un concentré de puissance culminant par ce solo d’une classe folle, calibré au millimètre près.
Nous parlions justement de Led Zeppelin, voici que débarque le puissant et heavy-blues « Across The Street ». Cette épaisse tranche de goudron musicale voit se mêler la musique de Humble Pie et la gouaille des Troggs. C’est simple, redoutable, et jouissif. Tellement bon que « The Cage » reprend la formule avec le même brio.
« Waiting On The Web » démarre comme un titre jazz-acoustique de Black Sabbath. Di Menza prouve ici son talent à la guitare acoustique. Il y est aussi prodigieux dans la composition au côté de Pizzolla. Indiscutablement, ce morceau est le sommet de l’album. Mélodie acoustique baignant dans le folk-blues anglais de la fin des années 60, refrain électrique rappelant la structure de « Ramble On » de Led Zeppelin, et ce double solo électrique-acoustique achevant de prouver que Di Menza est un musicien sur lequel il faut compter dans ce monde absurde.
La seconde moitié du disque est un condensé d’influences heavy-rock des années 70. « The G Man » rappelle Dust. « Kicked In The Ground» ne déparerait par contre pas sur « Physical Graffitis » de Led Zeppelin tant il rappelle « Custard Pie », enfin jusqu’au refrain, parce que après, ça s’emballe sec….
«Rescue Me» est un Funk bourbier rappelant celui de « Zoom Club » de Budgie. Mais jamais l’héritage du trio gallois ne fut à ce point mis en valeur. C’est vachard, bas du front, c’est un morceau tête de con.
« I’m Bored » fait hélas plus office de remplissage, Pizzolla chantant, et plutôt pas très bien. La suite rallume les braises avec « Why Are We Sleeping ? », un heavy-boogie psychédélique implacable qui carbonise l’oreille imprudente.
The Shoes achèvent son disque sur un morceau acoustique délicat rappelant le Folk pourri des Kinks et les pièces acoustiques de Humble Pie avec Greg Ridley au chant, et là, c’est mieux.
Au final, bien que doté de quelques imperfections forcément inévitables vu la durée du disque (12 titres tout de même), la quintessence en occupe au moins les trois-quarts, et cela fait de cet album une bien belle pièce de musique.
Une chose est sûr, ces garçons ont du talent, de la classe et de l'humilité, et il est impératif qu'ils puissent s'exprimer plus largement afin de déboucher un peu l'horizon fadasse du moment. Sans être parfaitement originaux (mais qui l'est vraiment ?, nous sommes tous le fruit de nos influences), ils ont su proposé une musique charnue et honnête, loin des clichés de poseurs. Cet album m'enthousiasme au plus haut point, et cela faisait quelque temps que je n'avais pas ressenti cette sensation.
Il y a peu, j'ai voulu m'intéresser à un groupe un peu tendance et classé comme marginal : les Black Lips. Discours intéressant, attitude plutôt sympa. Et leur dernier disque emballe, même si le nom du producteur (Mark Ronson), m'a fait l'effet d'un glaçon dans le pantalon. J'ai écouté tous leurs albums, et notamment les dits tubes classé comme garage-punk-rock, et j'ai trouvé cela... plat. Pas mauvais, ni franchement grotesque, juste plat. Bourré de plans musicaux et de tics vocaux mille fois entendus. J'ai été déçu. Alors je n'aurais qu'un conseil : privilégiez la qualité italienne.
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2 commentaires:
Une chronique très alléchante, mais un disque impossible à débusquer.
Un tuyau ?
Certainement :
va sur le myspace du groupe : il y a le lien vers Go Down Records, où tu pourras le commander.
http://www.myspace.com/shoesrockband
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