"Marriott déchire l’âme de l’auditeur imprudent de sa voix de loup en cage. "
HUMBLE PIE « Humble Pie » 1970
J’aurais aimé vous parler de « Smokin’ », mon album préféré de tous les temps, mais l’appréhender avec des mots me parut trop ardu, du moins pour l’instant. J’opte donc pour ce troisième album du Pie, à mon sens le second meilleur album du groupe.
En un sens, ce disque est fabuleux et riche, d’une finesse incroyable malgré la densité du heavy-blues proposé. De l’autre, il s’agit du premier disque vraiment furieux du Pie, le premier aussi qui divisa Frampton et Marriott. Et cela s’entend.
Rappelons les faits : Peter Frampton, lassé de son combo pop The Herd, veut fonder un vrai groupe de rock. Il demande à son copain de charts Steve Marriott, leader des Small Faces, le nom d’un batteur digne de ce nom, aussi bon que Kenney Jones, le batteur des Faces.
Marriott lui dégote un jeune homme de 16 ans du nom de Jerry Shirley, puis, excédé par les arnaques de business et sa réputation de chanteur pour gamines, il se sauve des Small Faces pour rejoindre Frampton. Vous ajoutez à cette fine équipe le bassiste de Spooky Tooth Greg Ridley, et vous obtenez l’un des meilleurs groupes de rock du monde.
Rapidement étiqueté supergroupe à l’époque des Blind Faith, Led Zeppelin et autres Cream, vous avez une idée du ramdam. Les deux premiers albums du Pie sortent en 1969 sur le label Immediate, et bien qu’ils soient très bons, ils ne trouvent pas le succès escompté. Vous ajoutez à cela une tournée américaine catastrophique en première partie de Santana, et en rentrant, le label Immediate en faillite, et vous obtenez un groupe au bord de la rupture et sans un sou.
C’est le nouveau manager Dee Anthony qui permet au Pie de revoir le jour : le gang signe chez A&M, et ce nouveau disques ort quelques mois plus tard. Au niveau direction artistique, Humble Pie est divisé entre les aspirations blues lourd et soul de Marriott, et l’influence rock californien de Frampton. Anthony, qui encourage le Pie à tourner aux US pour percer et s’imposer, soutient Marriott. Le rock lourd est alors en pleine explosion outre-Atlantique avec les cartons de Led Zeppelin, Deep Purple, Black Sabbath, et autres Cactus et Mountain. Pas étonnant donc que ce troisième disque soit très blues, l’option étant également partagée par Ridley et Shirley, amateurs de décibels.
Pourtant, « Humble Pie » reste un disque fin, puissant par sa virtuosité émotionnelle. Ainsi, dés le long et intense blues « Live With Me », on est saisi à la gorge. Sur fond d’orgue Hammond, Marriott déchire l’âme de l’auditeur imprudent de sa voix de loup en cage. Il partage le chant avec un Frampton à la voix plus rauque qui apporte une couleur plus chaude et sensuelle, contrebalançant avec la colère sourde et désespérée de Marriott. Les chorus du même Peter sont également à signaler, l’homme bousculant le tapis d’orgue de notes lourdes et jazzy. J’ai dû écouter ce titre des dizaines de fois s’en m’en lasser une seule seconde. Rien que la voix de Marriott me colle le frisson.
La suite du disque voit la dualité des influences : un titre électrique, un titre acoustique. Les titres acoustiques « Earth And Water » et « Theme from Skint » sont un peu le point faible de cet album : trop marqués par les influences Crosby-Stills And Nash, Neil Young, ou Byrds, ils manquent de personnalité. Ce n’est assurément pas le cas de la partie électrique, à savoir le boogie tonitruant «One-Eye Trouser-Snake Rumba » (ah ! ce titre de chanson !) sur laquelle Ridley, Frampton, et Marriott alternent le chant avec un égal brio, la reprise réarrangée type bombardier de Willie Dixon « I’m Ready », et le surpuissant « Red Hot Light Mama ». Ce dernier titre est tout simplement le meilleur morceau de heavy-blues jamais enregistré, propulsé par un riff lourd, une rythmique mid-tempo implacable, et cette putain de voix hurlant à la mort. Vous ajoutez un solo inspiré de Frampton, et celui d’harmonica de Marriott, et vous obtenez la quintessence de ce que devrait toujours être le bon rock’n’roll sauvage et rebelle. Le disque s’achève sur la meilleure pièce acoustique du disque, « Sucking On The Sweet Wine, chanté par Ridley. On ne dira jamais assez combien ce bonhomme, en plus d’être un bassiste fabuleux, était un très bon chanteur, à la voix rocailleuse et chaude, bien que fragile.
