lundi 23 juin 2008

TRAPEZE

Préambule : Cette chronique est dédiée à Mel Galley. j'ai eu du mal à trouver les mots justes pour cette chronique. J'ai eu le priviliège d'échanger quelques mails avec lui. Il était d'une rare humilité, et d'une gentillesse extraordinaire. Un grand guitariste et compositeur s'éteint dans la douleur, et sa mort lente m'attriste au moins autant que celle de Rory Gallagher. Dors en paix, Mel. Merci pour tout.
TRAPEZE « Medusa » 1971

Je me suis toujours demandé si Mel Galley était un homme heureux ? Voilà en effet un bonhomme qui joua dans deux des plus grands groupes de hard-rock de tous les temps, Trapeze et Whitesnake, composa parmi les meilleurs titres du genre, et apporta à l’aide de son approche de la guitare des éléments rythmiques issus du funk et de la soul qui firent éclore le son métal des années 80.
Pourtant, malgré son pedigree impressionnant, on peut dire aussi que la carrière de Galley est une succession de tuiles hallucinantes. Regardons un peu : Trapeze, dont nous allons approfondir le cas, connaît un succès important aux USA, est sur le point de cartonner internationalement, quand son chanteur-bassiste se sauve pour rejoindre Deep Purple. Manque de bol, il s’agit de Glenn Hughes, rien de moins. Galley réussit à remettre à flot Trapeze, avant que Dave Holland, le batteur attitré du groupe rejoigne Judas Priest en 1979. Nouveau coup dur, qui met un coup d’arrêt au groupe en 1981. Galley retrouve l’espoir en rejoignant Whitesnake alors en pleine ascension, et enregistre avec eux « Slide It In » en 1983, qui est le premier carton US du combo de David Coverdale. Manque de bol, lors de la tournée, John Sykes, l’autre guitariste, lui massacre un bras durant une soirée de beuverie à cause d’une mauvaise chute. La carrière de Galley est alors stoppée nette, et depuis, il se consacre à des travaux de studio, ceux de son frère Tom, Phenomena, et joue quelques concerts, ne pouvant assurer plus du fait des séquelles de sa blessure. Et puis, comble du malheur, l’homme vient d’avouer être atteint d’un cancer en phase terminale, ce qui ne lui laisse que peu de temps à vivre.
Pourtant les débuts de Trapeze étaient prometteur. Commencé en quintet en mars 1969 en Grande-Bretagne, Trapeze est d’abord plutôt psyché brouillon. Le départ du clavier et du trompettiste laisse Trapeze en trio séminal, celui rassemblant Glenn Hughes à la basse et au chant, Mel Galley à la guitare, et Dave Holland à la batterie. L’orientation du groupe va alors vers des horizons plus hard-rock, avec une touche de blues et de soul chère à Hughes et Galley. Le résultat et ce disque, total antipode du premier.
La voix de Hughes s’est maîtrisée, et la guitare de Galley occupe tout l’espace de ses riffs syncopés et hards. Son jeu est unique, loin des stéréotypes bluesy des guitaristes heavy anglais de l’époque. Plus léger, moins gras (quoique), le son de la SG à Galley est électrique, puissant, dépourvu de toute boursouflure superflue. Tout est près de l’os, cathédrale rythmique et soliste vertigineux.
Confortablement calé sur la batterie impressionnante de Holland, dont il ne faudra jamais assez dire qu’il était au niveau de John Bonham, ni plus ni moins, Galley et Hughes délivrent sept merveilles de heavy-rock d’une rare puissance. Des lourd et funky-blues « Black Cloud », « Your Love Is Alright » ou « Touch My Life », aux menaçants et heavy-blues « Seafull » et « Jury », on est dans la musique d’anthologie, ovniesque en ce début d’années 70. On pourrait rapprocher Trapeze de Free pour le côté blues lourd, avec le groove et le feeling de Booker-T And The MGs pour les titres plus enlevés.
Mais l’intégration du son funk-soul est diffus, imprégné dans un son hard-heavy-blues typiquement anglais. Encore une fois, c’est dans la construction des riffs et des soli que l’on retrouve cette influence. Ici, point de cuivres et autres chanteuses gospel. La musique est un trio type Cream baigné dans le Deep South américain.
D’ailleurs, c’est dans ce même Deep South, et au Texas que Trapeze trouvera la gloire, remplissant des salles de 10000 personnes en quelques heures alors que le groupe ne fait que les clubs chez lui en Grande-Bretagne. Cet état de fait poussera le trio à partir aux USA. C’est ce qui expliquera sans doute le son soul beaucoup plus marqué sur le fantastique « You’re The Music…We’re Just The Band ».
Durant ces années, Trapeze bénéficiera du soutien de nombreux musiciens, et notamment John Bonham, qui, en grand fan du groupe, n’hésitait pas à venir jouer en rappel dés que Led Zeppelin était en tournée dans le sud des USA.
Et finalement, on ne se souvient souvent que de ces deux disques avec Glenn Hughes, notamment parce que ce dernier incorpora Deep Purple. Mais c’est oublier le reste de la carrière de Trapeze, qui offrit d’excellents disques, toujours empreints de ce son heavy et de ce funk puissant et rampant qui gonfle les baffles à leur en faire cracher les tweeters.
Tout est bon chez Trapeze, de ce « Medusa » à « Live in Texas – Dead Armadillos » en 1981. Mais si vous voulez commencer par un album, commencez par celui-ci. Car il synthétise l’excellence de ce fabuleux groupe, de la batterie puissante et carrée de Dave Holland, en passant par la basse ronflante et le chant soul de Hughes. Et puis il y a cette guitare exceptionnelle, totalement originale, synthétisant, je le répète, par un prodigieux miracle deux sons totalement antagonistes : le son lourd et pesant du heavy-rock avec le groove du funk et de la soul.
Alors oui, Mel Galley peut partir en paix. Qu’il sache que sa musique est exceptionnelle, qu’il a su, dans l’ombre des géants du hard-rock, imposer une patte inimitable qui fait encore fantasmer les Red Hot Chili Peppers. Qu’il sache enfin qu’il est un des jalons musicaux primordiaux du 20ème siècle, et qu’inconsciemment, vous avez déjà tous rêvé d’écouter telle synthèse musicale. Et Mel Galley vous l’offre sur un plateau d’argent.
Un petit lien juste pour vous faire une idée de son talent. C'est à Castle Donington, avec Whitesnake en 1983 : http://fr.youtube.com/watch?v=cr3rnNJ_MCA&feature=related
Et ça, c'est Glenn Hughes qui joue en 2004 "Medusa" :http://fr.youtube.com/watch?v=rsl_ScR6ZUk
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mardi 17 juin 2008

