"Ce disque a tout de l’album tragique. "
IRON BUTTERFLY : « Sun And Steel » 1976
Me voilà donc de retour. Vous me direz, cela fait au bas mot huit mois que je vous fais le coup, et que la production de ce blog faiblit au cours du temps, pour atteindre le chômage technique ces deux derniers mois. Disons que le travail et ma vie privée m’ont éloigné de mon clavier, dont je dois avoir eu besoin de m’éloigner un temps avant de vous revenir, mes chers amis, si fidèles. Qu’y pouvez-vous de mes anicroches personnelles ? The Show Must Go On, comme disent tous les tocards qui n’ont rien d’autres à dire.
Je dois avouer que ces derniers mois ont également été pour moi comme une sorte de retour aux sources. Je me suis replongé dans mon enfance, les séries télévisées, les bandes dessinées, les voitures qui me faisaient rêver. Je suis même retourné sur les lieux de mon enfance pour la première fois depuis 15 ans. Mille images me sont revenues, ce fut un vrai choc. Et aussi absurde que cela puisse paraître, c’est ce disque que j’ai réécouté ces derniers temps.
C’est ironique finalement, car en matière de come-back à répétition, Iron Butterfly est un sérieux prétendant. Revenons un peusur l’histoire de ce quatuor américain. Il est considéré comme l’un des pionniers du Heavy Sound, notamment grâce à son titre « In A Gadda Da Vida » paru en 1968 sur l’album du même nom. Ce disque sera par ailleurs le premier disque de Rock de platine de l’histoire, à savoir un million d’exemplaires vendus rien qu’aux USA. A l’époque, la formation vient de se stabiliser avec Doug Ingle aux claviers et au chant, Lee Dorman à la basse, Ron Bushy à la batterie, et Erik Braunn à la guitare.
La particularité du son de Iron Butterfly, c’est ce mélange de guitare lourde et psychédélique, un orgue électrique aux accents funéraires, et la grosse voix théâtrale de Ingle qui rend la musique du groupe totalement obsédante. Le disque est très bon, mais il ne sera pas le seul. Pourtant, Iron Butterfly est totalement dépassé par de nouvelles formations explosives qui le rendent totalement abscons en moins de six mois. Led Zeppelin notamment, pulvérisera le heavy-rock pysché naissant aux oubliettes. Iron Butterfly rejoint donc le wagon de groupes devenu has-been dés 1969 aux côtés de Blue Cheer et Vanilla Fudge.
Ainsi allait l’époque et le business, et le reste de la discographie du groupe mourut doucement dans les bas à soldeurs. Ainsi « Ball » en 1969, le « Live » en 1970 ou le superbe « Metamorphosis » en 1971 avec l’arrivée de Larry « Rhino » Reinhardt et Mike Pinera en lieu et place de Braunn n’y feront rien. Le groupe disparaît fin 1971 dans l’indifférence générale.
Braunn et Bushy reforme le groupe en 1974, espérant surfer sur la vague progressif-hard-rock. Phil Kramer prend la basse, et Bill DeMartines les claviers. Le premier disque de cette reformation, « Scorching Beauty », paru en 1975, est plutôt mauvais, ce qui semble guère étonnant, et n’aura, bien évidemment, aucun succès. Le second s’appelle « Sun And Steel » en 1976 et il est très bon.
Ce disque a tout de l’album tragique. Un groupe exsangue, une période en plein flottement, entre délires mégalomaniaques de méga-machines Rock cocaïnées du style Deep Purple, ELP, Genesis et autres Rolling Stones, et de l’autre, les prémices du Punk urbain avec Johnny Thunder, Stiv Bators, les Damned, les Sex Pistols et les Ramones, évidemment.
Pour les amateurs de bon goût, les pro-Philippe Manœuvre, vous pouvez donc aller vomir, ce disque vous laissera indifférent, car il parle à l’âme.
Ce disque, disais-je, est tragique. Iron Butterfly ne remplit plus les salles, mais fait le tour des théâtres, à peine pleins grâce à l’aura pâle de leur nom. Leurs albums ne se vendent plus, et pour sûr, cette reformation semble uniquement motivée par l’argent.
