mercredi 9 juillet 2008

ERIC CLAPTON

ERIC CLAPTON « Derek And The Dominos Live At The Fillmore » 1971 + « Rainbow Concert » 1973

Mais qu’est-ce que l’on peut bien trouver à Eric Clapton ? Voilà en effet un bonhomme dont la musique est largement en-dessous de sa réputation de guitariste. Car finalement, que reste-t-il comme albums légendaires de Clapton ?
Pas grand chose en fait. Ses albums solo avec Phil Collins ? Ceux des années 70 période bibine ? Cream ?
Ah oui, peut-être Cream. Parce que le power-trio réussit à faire (un peu) la nique au Jimi Hendrix Experience, et imposa son heavy-blues comme les bases du hard-rock à venir. Mias en studio ? Parce que Cream en studio… Il y a bien « Disreali Gears » en 1967, mais ce sont surtout les enregistrements live qui percutent. C’est là que le talent des trois, et surtout de Clapton, explosa.
Il y a également ce disque avec John Mayall And The Bluesbreakers, sur lequel Clapton gagna ses galons de « God ». mais à part ça ?
Car finalement, il semble que c’est poussé par un groupe qu’il semble s’exprimer le mieux. Un peu comme Jimmy Page. Et c’est aussi son malheur. Souvenez-vous de Phil Collins, encore…
Finalement, si on cherche bien, Clapton n’est qu’un guest de luxe. Ou presque.
Clapton est aussi un homme sensible, dont les émotions ont souvent permis à sa musique de décoller haut.
1969. Cream s’est dissous en novembre 1968. Clapton veut fuir le vedettariat, et se mue en guest de luxe avec Georges Harrison ou dans le groupe de soul-blues Delaney And Bonnie. Il s’y ennuie ferme, et lorsqu’il décide finalement de se remettre à composer, le duo lui signifie un droit de non-recevoir catégorique. Les trois se brouillent, et Eric part former un groupe à lui, dans lequel il serait libre musicalement.
Pour commencer, il attire autour de lui une bande de copains : Carl Radle à la basse, Jim Gordon à la batterie, et Bobby Withlock au piano. Bien évidemment, les trois ne sont pas des débutants. Le quatuor traîne ensuite ses guêtres avec différents musiciens, dont Jimi Hendrix et Duane Allman des Allman Brothers Band, tous deux de proches amis de Clapton.
Psychologiquement parlant, Eric est un homme dévasté. Outre la confusion qui règne dans son esprit concernant sa direction musicale, il est également rongé par un amour impossible. Tombé fou amoureux de Pattie Harrison, la femme de son meilleur ami Georges, il comprend que celle-ci s’est servie de lui pour provoquer une brouille entre elle et son mari. Trompé, meurtri, Clapton plonge dans l’héroïne.
En 1970, le quatuor devenu Derek And The Dominos, enregistre son premier album. Le groupe s’appelle ainsi afin que Clapton reste dans l’anonymat, et que le public apprécie sa musique non grâce à son nom propre, mais grâce à sa qualité. Et « Layla And Other Assorted Love Songs » est un disque brillant. Certes, le studio n’a jamais été le théâtre de prédilection de Clapton, mais les chansons sont d’une grande qualité, notamment le monument « Layla », dédié à Pattie.
La suite, ce sera une tournée monumentale, ballottée entre l’échec commercial de l’album et la mort d’amis proche. A commencer par Jimi Hendrix, la veille où Eric allait lui offrir sa première guitare de gaucher.
Le concert du Fillmore est enregistré les 23 et 24 octobre 1970, soit un mois après la mort d’Hendrix. Clapton, barbu, carbonisé, out of control, prend possession de la scène. Et sa musique est bien loin de Clapton. Soutenu par un groupe souple, totalement à son service, il envoie dans les étoiles des soli magiques. Le son de la Stratocaster est rugueux. Ce soir-là, Clapton malaxe une lave sonique, tout comme Hendrix. Chaque mouvement de ses doigts sur le manche hérisse les épines des roses de son cœur. C’est le sang de son âme qui coule sur la scène. La voix râpeuse, il chante magnifiquement ses chansons d’amour, que ce soit pour Pattie ou pour sa « Bottle Of Red Wine ». Le sommet de ce disque est assurément « Why Does Love Got To Be So Sad ? », magnifique épopée romantique de près de 15 minutes sur laquelle Clapton dresse comme des étendards ses souffrances et ses démons intérieurs pour toucher la Lune.
Il y a bien évidemment plusieurs classiques de ses concerts comme « Key To The Highway », ou « Blues Power », et une reprise funky de « Crossroads ». Mais ce qui ressort surtout de ce double live, c’est la puissance émotionnelle de la musique, soutenue en permanence par un groupe dont Clapton dira qu’ils l’ont littéralement poussé au-delà de ses limites musicales.
La suite, ce sera la dissolution de Derek And The Dominos, suite à différentes frictions entre les musiciens, et le bide commercial de l’album.
Pour couronner le tout, Duane Allman meurt en 1971 dans un accident de moto. Clapton se noie un peu plus dans l’héroïne jusqu’à cette prestation pitoyable au Concert For Bengladesh organisé par Harrison, sur laquelle Eric, non accordé, gratouille quelques notes brouillonnes.
Il disparaît alors deux ans durant dans sa villa en compagnie de sa copine héroïnomane pour construire des maquettes d’avion.
C’est Pete Townshend, des Who, qui le sort de la panade en organisant ce concert au Rainobw Theater en 1973. Clapton, barbu, apparaît en compagnie de Townshend, Jim Capaldi, Steve Winwood, Rick Grech, Ron Wood, et Reebop Kwaaku Baah.
C’est sur un tapis de guitares lourdes et pâteuses comme sa bouche que Clapton joue ce soir. L’ambiance est heavy, épaisse, embrumé. « Layla » sonne comme une gueule de bois. Et la reprise de JJ Cale, « After Midnight » résume à lui seul le concert. Un peu en roue libre, boueux, mais finalement en parfait contrôle, soutenu par une rythmique impeccable, souple, soul, celle de Grech et Capaldi.
Ce grand concert et le premier avant une cure de désintoxication qui le remet sur pied en 1974. Il enregistre dans la foulée le classique « 461, Ocean Boulevard ». Classique, ce disque n’en a que le nom. Car si il y a des tubes, comme le dira Clapton, il est avant tout la réunion des titres mineurs que le groupe répétait en jam. Et le contenu est effectivement relax, mais parfaitement anecdotique. Ce sera d’ailleurs une constante de tous les disques de Clapton : pas désagréable, mais sans grand intérêt. Là où son âme brille, c’est lorsque la guitare rugit, et ce sera hélas de plus en plus rare.
Alors Clapton serait-il finalement au top musicalement lorsque son esprit est au plus bas ? Oui, car c’est là que le cœur parle instinctivement. Et c’est là le meilleur de l’homme.


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