FIREBIRD

PREAMBULE : De nombreuses questions se posent sur ce blog. Je voudrais juste vous dire que je suis un fan des 70s mais voilà, j'aime le heavy-metal stoner. J'aime Brant Bjork, j'aime High On Fire, j'aime Electric Wizard, Sleep et bien d'autres. Mais voilà, je n'ai la place pour tout. Je ne fais que mon possible pour vous faire découvrir les meilleurs disques.


FIREBIRD « n°3 » 2003

Un jour, l’espoir vint du froid. Comme la gauche française, il se bat pour la cause rock dans un monde réactionnaire et conformiste. Et en 2003, il se retrouve seul. Bill Steer, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est un guitariste britannique dont le passé ne vibre pas vraiment au son du blues.
Le garçon fut en effet le pilier de deux des principaux groupes de death-metal –grindcore de l’histoire, à savoir Napalm Death, et surtout Carcass. Riffs métalliques, soli à deux cent à l’heure et grognements d’homme de Cro-Magnon vomissant des textes faits de chirurgie glauque, de bains de sang et de massacres en tout genre, voilà l’univers de Bill Steer jusqu’au milieu des années 90.
Et puis, Steer se lasse. Peu à peu, il se rapproche du passé musical de son pays : Free, Humble Pie, Led Zeppelin, Rory Gallagher, mais aussi quelques américains glorieux comme Ted Nugent, Mountain ou Cactus. Le dernier album de Carcass, alors que la séparation est déjà consommée, « Swan Song » a alors de forts relents de heavy-blues anglais, que seuls les réflexes métalliques et le chant ramène au monde death.
Dés lors, Steer s’enfuit vers des horizons 70’s rêvés. A partir de ce jus miraculeux, il y aura la formation de Firebird en 1999, et la sortie d’un premier disque en 2000. En format power-trio, il dévoile un heavy-blues, synthèse de ces influences 70’s, déjà très inspiré. Bien sûr, il n’y a rien de très révolutionnaire là-dedans, juste du feeling et du plaisir de jouer. Mais il y a aussi de la tripe, et une incroyable hargne bien rare ces jours-ci. Car bien que les instruments et le matériel soient vintage, le son reste live et puissant, avec un style de guitare unique et cette voix claire, presque fragile.
J’aime tous les albums de Firebird, mais j’ai toujours eu une immense sympathie pour le troisième, ce « n°3 ». En 2003, Steer se retrouve seul, donc. Son groupe éclate : Leo Smee, bassiste de Cathedral, et Ludwig Witt, batteur de Spiritual Beggars, partent retrouver leurs groupes respectifs. Firebird a d’ailleurs peu tourné à cause des emplois du temps chargés des deux musiciens.
Steer réunit donc autour de lui Roger Nilsson à la basse, et Jolle Atlagic à la batterie, tous deux issus du groupe suédois The Quill. Le nouveau trio enregistre rapidement ce troisième album, d’une très grande classe. Car Steer sait manier les ambiances, entre heavy-rock percutant avec les puissants « Cross The Line » qui fait l’ouverture, ou le titanesque et funk lourd « Believer ». Mais il y a aussi de superbes pièces de blues mélodique, à l’instar du poignant « Friend », ou de ma chanson préférée de Firebird, « Station ». Superbement réhaussée de piano électrique, cette complainte du mec seul sur le quai d’une gare prend des allures de voyage initiatique, arrachant l’eau des yeux par les superbes arpèges qui clôt le titre.
On pourra toujours se demander l’intérêt d’un tel disque, l’absence total de modernité, voir critiquer le côté passéiste de la chose. Mais tout cela tombe bien vite devant l’inepte du rock moderne, et l’efficacité de la musique de Firebird. Car il n’est ici question que de rock’n’roll, et de rien d’autre. Et cela, c’est rare par les temps qui courent, voire salvateur. Car finalement, ce disque n’est rien d’autre que l’enregistrement de trois musiciens doués et inspirés, jouant des chansons accrocheuses et mélodiques. C’est en fait ce retour aux sources, cette simplicité, cette authenticité dans l’approche qui fait de ce disque et de Firebird le plus digne représentant du rock, et ils deviennent rares.


