CHICKEN SHACK : « Imagination Lady » 1972
Mythique groupe du British Blues-Boom de la fin des années 60, Chicken Shack ne bénéficie pourtant pas de la cote du Peter Green’s Fleetwood Mac ou de John Mayall et ses Bluesbreakers. Sans doute est-ce parce d’aucun guitar-hero légendaire n’est passé dans ses rangs.
Pourtant, à l’instar de Kim Simmonds de Savoy Brown, Stan Webb est l’une des plus fines lames du Blues-Rock anglais. Compositeur doué, musicien et chanteur émérite, Webb fait partie de ces seconds couteaux que seuls les amateurs connaissent.
Fondé en 1966, Chicken Shack a aligné trois albums et de nombreux singles dans les charts britanniques entre 1967 et 1969. A l’époque composé de Stan Webb, Christine MacVie aux claviers et au chant, Dave Bidwell à la batterie et Andy Sylvester à la basse, le groupe fait jeu égal avec Fleetwood Mac. Il échouera néanmoins dans la conquête des USA, et après le départ de MacVie, l’orientation Heavy de sa musique avec l’arrivée de Paul Raymond va perturber les fans de Blues, et laisser indifférents les fans de Heavy-Rock alors assoiffés de Led Zeppelin, Deep Purple, et Black Sabbath.
En 1970, après la sortie du pourtant excellent « Accept », le quatuor se disloque progressivement : Raymond, Bidwell, puis Sylvester rejoignent Savoy Brown, alors en pleine expansion US.
Ainsi, en 1971, Webb se retrouve seul avec le nom du groupe. Echaudé, mais pas découragé, il réécoute ses albums favoris de Freddie King. Là, l’idée d’un power-trio germe dans son esprit.
Il embauche bientôt deux illustres inconnus : Paul Hancox (ex – Mungo Jerry), à la batterie, et John Glascock à la basse. Les premières répétitions font trembler les murs : le trio est une redoutable machine à Heavy-Blues. Les premiers concerts sont atomiques. La presse fait état de la parfaite cohésion des trois musiciens, et surtout de l’impressionnante envie d’en découdre de Webb. Car il s’agit bien là de vengeance. Le guitariste veut prouver que Chicken Shack n’est pas mort, et qu’il en est le moteur. Et qu’il est capable d’affronter les redoutables machines de guerre Heavy.
En octobre 1971, le groupe entre en studio, et en ressort avec un monstre. L’état de fait est confirmer : Chicken Shack est devenu un monstrueux power-trio, calcinant des classiques du Blues, ainsi que de nouvelles compositions héritées de Freddie King, justement. La batterie d’Hancox martèle des rythmiques sidérantes, Glascock fait ronfler sa basse comme un Jack Bruce, et Webb distille une guitare gorgée d’acide et d’acier en fusion. Tantôt chaude et grasse, presque garage, tantôt couinante et hululante sous la Lune, gorgée de Wah-Wah, la guitare de Webb est devenue le seul vrai moyen pour celui-ci de déverser sa colère. Il ne lui reste plus qu’à chanter merveilleusement bien, tantôt écorché, tantôt coassant, roublard.
Le disque s’ouvre sur la reprise de Freddie King « Crying Won’t Help You Now », magistrale, où la basse tient toute la place de la guitare rythmique pendant que Webb règle ses comptes avec sa Baby. Puis vient une composition de Stan The Man, « Daughter Of The Hillside », au riff rageur, grondant qui se poursuit sur une Wah-Wah rugissante comme une bête protéiforme. La voix, elle, se fait sentencieuse et résolue. Rarement l’homme a chanté aussi bien. Souvent décrié pour son timbre, celui-ci retentit avec une véritable puissance émotionnelle parfaitement en phase avec la guitare.
Quand vient la reprise de Tim Hardin « If I Were A Carpenter », on espère une petite accalmie. Il faut avouer que tout commence calmement : Webb égrène ses accords, et sussure les paroles. Puis la guitare folle retentit dans un déluge d’acier. Les riffs gorgés de Wah-Wah font monter en altitude la ballade Folk d’Hardin. Derrière. La basse de Glascock court comme une seconde guitare, temporisant le grondement sourd de la Lead. Puis basse et guitare retentissent à nouveau, pendant que Hancox fracasse cymbales et double grosse caisse.
Et ce n’est pas la chanson de Don Nix, « Going Down », qui va calmer le jeu. Webb sort de la baraque, sa guitare à la main, les yeux fixés sur l’horizon. Et pas question de faire les malins. Rythmique carrée, riff gras et plombés, soli narquois, Webb est affirmatif : « I’m Going Down ».
Puis vient une des plus belles pièces de l’album : « Poor Boy ». La guitare et le chanteur se renvoient la balle, seuls, dans une intro très Blues à la John Lee Hooker. Puis l’ensemble gronde en cœur, comme une menace. La Wah-Wah coasse alors progressivement, et Webb bout intérieurement. Batterie et basse galopante, la guitare intercale ses riffs garage. Puis un solo venu des entrailles de la Terre surgit, véritable miracle sonique. La six-cordes se met littéralement à parler. Et c’est avec le goût amer que le « Poor Boy » finit sa chanson.
