lundi 20 juillet 2009

SOFT MACHINE 1975

"J’aime profondément ce jazz-rock instrumental, riche qui laisse divaguer les émotions sur un océan de notes. "

SOFT MACHINE « British Tour 1975 »

Dans l’histoire des grands groupes mythiques, j’aime à fouiner dans les recoins les plus sombres de leurs histoires. Ainsi, je ne peux résister à écouter des enregistrements considérés comme mineurs, voire mauvais, et de parfois découvrir des pépites.
Pour le commun de la critique de bon goût, la musique intéressante de Soft Machine s’est arrêté avec le licenciement sec de Robert Wyatt, le batteur-chanteur d’origine, cloué dans un fauteuil roulant depuis 1973.
Dés le « IV », le quatuor mythique du « Three » de 1970 s’oriente vers un son plus jazz-rock. Wyatt, encore présent, ne chante déjà plus une note. Puis, avec l’arrivée de John Marshall à la batterie, et de Karl Jenkins aux claviers, Soft Machine plonge dans un jazz-rock sérieux et cérébral, loin de l’humour et de la douce folie des trois premiers disques. A partir de là, donc, leur musique est considérée comme stérile et chiante.
C’est au détour d’un bac à disques que j’ai aperçu ce live. J’ai résisté quelques jours, convaincu que si le groupe est devenu chiant en 1971, alors en 1975 ! Pfff… Et puis j’ai craqué. Première appréhension, ce disque de 2006 est-il bon soniquement parlant ? Car la discographie de Soft Machine est jalonnée ces dernières années de lives au son pas toujours très honnête.
Premier constat, le son est bon, même très bon, car capturé par une radio. Ensuite, je découvris un groupe d’une incroyable vivacité, proposant une musique certes complexe, mais aucun cas dépourvu d’inspiration. Le groupe s’est entre-temps adjoint Roy Babbington en 1973 en remplacement de Hugh Hopper à la basse 6 cordes, et John Etheridge à la guitare.
Cet enregistrement, daté du 11 octobre 1975, et capturé sur la plus importante tournée de Soft Machine depuis quelques années, est brillant, magique. J’aime profondément ce jazz-rock instrumental, riche qui laisse divaguer les émotions sur un océan de notes. Celui de Mahavishnu Orchestra, Gong, et bien sûr, Soft Machine.
Dés « Bundles », on pénètre sur un rivage étrange, jazz certes, mais avec un profond sens de la mélodie, et une ténacité rythmique très rock. L’ensemble des morceaux est enchaîné, et les musiciens ne s’encombrent pas de bla-bla : la musique avant tout.
On assiste donc à une odyssée musicale de une heure et quart, impeccable, oscillant entre le lourd et menaçant « Land Of The Bag Snake », le minéral et cristallin « Out Of Season », emplie de cette mélancolie incroyable qui prend aux tripes, et l’électricité puissante de « Ban-Ban Caliban ». Il y a bien sûr la longue suite « Hazard Profile », audacieuse pièce alternant les plans d’ambiance, comme la musique d’un film imaginaire, celui de nos vies.
Seul l’instrumental de Karl Jenkins, « JVH », entièrement au synthé première génération, se révèle longuet, et casse un peu la dynamique de l’ensemble. Mais on ne décroche pas vraiment de ce magma sonore étourdissant, se laissant bercer aux rythmes des toms de Marshall et de la basse épaisse et ronde de Babbington, et flottant sur les nappes de claviers de Jenkins et de Ratledge. Ce live sera par ailleurs l’un des derniers enregistrmeent de Mike Ratledge, dernier membre fondateur, et dont l’orgue Hammond trafiqué reste la marque de fabrique du son Soft Machine. Et puis il y a les soli de Etheridge, jeune prodige de la guitare jazz, qui envole les morceaux vers des sommets, portés par un impeccable tapis rythmique et sonore. Il n’a alors qu’à enluminer les mélodies de ses notes graciles.
Et puis bien sûr, il y a cette expérience personnelle, celle que vous vivrez à l’écoute de ce disque. C’est cette plongé dans les tréfonds de l’âme, passant des joies aux peines, de la mélancolie à l’espoir. Et puis il y a ces images toutes personnelles, celles de nos vies, de nos souvenirs, bons ou mauvais. Car c’est tout cela que remue la musique de Soft Machine circa 1975. C’est une expérience quasi mystique, après être une immense jouissance sonore.
Et comme une liqueur de jouvence, on se retrouve presque purifié de ces soucis, de ce mal-être, des notes de musique électrique plein la tête. Et les paysages sont plus beaux, et la vie un peu moins moche.
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