MOTHER’S FINEST : « Live At Rockpalast » Live 1978
Alors le Rock des années 70 se meurt avec ses grands héros aujourd’hui largement sexagénaires, le Rock des années 2010 tente de retrouver la fougue, la créativité et la spontanéité qui lui fait cruellement défaut.
Si il y a quelques années seulement, il était de bon ton de tirer à boulets rouges sur les anciens du Rock, les dinosaures de chaque décennie qui furent les héros d’hier, aujourd’hui, les institutions sont vénérées.
Bien sûr, il y avait les quelques groupes références à respecter forcément, ceux que la rock-critic de bon goût considérait comme étant indispensables et respectables, bref cultes. Souvent, il s’agissait de seconds couteaux visionnaires, certes, mais n’ayant eu, évidemment injustement, aucun succès en leur temps. Citons le Velvet Underground, les Stooges, Big Star, Nick Drake, et tant d’autres, dont la vie de loser devenu magnifique ou le décès injuste rendait encore plus belle la légende.
A cette même époque, les groupes de heavy-metal classiques étaient surtout de la graine à blaireaux. Les idoles Rock d’aujourd’hui, cultes donc, sont les ringards d’hier : AC/DC, Motorhead, Deep Purple, Black Sabbath, Aerosmith, Mott The Hoople, et j’en passe et des meilleurs.
Bref, à l’heure où nos héros se meurent, tous les groupes ont eu leur petit quart d’heure de gloire, et souvent, leur reformation célébrée en grande pompe.
Pourtant, certains passèrent à travers les gouttes inexorablement, et alors que le Rock d’hier se meurt, disais-je, Mother’s Finest fait partie de ces groupes totalement oubliés. Ce qui veut donc dire, à priori, que leur héritage musical est totalement insignifiant.
Or voilà, c’est tout le contraire. Il est parfaitement imposant, voire même, carrément gênant. Car si Mother’s Finest a été incroyablement pompé, il n’a jamais été dépassé. Et cela est un fait que je m’en vais vous démontrer, chers fans hystériques.
Petit rappel des faits : Mother’s Finest est originaire d’Atlanta, en Géorgie, soit l’un des états bien racistes du sud des USA. Il est aussi le plus incroyable vivier de musiciens noirs et blancs, et fut le terreau fertile des plus grands. Citons pêle-mêle le Allman Brothers Band ou Little Feat.
Nous sommes en 1973, et la chanteuse Joyce Kennedy et son petit ami chanteur Glenn Murdock, tous deux noirs, en ont assez de cachetonner pour de petits simples de soul à deux balles ou des chœurs pour des célébrités locales.
Un premier disque paraît en 1973, dans l’indifférence générale, avec une pochette effrayante rappelant plus un disque de Black-Metal qu’un disque de soul et de rock. Car les deux veulent fusionner le funk avec une forme de rock inspiré d’Hendrix, dans ce qu’il a de plus sauvage. Certes, Funkadelic a déjà tenté l’expérience avec succès, mais Murdock et Kennedy veulent un son plus agressif, plus rock, débarrassé des accoutrements du P-Funk.
Mother’s Finest trouve son alliage parfait avec l’arrivée du bassiste noir Jerry « Wizzard » Seay, du clavier noir Mike Keck, et de deux blanc-becs : Gary « Mo » Moses à la guitare, et du batteur Barry « BB Queen » Borden.
Trois disques paraissent entre 1976 et 1978, qui obtiennent un succès honnête dans les charts américains grâce aux simples « Baby Love » ou « Fire ». Déjà, le groupe se montre gonflé et sûr de sa force, et dés le premier album, Glenn Murdock chante « Niggiz Can’t Sing Rock’N’Roll ».
Pourtant, les albums studios, bien que sympathiques et efficaces, ne semblent pas être la hauteur de la réputation de leur musique. Trop policés, les Mother’s Finest, malgré d’excellentes chansons, semblent être un alliage de funk disco et de rock stonien propret. Ce syndrôme d’émasculation sonique est typique des groupes américains de l’époque. On peut ainsi citer Blackfoot, Outlaws, ou Blue Oyster Cult, dont la musique est affadie en studio, à milles lieues de la furia live. Il s'agissait sans doute de ne pas trop effrayer les radios avec un son trop sale, surtout à l'époque du disco.
Est-ce parce que ces six-là se produisent devant un public qui leur est totalement inconnu qu’ils furent aussi bons ? En tout cas, il est bon de saluer le courage de la programmation de cette émission allemande qu’est Rockpalast, et qui après avoir enregistré Spirit, fit découvrir Mother’s Finest au public européen (Rockpalast était retransmis en Eurovision, soit dans toute l’Europe par satellite). Il fit de même en 1980 avec ZZ Top (voir l’article consacré à ce concert dans ces pages).
