"Le jeu de Graham, précis, inspiré, emporte l'auditeur dans les époques, les lieux et les sentiments."
DAVY GRAHAM « large As Life And Twice As Natural” 1969
Parce que ce genre de disques existe, je continuerai à aimer la musique rock au sens large. Davy Graham fait partie de ces artistes méconnus du grand public dont le talent n’a aucune limite.
Il est de ces illuminés merveilleux du Folk-Blues, les John Fahey, Bert Jansch, ou John Renbourn qui par une démarche totalement personnelle, réussir à créer un univers sonique incroyablement riche.
Il reste que Graham débuta sa carrière à la fin des années 50 dans les clubs de folk en Grande-Bretagne. Il côtoie Cyril Davies ou Alexis Corner, mais son approche purement acoustique le différencie de ses pairs du British Blues-Boom. D’autre part, Graham est un virtuose de la guitare, dont le spectre musical ne se limite au Blues pur. Rapidement, des éléments de musiques celtique et médiévale, de jazz, ou de musiques indienne et arabe imprègnent ses mélodies.
C’est notamment lui qui influencera grandement Jimmy Page pour les titres acoustiques : « Black Mountain Side » sur le « I » ou l’instrumental de concert « White Summer » ne sont rien d’autres que des assemblages de reprises de Graham.
Au milieu des années 60, il connaît un certain succès surfant sur la vague du folk avec Donovan, Bob Dylan, et autres Fairport Convention. Avec l’arrivée du psychédélisme, Graham intègre d’autres instruments à sa musique, et sa démarche aboutit à ce disque.
Nous sommes en 1969, et Albion danse encore sur le heavy-blues et les prémices du rock progressif que sont Atomic Rooster et Colosseum. Or, il se trouve que Graham connaît bien deux d’entre eux : Jon Hiseman, et Dick Heckstall-Smith, respectivement batteur et saxophoniste de Colosseum. Il s’adjoint également le futur contrebassiste de John Martyn, Danny Thompson.
La petite équipe enregistre alors un fantastique album que voici. C’est en fait un voyage de continent en continent. Dés l’intro arabisante de « Both Sides Now », on comprend que l’on a pas affaire à du folk-blues classique. D’autant plus que le titre plonge tête baissée dans une mixture de jazz et de blues irrésistible. Hiseman fait claquer ses cymbales et ses balais sur la peau de la caisse claire. La voix de Graham, douce et fragile, chante une ballade superbe et rythmée, comme un appel au voyage. Et celui-ci ne sera que rencontre, quartier embrumé de Chicago, et errance dans le désert de Tunisie, cigarette sur un quai de gare de Manchester et douce promenade dans la campagne anglaise.
Les instrumentaux sont à eux seuls de superbes exemples de déambulations musicales. Le jeu de Graham, précis, inspiré, emporte l’auditeur dans les époques, les lieux et les sentiments. On reste admiratif devant un tel feeling, et en même temps, on se sent envahir par une folle sensation de bien-être. Les accords qu’il égrène virevolte entre blues et musique indienne avec une facilité et un naturel déconcertant. Les « Sunshine raga » et « Blue Raga » sont de superbes pièces de musique, dont on se lasse pas, tant il y a à découvrir.
Mais il y a aussi des choses plus simples, mais tellement efficace, comme ce superbe « Freight Train Blues », vrai blues brut, mais avec cette touche folk anglaise qui magnifie le titre, et les roulements de tom bass de Hiseman. Il y a aussi ces superbes chansons folk : « Babe, It Ain’t No Lie », ou « Beautiful City », aux mélodies fragiles et magnifiées par de subtiles touches jazzy.
J’ai parfois du mal à décrire réellement ce que ce disque fait vivre, fait ressentir. Il est difficile de décrire un voyage intérieur, où chaque sensation est personnelle. Mais force est de constater que ce disque est ce que l’on peut appeler un beau disque, fin et riche aux incroyables qualités musicales.
Cela n’empêchera pas Graham, à l’instar de Renbourn, Jansch ou Fahey, de progressivement disparaître de l’horizon musical au cours des années 70. Il y a peu, il a enregistré un nouvel album, son premier depuis presque trente ans. Et vous savez quoi ? Il y a des gens qui ont vraiment du talent.
tous droits réservés
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire