mercredi 11 mars 2009

DIRE STRAITS

"Jamais un groupe n’aura autant fait corps avec le groove, plongeant tête baissée pour en décocher des soli à la fois émotionnels et vicieux."

DIRE STRAITS : « Angels On A Saturday Night » Live 1978

J’allume ma pipe. Il fait froid. Je prend ma voiture pour partir au travail. D’habitude, je ne fume jamais dés le matin, mais là, une brume intérieure m’appelle. Ce sera encore une journée comme les autres, ni vraiment pourrie, ni vraiment formidable. Ce sera une journée de boulot comme les autres, avec des collègues de bureau cons et mesquins. Ce sera une journée parsemée de coups de fil exaspérants, entre les incapables congénitaux du bureau et les appels de centraux commerciaux bidons à la maison qui ne savent ni parler français, ni qui vous êtes. Pauvres gens, victimes inertes d’un système qui sait réduire des masses à l’état de moutons, jouant sur l’instinct de survie de l’homme.
L’autoroute défile. On est dans la vallée, et lorsque l’on est un touriste, c’est beau. J’ai fini par oublier cet aspect, pour me dire que ce matin, j’ai besoin de rock’n’roll. Mais quelque chose qui soit un retour aux sources. Au blues, au funk, à la country, au rock’n’roll.
Et puis à ma jeunesse. Enfin, à mon enfance, parce que bon, enfin quand même, j’ai 29 ans les filles. Mon premier choc rock fut Telephone en 1984 avec « Un Autre Monde ». le second fut « Brothers In Arms » de Dire Straits. Pour « Money For Nothing » et LE riff, et puis la chanson « Brothers In Arms ». depuis, je n’ai pas changé d’avis. J’avais 6 ans.
Entre temps j’ai acheté leurs albums, en cassettes. Et mon préféré fut à jamais le premier. Quel disque ! Il y avait à la fois ce blues que je ne connaissais pas, et puis ce côté amateur, rugueux, noir comme ces cités de banlieue. Je n’y connaissais rien, à la condition ouvrière et à la grande ville, moi, gamin de la campagne et fils d’enseignants. Mais je savais que ma sœur ne sentait pas les choses comme moi, ma mère n’aimait pas la musique, et mon père était plus jazz et blues (merci papa).
J’avais donc neuf ans, et j’écoutais le premier disque de Dire Straits de 1978, alors que mes copains écoutaient les Musclés et Dorothée. Bon sang, que j’ai aimé « Setting me Up », « Southbound Again », « Sultans Of Swing », « Water Of Love » et puis surtout « In The Gallery ». Ce funk brûlant, ces chorus corrosifs, cette voix rugueuse. Ce côté au-delà des modes. J’ai tellement écouté ce groupe, tout ce qu’il sortit, que depuis 1993, je n’écoute plus rien. Pourtant, je n’aime guère Mark Knopfler en solo. Il m’emmerde. C’est trop country. En 1978, c’était un génie. Jusqu’à, disons, 1982, avec le live « Alchemy », impeccable. Les quatre premiers disques de Dire Straits sont des chef d’œuvre, point. On va pas discuter, parce que vous allez me coller The Cure, The Police, ou U2, mais aucun n’a été foutu d’aligner un disque complet totalement impeccable. Ce sont juste des boîtes à simples. Leurs albums ne sont pas parfaits. Dire Straits, si. Ce sont les Led Zeppelin des 80s niveau écriture. Franchement.

Mais revenons à 1978. Et à cette musique qui ce matin me remue les tripes. Cela fait quelques temps que je découvre des bootlegs d’une qualité formidable. C’est donc en priorité vers les Who, Led Zeppelin, UFO, Thin Lizzy ou ZZ Top que je me suis tourné. Et puis un soir, je tente Dire Straits. Et découvre celui-ci. Un de leur tout premier enregistrement radio, à Leeds, en plus ville symbole, à la Polytechnic University. Il date du 30 janvier 1978, soit 3 mois après la formation du groupe, et 4 mois avant la sortie du premier album. Je lis la set-list : c’est le condensé miraculeux de « Dire Straits » plus quelques chansons restées inédites en studio.
Et je découvre un enregistrement fabuleux. La qualité sonore est bien évidemment formidable étant donné qu’il s’agit d’une prise de son par une radio locale.
Bien que le public soit totalement absent, rendant ce live presque froid, lugubre, la musique de Mark Knopfler et ses boys est brûlante. Le quatuor est brillant, souple, félin. La rythmique de Pick Wither à la batterie et John Illsley à la basse vrombit, sûre et précise. On ne dira jamais combien Withers fut un batteur génial. C’est d’ailleurs après son départ que le groupe perdit un peu de sa substance. Ici, tout s’éclaircit : il est le groove, tout en roulements de toms fins et friselis de cymbales.
Les frères Knopfler, David à la rythmique et Mark à la lead, n’ont plus qu’à dérouler la mélodie. Le frangin David est aussi un sacré maillon dans le groupe. Ses riffs funky, parfois reggae, mais riches en harmoniques, tapissent le mur sonore sur lequel Mark développe ses chorus magiques, tout en picking.
L’unité de Dire Straits est ici sidérante. La précision des interprétations, y compris dans les improvisations, est tout simplement magique.