En 1976, les Rolling Stones sortent « Black And Blue » avec « Fool To Cry » et Ford sort la nouvelle Mustang qui ressemble à une Ford Escort . En plus, elle a un V6. C’est vraiment la merde. Heureusement, Led Zeppelin sort « Presence », mais là encore, si vous ne vous enfilez pas un whisky cul sec après un tel disque, c’est que vous n’aimez pas la vie.
Donc, « Sun And Steel » est un très bon disque, et cela, personne ne le sait, car personne ne l’a jamais écouté. Je ne dis pas volontairement excellent, comme mon lyrisme musical me le suggère parfois, car c’est faux.
En effet, cet album souffre, autant le dire, de trois chansons pas terribles qui gâchent franchement l’ensemble, mais rendent le reste totalement délectable.
Car il faut quand même être sacrément gonfler pour débuter un album par « Sun And Steel », un titre au riff plombé. Les claviers et la batterie souple allège un peu l’ambiance. La voix de Braunn, rauque et ample, rend le titre à la fois lourd et plein d’espoir, comme quelques fleurs des champs dans un terrain vague où se débattent les premiers bulldozers d’une zone commerciale. Ce titre définit une ambiance mélancolique qui sera la tonalité de cet album. Totalement hors de propos en 1976, il est bon d’écouter la musique pour ce qu’elle est, et non pour ce qu’elle fut à cette époque, c’est-à-dire complètement décalée. Le solo de Braunn est réussi, et annonce de jolies pépites. « Lightnin’ » annonce du synthé et de la talk-box, syndrôme Peter Frampton et Eagles oblige. Le titre, au demeurant pas mauvais, refroidi pourtant. Et que dire du mièvre et grotesque « Beyond The Milky Way » ou du boogie-country ringard « Free » qui achève le moindre auditeur.
Mais les courageux trouveront à nouveau leur fortune avec « Scion » ; ce mégalithe de Heavy-Rock enterre ce qui précède avec maestria. On retrouve les rivages et le talent de « In A Gadda Da Vida ». Ce qui frappe, c’est cette production dépouillée, live en studio, comme si le Butterfly vous parlait. Je trouve ce titre fabuleux. L’orgue, ne fait qu’enluminer la mélodie, alors que la guitare de Braunn rugit. Le solo de DeMartines est une réussite, à la fois aérien et possédé. Braunn s’arrache les tripes, et brille par son lyrisme musical. Lui qui ne faisait que jouer avec le larsen est un musicien accompli pour qui un solo a un sens. Mais surtout, il y chante merveilleusement. La voix râpeuse de « Sun And Steel », la voix aigu et hargneuse de « Scion » et de « Get It Out », c’est lui.
Ce dernier titre est une sorte d’éclair d’espoir, heavy et funky, rappelant l’unique album de Beck, Bogert et Appice en 1973. Les synthés sont discrets et désuets, mais n’amochent en rien la chanson.
« I’m Right, I’m Wrong » débute sur du mellotron, et ne pourrait qu’annoncer que le pire. Mais en fait, cette chanson est une formidable transition en le heavy-funk de 1973 et une certaine New Wave anglaise à venir. Culbutant les influences, de Beck, Bogert, Appice à King Crimson, cette étrange chanson destructurée ne s’apprivoise qu’après plusieurs écoutes.
« Watch The World Going By » est un titre acoustique moyen, sous influence Paul McCartney. C’est bien, mais pas terrible.
Reste la pépite finale : « Scorching Beauty » : ce disque fait de riffs dérapants et de mellotron vrillants est une splendeur de mélancolisme mature. Il y a comme un goût de poussière dans cette chanson, comme ces derniers jours ensoleillés de septembre au bord de la mer.
Et la suite confirmera cette impression. Séparé dans l’indifférence générale, Iron Butterfly se reformera dans l’anonymat général à la fin des années 90, sans grand succès. Phil Kramer le bassiste de cette première reformation, sera retrouvé sous forme d’ossements dans son minivan en 1999 après avoir été porté disparu en 1995.
Ce disque donne cette étrange impression d’être au bord du gouffre, étourdi par le vertige de l’existence qui défaille, de cette page de la vie qui se referme et vous mène vers l’inconnu.