Suit « Telling Your Fortune » qui commence comme un bon vieux Heavy-Rock, avant un solo de batterie impressionnant. Ce titre figurait déjà sur le disque précédent, « Accept », dans une version plus sèche et rugueuse. Ici, le Chicken Shack nouveau apporte le souffle de puissance typiquement heavy-rock du début des années 70. Le solo de batterie s’écrase dans un crash de cymbale, avant que Webb reprenne les choses en main avec un bon vieux Blues : « I’m In The Mood », où la rythmique boogie prépare le terrain à de merveilleux soli fumants.
L’album se finit sur une dernière chanson, âpre et pleine de désillusion : « I’m A Loser ». Et Webb sent qu’il en est effectivement un. Et comme le dit la dernière phrase : « Im a loser and I always will » (je suis un loser, et je le serai toujours). Oui, Stan The Man sait qu’il ne reviendra plus jamais en haut de l’affiche, et qu’il devra désormais traîner sa guitare de clubs en pubs, à jouer son Blues pour une poignée d’initiés.
Les ventes des albums suivants confirmeront le fait que Chicken Shack est sur le déclin. Après moult changements de personnel, le groupe se sépare en 1974. Webb rejoindra alors Savoy Brown pour l’album « Boogie Brothers », avant de fonder l’excellent Broken Glass avec Miller Anderson.
Par la suite, de multiples reformations de Chicken Shack auront lieu, mais malgré de bons moments, le groupe tombe progressivement dans l’oubli. Aussi procurez-vous d’urgence ce brûlot, et savourez, car il s’agit tout simplement de l’un des tous meilleurs albums de Heavy-Blues de tous les temps. tous droits réservés
Mythique groupe du British Blues-Boom de la fin des années 60, Chicken Shack ne bénéficie pourtant pas de la cote du Peter Green’s Fleetwood Mac ou de John Mayall et ses Bluesbreakers. Sans doute est-ce parce d’aucun guitar-hero légendaire n’est passé dans ses rangs.
Pourtant, à l’instar de Kim Simmonds de Savoy Brown, Stan Webb est l’une des plus fines lames du Blues-Rock anglais. Compositeur doué, musicien et chanteur émérite, Webb fait partie de ces seconds couteaux que seuls les amateurs connaissent.
Fondé en 1966, Chicken Shack a aligné trois albums et de nombreux singles dans les charts britanniques entre 1967 et 1969. A l’époque composé de Stan Webb, Christine MacVie aux claviers et au chant, Dave Bidwell à la batterie et Andy Sylvester à la basse, le groupe fait jeu égal avec Fleetwood Mac. Il échouera néanmoins dans la conquête des USA, et après le départ de MacVie, l’orientation Heavy de sa musique avec l’arrivée de Paul Raymond va perturber les fans de Blues, et laisser indifférents les fans de Heavy-Rock alors assoiffés de Led Zeppelin, Deep Purple, et Black Sabbath.
En 1970, après la sortie du pourtant excellent « Accept », le quatuor se disloque progressivement : Raymond, Bidwell, puis Sylvester rejoignent Savoy Brown, alors en pleine expansion US.
Ainsi, en 1971, Webb se retrouve seul avec le nom du groupe. Echaudé, mais pas découragé, il réécoute ses albums favoris de Freddie King. Là, l’idée d’un power-trio germe dans son esprit.
Il embauche bientôt deux illustres inconnus : Paul Hancox (ex – Mungo Jerry), à la batterie, et John Glascock à la basse. Les premières répétitions font trembler les murs : le trio est une redoutable machine à Heavy-Blues. Les premiers concerts sont atomiques. La presse fait état de la parfaite cohésion des trois musiciens, et surtout de l’impressionnante envie d’en découdre de Webb. Car il s’agit bien là de vengeance. Le guitariste veut prouver que Chicken Shack n’est pas mort, et qu’il en est le moteur. Et qu’il est capable d’affronter les redoutables machines de guerre Heavy.
En octobre 1971, le groupe entre en studio, et en ressort avec un monstre. L’état de fait est confirmer : Chicken Shack est devenu un monstrueux power-trio, calcinant des classiques du Blues, ainsi que de nouvelles compositions héritées de Freddie King, justement. La batterie d’Hancox martèle des rythmiques sidérantes, Glascock fait ronfler sa basse comme un Jack Bruce, et Webb distille une guitare gorgée d’acide et d’acier en fusion. Tantôt chaude et grasse, presque garage, tantôt couinante et hululante sous la Lune, gorgée de Wah-Wah, la guitare de Webb est devenue le seul vrai moyen pour celui-ci de déverser sa colère. Il ne lui reste plus qu’à chanter merveilleusement bien, tantôt écorché, tantôt coassant, roublard.