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lundi 16 juin 2008

Led Zeppelin II


LED ZEPPELIN : "II" 1969

Je revenais à pied du centre-ville d’Albi. Depuis l’âge de six ans, j’avais avoué une préférence marquée pour le Rock. Ma sœur, de six ans mon aînée, m’avait fait découvert Téléphone, Police. En fouillant par moi-même, je découvris les Beatles, les Rolling Stones ou Jimi Hendrix. Mais ma première grande révélation fut les Who, notamment avec le « Live At Leeds ». Ce son heavy, lourd, bluesy me défonça les neurones pendant de longs mois.
Mon second choc musical, je m’apprêtais à le recevoir ce samedi-soir là. Je rentrais donc de mon magasin de disques favori. Nous étions en septembre, le temps était maussade, et la nuit tombait. Depuis quelques semaines, j’étais habité d’une colère sourde. Mers parents avaient décidé de déménager à Albi afin de quitter le Jura où j’étais né. Chacun a ses raisons, toujours est-il que je quittai la campagne et mes amis pour me retrouver dans un centre-ville nauséabond, et un état d’esprit bien loin de la réserve un peu frustre des Jurassiens. La mentalité albigeoise me choqua profondément : hâbleur, prétentieuse, faux-cul… Tout me traversa l’esprit. J’avais bien du mal à me faire des amis, car je n’avais rien à partager avec mes camarades. Ils aimaient draguer les minettes, parler cul et mobylettes, écouter de la Dance, et fumer des clopes dans le préau. J’aimais la campagne, la bande-dessinée, les voitures de rallyes et le Rock’N’Roll. En fait, le cul aussi, mais j’étais trop timide pour m’approcher de ces êtres inconnus.
Peu à peu, je perdis mon intérêt pour ce que j’aimais auparavant, sans doute aidé en cela par mon adolescence (j’avais quatorze ans), et je me plongeai à corps perdu dans la musique.
Depuis quelques temps déjà, je lisais des journaux et des livres sur l’histoire du Rock, et un nom revenait régulièrement : Led Zeppelin. Ils étaient les inventeurs du Hard-Rock. Or pour moi, le Hard-Rock, c’était une bande de chevelus crétins sans aucun sens de la mélodie. Pour moi, c’était Metallica, c’est-à-dire un des groupes préférés de mes camarades de classe (« Nothing Else Matter » faisait un tabac sur Fun Radio).
Malgré cela, rongé par une curiosité débordante, je me décidai à franchir le pas. Je réunis alors les cent francs nécessaire à l’album, et je choisis le « II » de Led Zeppelin.
Rentrer chez moi, j’enlevai la cellophane, et posai le cd sur ma platine. J’entendis un type tousser (Robert Plant), et une guitare lourde gronder (celle de Jimmy Page ). « Whole Lotta Love ». Et puis il y a cette voix incroyable qui se mit à rugir : « You need cooooooooolll mmmmmmaaaaaattte… ». Je restai pantois, scotché au sol. Tout dans ce groupe était bon, magique, incroyable de concision. Autant les Who font preuve d’unité, mais joue souvent en lead chacun de leur côté, autant Led Zeppelin apporte son talent instrumental pour assurer une fusion presque cosmique. C’est grand, c’est beau, c’est du Heavy-Blues. Je resterai à écouter « Whole Lotta Love » pendant trois jours avant de passer à la suivante. Le reste de l’album me procurera bien évidemment autant de plaisir.
Bien sûr, ma rage intérieure m’orienta vers les titres les plus lourds, les « Lemon Song », « Heartbreaker », ou « Bring It On Home ». Maiss peu à peu, j’ai découvert l’autre facette du Zep : ces titres lents qui montent en puissance pour éclater dans un maëlstrom de décibels intersidérals. Je fus donc émerveillé par les « Thank You », « Ramble On », ou le somptueux « What Is And What Should Never Be ».
Led Zeppelin devint donc mon second groupe de chevet. Je me procurai rapidement les autres albums, et ne m’en remis jamais. Il y avait pourtant longtemps que je n’avais pas réécouter ce « II ». sans doute est-ce parce que je l’ai trop écouter, ou tout simplement parce qu’il cristallise ces souvenirs douloureux. A moins qu’il représente une force intacte, intouchable, celle qui me permit de me démarquer de mes camarades, et de ne pas hésiter à leur dire merde. Que je n’étais pas un imbécile parce que je ne faisais pas comme eux, et que l’on pouvait s’amuser autrement. Quant au sexe, ce disque me dévoila une énergie folle. Et que l’on n’avait pas tout le temps à parler comme un niais à une gonzesse, qu’on pouvait également lui raconter des choses vicelardes et ouvertement sexuelles avec une élégance folle. Je me rendis également compte plus tard que je n’avais ni la voix, ni le physique de Robert Plant. Toujours est-il que ce disque fut le point de départ de ma passion pour le Hard Rock’N’Roll, et que j’étais maintenant définitivement infecté. Et que plus jamais je ne serai comme avant, parce que comme une pucelle, j’avais perdu mon innocence. Et que la seule beauté que je continuerai à admirer, c’est celle de cette musique.
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lundi 9 juin 2008