Pour finir cette chronique, je ne peux résister à l’envie de vous narrer l’anecdote lors de l’achat de ce disque en vinyl. « Humble Pie » fut mon dernier album du Pie qui manquait à ma collection. Je le trouvai dans une foire aux disques au milieu des bacs à soldes, croisant injustement le fer avec moult Michel Sardou et Julio Iglesias. Dans sa superbe pochette gaufrée, il trônait dans le bac. Il était en bon état, seule une signature au feutre vert tâchait la pochette, mais cela ne me dérangea pas, car je l’achetai une poignée de francs. Je négociai même le prix avec le vendeur, étant donné que cette inscription, qui me parut être le vulgaire nom de l’ancien propriétaire (pratique courante chez les propriétaires de disques vinyls ), devait bien s’en aller avec un peu de détachant.
Assis à la terrasse d’un café, je me décidai à contempler mon achat, et par curiosité, je regardai le nom inscrit en vert. C’est là que le verre, la table et la chaise volèrent, tandis que j’entamai une danse de la pluie sur la terrasse devant des passants médusés. L’inscription n’était pas celle de l’ancien propriétaire, mais celle de… Steve Marriott lui-même, qui avait dédicacé le disque. Lui, Steve, mon héros, avait signé cet album, qui plus est, un de leur meilleur. Depuis, je conserve précieusement ce disque, sommet miraculeux de ma collection. Et en écoutant cet album, j’ai parfois l’impression que Steve est là, tout près, et qu’il chante pour moi.
J’aurais aimé vous parler de « Smokin’ », mon album préféré de tous les temps, mais l’appréhender avec des mots me parut trop ardu, du moins pour l’instant. J’opte donc pour ce troisième album du Pie, à mon sens le second meilleur album du groupe.
En un sens, ce disque est fabuleux et riche, d’une finesse incroyable malgré la densité du heavy-blues proposé. De l’autre, il s’agit du premier disque vraiment furieux du Pie, le premier aussi qui divisa Frampton et Marriott. Et cela s’entend.
Rappelons les faits : Peter Frampton, lassé de son combo pop The Herd, veut fonder un vrai groupe de rock. Il demande à son copain de charts Steve Marriott, leader des Small Faces, le nom d’un batteur digne de ce nom, aussi bon que Kenney Jones, le batteur des Faces.
Marriott lui dégote un jeune homme de 16 ans du nom de Jerry Shirley, puis, excédé par les arnaques de business et sa réputation de chanteur pour gamines, il se sauve des Small Faces pour rejoindre Frampton. Vous ajoutez à cette fine équipe le bassiste de Spooky Tooth Greg Ridley, et vous obtenez l’un des meilleurs groupes de rock du monde.
Rapidement étiqueté supergroupe à l’époque des Blind Faith, Led Zeppelin et autres Cream, vous avez une idée du ramdam. Les deux premiers albums du Pie sortent en 1969 sur le label Immediate, et bien qu’ils soient très bons, ils ne trouvent pas le succès escompté. Vous ajoutez à cela une tournée américaine catastrophique en première partie de Santana, et en rentrant, le label Immediate en faillite, et vous obtenez un groupe au bord de la rupture et sans un sou.
C’est le nouveau manager Dee Anthony qui permet au Pie de revoir le jour : le gang signe chez A&M, et ce nouveau disques ort quelques mois plus tard. Au niveau direction artistique, Humble Pie est divisé entre les aspirations blues lourd et soul de Marriott, et l’influence rock californien de Frampton. Anthony, qui encourage le Pie à tourner aux US pour percer et s’imposer, soutient Marriott. Le rock lourd est alors en pleine explosion outre-Atlantique avec les cartons de Led Zeppelin, Deep Purple, Black Sabbath, et autres Cactus et Mountain. Pas étonnant donc que ce troisième disque soit très blues, l’option étant également partagée par Ridley et Shirley, amateurs de décibels.
Pourtant, « Humble Pie » reste un disque fin, puissant par sa virtuosité émotionnelle. Ainsi, dés le long et intense blues « Live With Me », on est saisi à la gorge. Sur fond d’orgue Hammond, Marriott déchire l’âme de l’auditeur imprudent de sa voix de loup en cage. Il partage le chant avec un Frampton à la voix plus rauque qui apporte une couleur plus chaude et sensuelle, contrebalançant avec la colère sourde et désespérée de Marriott. Les chorus du même Peter sont également à signaler, l’homme bousculant le tapis d’orgue de notes lourdes et jazzy. J’ai dû écouter ce titre des dizaines de fois s’en m’en lasser une seule seconde. Rien que la voix de Marriott me colle le frisson.