IRON BUTTERFLY : « Sun And Steel » 1976
Me voilà donc de retour. Vous me direz, cela fait au bas mot huit mois que je vous fais le coup, et que la production de ce blog faiblit au cours du temps, pour atteindre le chômage technique ces deux derniers mois. Disons que le travail et ma vie privée m’ont éloigné de mon clavier, dont je dois avoir eu besoin de m’éloigner un temps avant de vous revenir, mes chers amis, si fidèles. Qu’y pouvez-vous de mes anicroches personnelles ? The Show Must Go On, comme disent tous les tocards qui n’ont rien d’autres à dire.
Je dois avouer que ces derniers mois ont également été pour moi comme une sorte de retour aux sources. Je me suis replongé dans mon enfance, les séries télévisées, les bandes dessinées, les voitures qui me faisaient rêver. Je suis même retourné sur les lieux de mon enfance pour la première fois depuis 15 ans. Mille images me sont revenues, ce fut un vrai choc. Et aussi absurde que cela puisse paraître, c’est ce disque que j’ai réécouté ces derniers temps.
C’est ironique finalement, car en matière de come-back à répétition, Iron Butterfly est un sérieux prétendant. Revenons un peusur l’histoire de ce quatuor américain. Il est considéré comme l’un des pionniers du Heavy Sound, notamment grâce à son titre « In A Gadda Da Vida » paru en 1968 sur l’album du même nom. Ce disque sera par ailleurs le premier disque de Rock de platine de l’histoire, à savoir un million d’exemplaires vendus rien qu’aux USA. A l’époque, la formation vient de se stabiliser avec Doug Ingle aux claviers et au chant, Lee Dorman à la basse, Ron Bushy à la batterie, et Erik Braunn à la guitare.
La particularité du son de Iron Butterfly, c’est ce mélange de guitare lourde et psychédélique, un orgue électrique aux accents funéraires, et la grosse voix théâtrale de Ingle qui rend la musique du groupe totalement obsédante. Le disque est très bon, mais il ne sera pas le seul. Pourtant, Iron Butterfly est totalement dépassé par de nouvelles formations explosives qui le rendent totalement abscons en moins de six mois. Led Zeppelin notamment, pulvérisera le heavy-rock pysché naissant aux oubliettes. Iron Butterfly rejoint donc le wagon de groupes devenu has-been dés 1969 aux côtés de Blue Cheer et Vanilla Fudge.
Ainsi allait l’époque et le business, et le reste de la discographie du groupe mourut doucement dans les bas à soldeurs. Ainsi « Ball » en 1969, le « Live » en 1970 ou le superbe « Metamorphosis » en 1971 avec l’arrivée de Larry « Rhino » Reinhardt et Mike Pinera en lieu et place de Braunn n’y feront rien. Le groupe disparaît fin 1971 dans l’indifférence générale.
Braunn et Bushy reforme le groupe en 1974, espérant surfer sur la vague progressif-hard-rock. Phil Kramer prend la basse, et Bill DeMartines les claviers. Le premier disque de cette reformation, « Scorching Beauty », paru en 1975, est plutôt mauvais, ce qui semble guère étonnant, et n’aura, bien évidemment, aucun succès. Le second s’appelle « Sun And Steel » en 1976 et il est très bon.
Ce disque a tout de l’album tragique. Un groupe exsangue, une période en plein flottement, entre délires mégalomaniaques de méga-machines Rock cocaïnées du style Deep Purple, ELP, Genesis et autres Rolling Stones, et de l’autre, les prémices du Punk urbain avec Johnny Thunder, Stiv Bators, les Damned, les Sex Pistols et les Ramones, évidemment.
Pour les amateurs de bon goût, les pro-Philippe Manœuvre, vous pouvez donc aller vomir, ce disque vous laissera indifférent, car il parle à l’âme.
Ce disque, disais-je, est tragique. Iron Butterfly ne remplit plus les salles, mais fait le tour des théâtres, à peine pleins grâce à l’aura pâle de leur nom. Leurs albums ne se vendent plus, et pour sûr, cette reformation semble uniquement motivée par l’argent.
En 1976, les Rolling Stones sortent « Black And Blue » avec « Fool To Cry » et Ford sort la nouvelle Mustang qui ressemble à une Ford Escort . En plus, elle a un V6. C’est vraiment la merde. Heureusement, Led Zeppelin sort « Presence », mais là encore, si vous ne vous enfilez pas un whisky cul sec après un tel disque, c’est que vous n’aimez pas la vie.