THE ALLMAN BROTHERS BAND

THE ALLMAN BROTHERS BAND “At Fillmore East” 1971

Entre la courte période 1967 et disons 1972, il y eut, d’une part, une fantastique revolution de la musique pop, qui vit éclore bon nombre de trésors de l’histoire du Rock. Et puis d’autre part, cette période fut celle bénie des jam-bands. Ce terme recouvre en fait tous les groupes qui se lançaient dans des improvisations musicales de plusieurs minutes, voire plusieurs dizaines de minutes, devant un public attentif et réceptif.
Tous issus de la période hippie, qui explosa tant les carcans sociaux que musicaux, il n’est guère étonnant de constater qu’ils sont essentiellement américains. Mais cela est très restrictif, car on peut tout de même ajouter des formations comme Man, ou certaines formations progressives, comme King Crimson et Yes.
Mais il y a un autre élément à prendre en compte, musicalement parlant : ce sont les racines. Car la plupart des jam-bands, que ce soit Grateful Dead, Little Feat, ou bien Allman Brothers Band, ont les deux pieds dans le blues.
Pour ce qui est de l’ABB, on est largement dans le blues, puisque le groupe n’est pas issu de San Francisco, mais de Macon, en Géorgie. On est donc dans le Deep South, c’est-à-dire dans le berceau du blues et du rock sudiste, dont le ABB n’est ni plus ni moins que l’inventeur.
Mais sa musique n’est pas que blues. Elle est en fait le fabuleux mélange de blues, de rock psychédélique, de jazz, et de soul. Et si ses deux premiers disques sont excellents, il faudra vous saisir de ce fabuleux live pour bien comprendre toute la portée géniale de ce sextet. Car si le format du disque studio oblige à une certaine rigueur, là, on abandonne la structure classique pour se plonger corps et âme dans la musique. Chaque titre n’est que prétexte à improvisation. Il faut dire que le groupe est bien équipé : Dickey Betts et Duane Allman aux guitares, Gregg Allman aux claviers, Berry Oakley à la basse, et pas moins de deux batteurs, Butch Trucks et Jai Johanny Johnson. Il faut par ailleurs préciser que ABB fut l’un des premiers groupes multiraciaux avec Love, puisque Johnson est noir.
Une chose est sûr, c’est que ça groove grave, comme on dit chez les jeunes. Ou plutôt, le feeling, le rythme, les soli, tout n’est que plaisir de jouer, coups de génie instantanés. Duane Allman et Dickie Betts se permettent d’inventer les twin-guitars que pomperont pêle-mêle Wishbone Ash, Thin Lizzy ou Iron Maiden.
Et justement, c’est bien là l’originalité du ABB. Au-delà du jam-band blues, il éclate le carcan pour délirer vers le psychédélisme, et installe des climats planants et progressifs, comme sur le magnifique « In Memory Of Elizabeth Reed », ou « Mountain Jam », ajoutée sur le cd bonus de la Deluxe Edition, et disponible durant de longues années sur « Eat A Peach ». Il est finalement assez difficile de faire ressortir un titre plus qu’un autre. L’ensemble est d’une cohérence rare, puissant, servi par des musiciens parfaitement en phase, d’une cohésion peu commune. Souvent, le jam-band sert la soupe à un leader instrumental, le guitariste le plus souvent. Si ABB est avant tout un groupe à guitare, il ne laisse personne en rade, laissant les percussions s’exprimer. La voix chaude de Gregg Allman survole l’ensemble brillamment, apportant une couleur soul à cette mixture magique. Il se dégage de tout cela une sensation de bien-être, de voyage, de ballade les mains dans les poches, la tête dans des rêves et des fantasmes. Et malgré la mort de Duane Allman peu de temps après la sortie de ce live dans un accident de moto, le ABB restera un grand groupe, même si la petite touche de génie de Duane fit retomber d’un cran l’ensemble, notamment par la disparition du jeu de slide qui fit rêver Clapton.
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vendredi 6 juin 2008