La suite du disque voit la dualité des influences : un titre électrique, un titre acoustique. Les titres acoustiques « Earth And Water » et « Theme from Skint » sont un peu le point faible de cet album : trop marqués par les influences Crosby-Stills And Nash, Neil Young, ou Byrds, ils manquent de personnalité. Ce n’est assurément pas le cas de la partie électrique, à savoir le boogie tonitruant «One-Eye Trouser-Snake Rumba » (ah ! ce titre de chanson !) sur laquelle Ridley, Frampton, et Marriott alternent le chant avec un égal brio, la reprise réarrangée type bombardier de Willie Dixon « I’m Ready », et le surpuissant « Red Hot Light Mama ». Ce dernier titre est tout simplement le meilleur morceau de heavy-blues jamais enregistré, propulsé par un riff lourd, une rythmique mid-tempo implacable, et cette putain de voix hurlant à la mort. Vous ajoutez un solo inspiré de Frampton, et celui d’harmonica de Marriott, et vous obtenez la quintessence de ce que devrait toujours être le bon rock’n’roll sauvage et rebelle. Le disque s’achève sur la meilleure pièce acoustique du disque, « Sucking On The Sweet Wine, chanté par Ridley. On ne dira jamais assez combien ce bonhomme, en plus d’être un bassiste fabuleux, était un très bon chanteur, à la voix rocailleuse et chaude, bien que fragile.
Pour finir cette chronique, je ne peux résister à l’envie de vous narrer l’anecdote lors de l’achat de ce disque en vinyl. « Humble Pie » fut mon dernier album du Pie qui manquait à ma collection. Je le trouvai dans une foire aux disques au milieu des bacs à soldes, croisant injustement le fer avec moult Michel Sardou et Julio Iglesias. Dans sa superbe pochette gaufrée, il trônait dans le bac. Il était en bon état, seule une signature au feutre vert tâchait la pochette, mais cela ne me dérangea pas, car je l’achetai une poignée de francs. Je négociai même le prix avec le vendeur, étant donné que cette inscription, qui me parut être le vulgaire nom de l’ancien propriétaire (pratique courante chez les propriétaires de disques vinyls ), devait bien s’en aller avec un peu de détachant.
Assis à la terrasse d’un café, je me décidai à contempler mon achat, et par curiosité, je regardai le nom inscrit en vert. C’est là que le verre, la table et la chaise volèrent, tandis que j’entamai une danse de la pluie sur la terrasse devant des passants médusés. L’inscription n’était pas celle de l’ancien propriétaire, mais celle de… Steve Marriott lui-même, qui avait dédicacé le disque. Lui, Steve, mon héros, avait signé cet album, qui plus est, un de leur meilleur. Depuis, je conserve précieusement ce disque, sommet miraculeux de ma collection. Et en écoutant cet album, j’ai parfois l’impression que Steve est là, tout près, et qu’il chante pour moi.
tous droits réservés
6 commentaires:
Salut,
Je viens de lire ton article et j'aime vraiment beaucoup. Je connaissais le groupe, mais pas aussi bien que toi. Tes propos sont justes et bien documentés, où as-tu dénichés toutes ces infos?
A bientôt de te lire.
Cordialement,
Jean-Michel
petit message pour te dire que effectivement humble pie etait un sacre groupe de rock !!! deuxiement que j'ai pris quelques cliches de skynyrd lors de leur passage en juin a paris !!! si tu veux quelques photos tu peux les prendre direct de mon blog dans mes concerts !!! a+ et bonnes vacances.
Merci à toi Jean-Michel. Toutes ce sinfos, je les ai glané au fur et à mesure de mes lectures, étant fan du Pie et de Steve Marriott depuis presque quinze ans. Il y eut un excellent site sur le Pie il y a presque dix ans de cela, très complet, mais il a fermé. Le nouveau n'est pas mal, mais moins complet.
Je vois que le concert de Skynyrd a été bon. mais le père Rossington doit se sentir seul, maintenant qu'il est le dernier membre original encore vivant. Cela me fout toujours un coup quand ce genre de musicien meurt, bien que leur mode de vie passé a largement contribué à raccourcir leur espérance de vie. Par contre, comme disait Pierre Desproges, quand Michael Jackson est mort, j'ai reprise deux fois des moules.
Avec plaisir.
Quand quelque chose te plait, il faut le dire...
Sinon, dans les 70's il y avait aussi des combos comme : Pretty-Thigs, Wisbone-Ash ou bien encore Quicksilver Messenger Service (avec Cippolina). Ca avoinait bien aussi et il me revient à l'esprit que d'autres comme Franck-Marino & the Mhoganny-Rush, Mountain, Cactus etc...
C'était une époque prolifique et riche en musique rock.
Je n'irais pas jusqu'à dire que c'était l'bon temps, mais...
Amicalement,
Jean-Michel
Bonjour Budgie,
Hier dimanche, j'ai commandé L'album CD éponyme d'Humble Pie sur Amazon, celui qui est en photo à la fin de ton article. Line-up de 70 : Steve-MARRIOTT, Peter-FRAMPTON, Greg-RIDLEY & Jerry-SHIRLEY pour un blues-rock très "rentre-dedans" et des compos hyper léchées. J'ai hâte de le recevoir et de l'écouter. Prochain sur la liste : Rock-on ( réalisation majeure du groupe ).
Amicalement,
Jean-Michel
Merci d'avoir un blog interessant
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