Le disque s’ouvre sur la reprise de Freddie King « Crying Won’t Help You Now », magistrale, où la basse tient toute la place de la guitare rythmique pendant que Webb règle ses comptes avec sa Baby. Puis vient une composition de Stan The Man, « Daughter Of The Hillside », au riff rageur, grondant qui se poursuit sur une Wah-Wah rugissante comme une bête protéiforme. La voix, elle, se fait sentencieuse et résolue. Rarement l’homme a chanté aussi bien. Souvent décrié pour son timbre, celui-ci retentit avec une véritable puissance émotionnelle parfaitement en phase avec la guitare.
Quand vient la reprise de Tim Hardin « If I Were A Carpenter », on espère une petite accalmie. Il faut avouer que tout commence calmement : Webb égrène ses accords, et sussure les paroles. Puis la guitare folle retentit dans un déluge d’acier. Les riffs gorgés de Wah-Wah font monter en altitude la ballade Folk d’Hardin. Derrière. La basse de Glascock court comme une seconde guitare, temporisant le grondement sourd de la Lead. Puis basse et guitare retentissent à nouveau, pendant que Hancox fracasse cymbales et double grosse caisse.
Et ce n’est pas la chanson de Don Nix, « Going Down », qui va calmer le jeu. Webb sort de la baraque, sa guitare à la main, les yeux fixés sur l’horizon. Et pas question de faire les malins. Rythmique carrée, riff gras et plombés, soli narquois, Webb est affirmatif : « I’m Going Down ».
Puis vient une des plus belles pièces de l’album : « Poor Boy ». La guitare et le chanteur se renvoient la balle, seuls, dans une intro très Blues à la John Lee Hooker. Puis l’ensemble gronde en cœur, comme une menace. La Wah-Wah coasse alors progressivement, et Webb bout intérieurement. Batterie et basse galopante, la guitare intercale ses riffs garage. Puis un solo venu des entrailles de la Terre surgit, véritable miracle sonique. La six-cordes se met littéralement à parler. Et c’est avec le goût amer que le « Poor Boy » finit sa chanson.
Suit « Telling Your Fortune » qui commence comme un bon vieux Heavy-Rock, avant un solo de batterie impressionnant. Ce titre figurait déjà sur le disque précédent, « Accept », dans une version plus sèche et rugueuse. Ici, le Chicken Shack nouveau apporte le souffle de puissance typiquement heavy-rock du début des années 70. Le solo de batterie s’écrase dans un crash de cymbale, avant que Webb reprenne les choses en main avec un bon vieux Blues : « I’m In The Mood », où la rythmique boogie prépare le terrain à de merveilleux soli fumants.
L’album se finit sur une dernière chanson, âpre et pleine de désillusion : « I’m A Loser ». Et Webb sent qu’il en est effectivement un. Et comme le dit la dernière phrase : « Im a loser and I always will » (je suis un loser, et je le serai toujours). Oui, Stan The Man sait qu’il ne reviendra plus jamais en haut de l’affiche, et qu’il devra désormais traîner sa guitare de clubs en pubs, à jouer son Blues pour une poignée d’initiés.
Les ventes des albums suivants confirmeront le fait que Chicken Shack est sur le déclin. Après moult changements de personnel, le groupe se sépare en 1974. Webb rejoindra alors Savoy Brown pour l’album « Boogie Brothers », avant de fonder l’excellent Broken Glass avec Miller Anderson.
Par la suite, de multiples reformations de Chicken Shack auront lieu, mais malgré de bons moments, le groupe tombe progressivement dans l’oubli. Aussi procurez-vous d’urgence ce brûlot, et savourez, car il s’agit tout simplement de l’un des tous meilleurs albums de Heavy-Blues de tous les temps. tous droits réservés
3 commentaires:
existe t il des reeditions cd de ce groupe? rebeltrain
Tout à fait mon cher !
Tout est disponible entre 1967 et 1974. le label Sanctuary Castle a rééditié une anthology "Complete Recordings" qui regroupe les enregistrements Blue Horizon, à savoir les quatre premiers disques : "40 Fingers Ready To Serve" de 1967, "OK Ken" de 1968, "Ten Ton Chicken" de 1969 et "Accept" de 1970. ces quatre disques sont très blues anglais classiques, à part "Accept", très bon. Ce même label a réédité "Imagination Lady" de 1972, "Unlucky Boy" de 1973, et "Go Live" de 1974 l'année dernière. Sinon, le label Indigo a édité plusieurs compilations de raretés, mais conseillées aux fans, et difficiles à trouver.
A bientôt.
J'adore cet album, mais maintenant lorsqu'on me dit chicken shack je vais errer immédiatement vers le Live Goodbye de 1974 et notamment vers les deux morceaux qui s'y suivent "the Thrill is gone" puis le totalement merveilleux "You take me down" alors oui il est moins Heavy que le "Imagination Lady" mais dans ces deux chansons particulièrement webb y est et m'atteint avec au moins autant de force que le petit homme de Cork merci pour la chronique!
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