Tout commence par un Mark Knopfler un peu enroué, qui dit un simple « Hello » sans aucun retour du public. Il le répète, sans succès, avant de se moquer de l’amorphie de l’audience. Puis Dire Straits démarre sur un « Southbound Again » à peine éclos. La rythmique tourne comme une horloge, éblouissant d’étincelles blues et funk le ciel noir de Leeds. Dire Straits est décidément un ovni. En pleine vague Punk, dégainer JJ Cale, Chet Atkins et les Meters, il faut être un brin gonflé, ou inconscient. De toute façon, les boys sont trop vieux pour ces conneries, tous dans leur trentaine.
S’en suit un inédit pour le néophyte : « Eastbound Train », rugueux, galopant comme un vieux train de banlieue au milieu des cheminées d’usine. Et puis, paf, premier classique : « Down On The Waterline ». Tout est là, en place. De l’intro étouffée à la coda en riff inverse.
Et puis, il y a « In The Gallery ». Comme je le disais précédemment, j’adule ce titre. J’aime ce funk boueux, ces arpèges de guitares vicieux, râclant le sapin pour en définir un paysage à la fois triste et totalement révoltant. Ce titre sent la sueur, chaude et froide. Jamais un groupe n’aura autant fait corps avec le groove, plongeant tête baissée pour en décocher des soli à la fois émotionnels et vicieux.
Il fallait bien un « Water of Love » pour faire retomber la tension. Ce titre est étonnant. Il sent le Blues de John Lee Hooker ou de Howlin’ Wolf à plein nez, et pourtant, il y a ces sons presque exotiques qui font de ce blues un truc presque sautillant. Remis dans le contexte, on est quand même dans le Blues du Bayou à Leeds, sur la côte Ouest de la Grande-Bretagne Et franchement, on peut comprendre.
Chet Atkins ? « Setting Me Up », c’est un condensé de ce vieil homme et d’une certaine country, celle de Hank Williams, bien sûr. Mais avec ce côté rock’n’roll typé Carl Perkins qui rend le tout foudroyant. Tout cela pour dire, que la gonzesse, et ben, elle le gave sévère, et que sa valise est déjà sur le palier.
Puis viennent deux titres restés inédits : « Me And My Friends » et « Real Girl ». Ils prouvent une chose : Dire Straits était exigeant. Bien que pas désagréables, ils montrent les tâtonnements et certaines redites de compositions qui font la différence entre une excellente chanson, et une moyenne. A bien y réécouter, des Jason Mraz et autres blaireaux pseudo-funky-ragga aimeraient bien en avoir au moins une comme cela en magasin.
Je m’en fous, ils finissent sur « Sultans Of Swing ». Cette chanson, ne parlent par ailleurs pas d’eux, comme cela fut colporté. A force de lecture, Mark Knopfler imagina la vie sur la route d’un groupe de jazz noir fameux en tournée dans les années 50, les « Sultans Of Swing ». Il y décrit les galères d’un groupe en tournée, et celles d’un groupe noir et anti-conformiste à cette période. C’est avec beaucoup d’intelligence que Mark Knopfler décrit ce parcours entre succès, plaisir de jouer et injustice.

C’est sur cette intense moment de musique et de finesse que se termine cet enregistrement, âpre comme ces rues de briques merdiques symboles de l’étroitesse de la condition ouvrière, et du peu de considération que peuvent avoir ceux qui nous dirigent. Ce live m'a fait replonger dans les quatre premiers disques de Dire Straits. Et particulièrement dans le premier, éponyme, souvenir de jeunesse. Et c'est seulement maintenant à comprendre ce que je ressentis à l'époque à son écoute.
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

comment se fait il que le live alchemy ne sois toujours pas sorti en dvd car je l avais en vhs, avis aux maisons d ' editions !!!!