Toujours est-il que le générique résonne, et le présentateur allemand annonce « unsere guest : Mother’s Finest ! ». Et dés « Dis Go Dis Way », le sextet d’Atlanta terrasse. Puissant, rock, et surtout incroyablement gorgé de funk, il imprime une rythmique implacable qui colle l’auditeur imprudent à son siège, ou à tout ce qui peut un tant soit peu le soutenir. Le groupe tourne comme un V8 Big Block. Ca ronfle, et le groupe est incroyablement carré, précis. Ce premier titre est une sorte de parodie heavy du funk discoïde de cette époque, incroyablement réussi, et qui n’est que l’introduction au percutant et hard « Fly With Me ». Joyce Kennedy fait étalage de sa voix profonde et soul, d’une puissance indescriptible.
Murdock reprend le dessus avec le puissant et très UFO « Rain », mais toujours avec ce style black inimitable. Murdock a une vois plutôt haute qui le mets à la fois dans la catégorie des screamers du hard et dans celle des fous furieux de la soul style James Brown.
Joyce reprend le devant, alors que Mo Moses ne l'a toujours pas quitté. Avec « Truth 'll Set You Free », il lance un titre compact, lourd et mid-tempo totalement implacable, synthèse parfaite des influences du groupe. Seul alternative, les claviers de Mick Keck, alliage de synthétiseurs et de piano électrique typique du son funk mid-70's, qui apporte cette couleur très Herbie Hancock au mélange.
Passé ce quatuor dantesque, vous avez déjà la quintessence de Mother's Finest. Pourtant, la suite vaut son pesant de cacahuètes avec leurs meilleurs titres interprétés en concert : « Give It Up », « Fire », « Give You All The Love », ou l'impeccable « Baby Love ». Ce dernier morceau, alternant riffs lourds et funky, est une merveille de ce que l'on appellera la fusion ou le Black-Rock symbolisé essentiellement par Living Colour.
Ce live au Rockpalast, publié depuis en DVD en Allemagne mais pas en CD, laissera des traces dans le pays. A tel point que le groupe sera à nouveau reçu avec ferveur en 2004 lors d'un second Rockpalast.
Entretemps, le quintet sortira un live officiel en 1979 très bon mais un peu trop propre pour être honnête (chroniqué dans ces pages), et un disque de heavy-funk implacable du nom de « Iron Age » en 1981 absolument génial dont je vous reparlerai. Et puis ce sera le grand plongeon dans le son FM, un peu comme tous, et l'oubli généralisé.
Enfin, pas pour tout le monde, car quatre blanc-becs californiens vont réutiliser ce son, le blanchir un bon coup histoire de le rendre plus accessible et moins « Niggizz », et se faire des couilles en or en se faisant passer pour les créateurs du genre funk-rock : les Red Hot Chili Peppers.
Si il y a quelques années seulement, il était de bon ton de tirer à boulets rouges sur les anciens du Rock, les dinosaures de chaque décennie qui furent les héros d’hier, aujourd’hui, les institutions sont vénérées.
Bien sûr, il y avait les quelques groupes références à respecter forcément, ceux que la rock-critic de bon goût considérait comme étant indispensables et respectables, bref cultes. Souvent, il s’agissait de seconds couteaux visionnaires, certes, mais n’ayant eu, évidemment injustement, aucun succès en leur temps. Citons le Velvet Underground, les Stooges, Big Star, Nick Drake, et tant d’autres, dont la vie de loser devenu magnifique ou le décès injuste rendait encore plus belle la légende.
A cette même époque, les groupes de heavy-metal classiques étaient surtout de la graine à blaireaux. Les idoles Rock d’aujourd’hui, cultes donc, sont les ringards d’hier : AC/DC, Motorhead, Deep Purple, Black Sabbath, Aerosmith, Mott The Hoople, et j’en passe et des meilleurs.
Bref, à l’heure où nos héros se meurent, tous les groupes ont eu leur petit quart d’heure de gloire, et souvent, leur reformation célébrée en grande pompe.
Pourtant, certains passèrent à travers les gouttes inexorablement, et alors que le Rock d’hier se meurt, disais-je, Mother’s Finest fait partie de ces groupes totalement oubliés. Ce qui veut donc dire, à priori, que leur héritage musical est totalement insignifiant.
Or voilà, c’est tout le contraire. Il est parfaitement imposant, voire même, carrément gênant. Car si Mother’s Finest a été incroyablement pompé, il n’a jamais été dépassé. Et cela est un fait que je m’en vais vous démontrer, chers fans hystériques.
Petit rappel des faits : Mother’s Finest est originaire d’Atlanta, en Géorgie, soit l’un des états bien racistes du sud des USA. Il est aussi le plus incroyable vivier de musiciens noirs et blancs, et fut le terreau fertile des plus grands. Citons pêle-mêle le Allman Brothers Band ou Little Feat.
Nous sommes en 1973, et la chanteuse Joyce Kennedy et son petit ami chanteur Glenn Murdock, tous deux noirs, en ont assez de cachetonner pour de petits simples de soul à deux balles ou des chœurs pour des célébrités locales.