Donc, « Sun And Steel » est un très bon disque, et cela, personne ne le sait, car personne ne l’a jamais écouté. Je ne dis pas volontairement excellent, comme mon lyrisme musical me le suggère parfois, car c’est faux.
En effet, cet album souffre, autant le dire, de trois chansons pas terribles qui gâchent franchement l’ensemble, mais rendent le reste totalement délectable.
Car il faut quand même être sacrément gonfler pour débuter un album par « Sun And Steel », un titre au riff plombé. Les claviers et la batterie souple allège un peu l’ambiance. La voix de Braunn, rauque et ample, rend le titre à la fois lourd et plein d’espoir, comme quelques fleurs des champs dans un terrain vague où se débattent les premiers bulldozers d’une zone commerciale. Ce titre définit une ambiance mélancolique qui sera la tonalité de cet album. Totalement hors de propos en 1976, il est bon d’écouter la musique pour ce qu’elle est, et non pour ce qu’elle fut à cette époque, c’est-à-dire complètement décalée. Le solo de Braunn est réussi, et annonce de jolies pépites. « Lightnin’ » annonce du synthé et de la talk-box, syndrôme Peter Frampton et Eagles oblige. Le titre, au demeurant pas mauvais, refroidi pourtant. Et que dire du mièvre et grotesque « Beyond The Milky Way » ou du boogie-country ringard « Free » qui achève le moindre auditeur.
Mais les courageux trouveront à nouveau leur fortune avec « Scion » ; ce mégalithe de Heavy-Rock enterre ce qui précède avec maestria. On retrouve les rivages et le talent de « In A Gadda Da Vida ». Ce qui frappe, c’est cette production dépouillée, live en studio, comme si le Butterfly vous parlait. Je trouve ce titre fabuleux. L’orgue, ne fait qu’enluminer la mélodie, alors que la guitare de Braunn rugit. Le solo de DeMartines est une réussite, à la fois aérien et possédé. Braunn s’arrache les tripes, et brille par son lyrisme musical. Lui qui ne faisait que jouer avec le larsen est un musicien accompli pour qui un solo a un sens. Mais surtout, il y chante merveilleusement. La voix râpeuse de « Sun And Steel », la voix aigu et hargneuse de « Scion » et de « Get It Out », c’est lui.
Ce dernier titre est une sorte d’éclair d’espoir, heavy et funky, rappelant l’unique album de Beck, Bogert et Appice en 1973. Les synthés sont discrets et désuets, mais n’amochent en rien la chanson.
« I’m Right, I’m Wrong » débute sur du mellotron, et ne pourrait qu’annoncer que le pire. Mais en fait, cette chanson est une formidable transition en le heavy-funk de 1973 et une certaine New Wave anglaise à venir. Culbutant les influences, de Beck, Bogert, Appice à King Crimson, cette étrange chanson destructurée ne s’apprivoise qu’après plusieurs écoutes.
« Watch The World Going By » est un titre acoustique moyen, sous influence Paul McCartney. C’est bien, mais pas terrible.
Reste la pépite finale : « Scorching Beauty » : ce disque fait de riffs dérapants et de mellotron vrillants est une splendeur de mélancolisme mature. Il y a comme un goût de poussière dans cette chanson, comme ces derniers jours ensoleillés de septembre au bord de la mer.
Et la suite confirmera cette impression. Séparé dans l’indifférence générale, Iron Butterfly se reformera dans l’anonymat général à la fin des années 90, sans grand succès. Phil Kramer le bassiste de cette première reformation, sera retrouvé sous forme d’ossements dans son minivan en 1999 après avoir été porté disparu en 1995.
Ce disque donne cette étrange impression d’être au bord du gouffre, étourdi par le vertige de l’existence qui défaille, de cette page de la vie qui se referme et vous mène vers l’inconnu.
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2 commentaires:
Un réel plaisir de vous lire à nouveau. Toujours quelque chose d'intéressant. Merci.
J'ai écouté des titres de Metamorphosis qui m'ont parus assez bons (voir plus). Je m'étais arrêté à Ball, qui m'avait plutôt déplu.
Je suis fan d'Iron Butterfly. Je suis d'accord avec vous pour « le superbe Metamorphosis ».
Petite info, jettez une oreille sur Iron Butterfly - 2014 - Live In Sweden 1971.
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