BLUE CHEER

BLUE CHEER : “Outside Inside” 1968

Des fleurs pleins les cheveux, l’Amérique branchée et militante s’en va rejoindre Haight Ashbury sur les hauteurs de San Francisco. Dick Peterson, Paul Whaley et Leigh Stephens y vont aussi. Ils partent de Detroit, leur ville d’origine, pour tenter leur chance là où tout se passe, musicalement parlant. Sauf que ces trois-là sont loin d’être peace and love. Fans de grosses cylindrées et de Cream côté live, ils ont formé un power-trio du nom de Blues Cheer début 1967 dans la banlieue ouest de la Motor-City.
Aussi, lorsqu’ils lâchent les décibels dans les clubs de Frisco, le mauvais trip n’est pas loin. Ici, pas question de longues improvisations planantes. Pas aussi virtuose que Cream, dont ils tentent de reproduire le heavy-blues psychédélique, ils compensent par un volume sonore effroyable. Matraquant des riffs d’une violence inouïe, ils fracassent sur les rochers de la Bay Area des standards de Blues comme « Parchman Farm » de Mose Allison, « Rock Me Baby » de BB King, ou encore « Summertime Blues » d’Eddy Cochran, leur futur tube. Le premier album, « Vincebus Eruptum », sorti en février 1968, est un véritable brûlot chauffé à blanc : la rythmique matraque dans un fracas de cymbales, de basse saturée jouée au médiator, et de guitare hallucinée, grasse et rugueuse, celle de Stephens. « Outside Inside » sortira 6 mois plus tard. Dans l’intervalle, Blue Cheer est devenu le chéri des Bikers en général, et de Janis Joplin en particulier.
Pour ce second disque, le groupe commence à répéter en studio afin de conserver le son live. Mais le volume sonore est tel qu’il est impossible d’enregistrer sans faire saturer le matériel. D’autre part, l’immeuble complet veut porter plainte : les groupes hippies sont peut-être stone, mais jouent moins fort. Stones également, les Blue Cheer refusent de baisser le volume. Ils enregistreront donc dehors, sur le toit de l’immeuble !
Pourtant, malgré les conditions, le groupe va réussir à dompter son énergie pour offrir un disque tout simplement impeccable. Le premier titre « Big And Feather Trees », pourtant, déroute : calme, mélodique, on se dit que Blue Cheer a viré de bord. Mais à partir de « Sun Cycle », un heavy-blues brûlant qui monte progressivement en température, on retrouve le son caractéristique de guitare. La suite, n’est que fracas de toms et de guitares : « Just A Little Bit » et ses roulements de batterie cataclysmiques, « Come And Get It », et son attaque de bulldozer. Il faut d’ailleurs ajouter un mot concernant le jeu de batterie de Paul Whaley . Ses roulements de fûts semblent hésitants, maladroits, mais toujours juste, et sa rythmique est l’une des plus lourdes et percutantes de l’histoire du Heavy-Rock. Dick Peterson n’a plus qu’à lier la batterie et la guitare avec sa basse distordue.
Deux reprises sont également au menu : « Satisfaction » des Stones dans une version décomposée et resoudée, et « The Hunter » d’Albert King et Booker T-Jones, ici particulièrement brutale.
Le disque se termine sur un fantastique « Babylon », cathédrale de riffs lysergiques et de soli vertigineux. La suite sera définitivement moins Heavy avec le départ de Stephens. Les autres albums sont pourtant fort intéressants, mais une partie de la personnalité de Blue Cheer a disparu. Ils ne reviendront au Heavy-Metal qu’en 1984, de manière pas toujours inspirée. Mais le live de 1999, « Hello Tokyo, By Bye Osaka » est purement et simplement dévastateur. Caucasian Blues.
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