Un premier disque paraît en 1973, dans l’indifférence générale, avec une pochette effrayante rappelant plus un disque de Black-Metal qu’un disque de soul et de rock. Car les deux veulent fusionner le funk avec une forme de rock inspiré d’Hendrix, dans ce qu’il a de plus sauvage. Certes, Funkadelic a déjà tenté l’expérience avec succès, mais Murdock et Kennedy veulent un son plus agressif, plus rock, débarrassé des accoutrements du P-Funk.
Mother’s Finest trouve son alliage parfait avec l’arrivée du bassiste noir Jerry « Wizzard » Seay, du clavier noir Mike Keck, et de deux blanc-becs : Gary « Mo » Moses à la guitare, et du batteur Barry « BB Queen » Borden.
Trois disques paraissent entre 1976 et 1978, qui obtiennent un succès honnête dans les charts américains grâce aux simples « Baby Love » ou « Fire ». Déjà, le groupe se montre gonflé et sûr de sa force, et dés le premier album, Glenn Murdock chante « Niggiz Can’t Sing Rock’N’Roll ».
Pourtant, les albums studios, bien que sympathiques et efficaces, ne semblent pas être la hauteur de la réputation de leur musique. Trop policés, les Mother’s Finest, malgré d’excellentes chansons, semblent être un alliage de funk disco et de rock stonien propret. Ce syndrôme d’émasculation sonique est typique des groupes américains de l’époque. On peut ainsi citer Blackfoot, Outlaws, ou Blue Oyster Cult, dont la musique est affadie en studio, à milles lieues de la furia live. Il s'agissait sans doute de ne pas trop effrayer les radios avec un son trop sale, surtout à l'époque du disco.
Est-ce parce que ces six-là se produisent devant un public qui leur est totalement inconnu qu’ils furent aussi bons ? En tout cas, il est bon de saluer le courage de la programmation de cette émission allemande qu’est Rockpalast, et qui après avoir enregistré Spirit, fit découvrir Mother’s Finest au public européen (Rockpalast était retransmis en Eurovision, soit dans toute l’Europe par satellite). Il fit de même en 1980 avec ZZ Top (voir l’article consacré à ce concert dans ces pages).
Toujours est-il que le générique résonne, et le présentateur allemand annonce « unsere guest : Mother’s Finest ! ». Et dés « Dis Go Dis Way », le sextet d’Atlanta terrasse. Puissant, rock, et surtout incroyablement gorgé de funk, il imprime une rythmique implacable qui colle l’auditeur imprudent à son siège, ou à tout ce qui peut un tant soit peu le soutenir. Le groupe tourne comme un V8 Big Block. Ca ronfle, et le groupe est incroyablement carré, précis. Ce premier titre est une sorte de parodie heavy du funk discoïde de cette époque, incroyablement réussi, et qui n’est que l’introduction au percutant et hard « Fly With Me ». Joyce Kennedy fait étalage de sa voix profonde et soul, d’une puissance indescriptible.
Murdock reprend le dessus avec le puissant et très UFO « Rain », mais toujours avec ce style black inimitable. Murdock a une vois plutôt haute qui le mets à la fois dans la catégorie des screamers du hard et dans celle des fous furieux de la soul style James Brown.
Joyce reprend le devant, alors que Mo Moses ne l'a toujours pas quitté. Avec « Truth 'll Set You Free », il lance un titre compact, lourd et mid-tempo totalement implacable, synthèse parfaite des influences du groupe. Seul alternative, les claviers de Mick Keck, alliage de synthétiseurs et de piano électrique typique du son funk mid-70's, qui apporte cette couleur très Herbie Hancock au mélange.
Passé ce quatuor dantesque, vous avez déjà la quintessence de Mother's Finest. Pourtant, la suite vaut son pesant de cacahuètes avec leurs meilleurs titres interprétés en concert : « Give It Up », « Fire », « Give You All The Love », ou l'impeccable « Baby Love ». Ce dernier morceau, alternant riffs lourds et funky, est une merveille de ce que l'on appellera la fusion ou le Black-Rock symbolisé essentiellement par Living Colour.
Ce live au Rockpalast, publié depuis en DVD en Allemagne mais pas en CD, laissera des traces dans le pays. A tel point que le groupe sera à nouveau reçu avec ferveur en 2004 lors d'un second Rockpalast.
Entretemps, le quintet sortira un live officiel en 1979 très bon mais un peu trop propre pour être honnête (chroniqué dans ces pages), et un disque de heavy-funk implacable du nom de « Iron Age » en 1981 absolument génial dont je vous reparlerai. Et puis ce sera le grand plongeon dans le son FM, un peu comme tous, et l'oubli généralisé.
Enfin, pas pour tout le monde, car quatre blanc-becs californiens vont réutiliser ce son, le blanchir un bon coup histoire de le rendre plus accessible et moins « Niggizz », et se faire des couilles en or en se faisant passer pour les créateurs du genre funk-rock : les Red Hot Chili Peppers.
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2 commentaires:
Il y a également un Live du début des 90's, "Subluxation", doté d'un son plus puissant et rugueux. bien énergique. Un bon disque.
il n'y a que des bonne choses dans ce blog et j'en apprends toujours plus chaque fois que je me replonge dans ces articles de qualite encore merci
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