mercredi 26 mars 2008

CAMEL

CAMEL « Mirage » 1974

Le rock progressif est-il uniquement synonyme de morceaux longs et chiants ? Assurément non. Néanmoins, lorsque j’ai découvert de disque il y a dix ans de cela, j’en étais plutôt persuader.
Comme tout ado, j’aimais ces longues plages musicales, souvent virtuoses, mettant en exergue la virtuosité, parfois gratuite, des musiciens d’un groupe. J’aimais notamment King Crimson, ses délires entre jazz et free-jazz.
Je dois avouer être resté assez frais devant les délires symphoniques de ELP, notamment parce qu’il n’y avait pas de guitare, mais aussi de Yes, dont la seule dégaine scénique me rebuta. Il y avait aussi Pink Floyd, le groupe des bobos, qui me gonfla rien que pour ça (à part « The Piper At The Gates Of Dawn » avec Syd Barrett : j’aime les fous).
C’était un après-midi ensoleillé de juin, et je me dirigeais chez mon disquaire favori, un marchand de disque d’occase grand fan du live « USA » de King Crimson.
Au hasard de mes recherches, je tombai sur ce disque aux allures de paquet de clopes. Et je demandai à écouter. Dés « Freefall », je pris une claque. Le rythme rapide, enlevé de cette plage, la basse appuyée et entêtante, et la guitare me laissèrent sur place. J’achetai l’album sur le chant, convaincu d’avoir trouvé un groupe formidable.
Et Camel est effectivement un excellent groupe. Formé de Andy Latimer à la guitare et au chant, de Peter Bardens aux claviers, de Doug Ferguson à la basse, et de Andy Ward à la batterie, ce quartet commença sa carrière à la fin des années 60. Il sortit son premier album en février 1973.
« Mirage » est son second, et sans doute le plus abouti. Parce qu’ici, il n’est question que d’ambiances, pas de virtuosité gratuite. Si les quatre sont d’un très bon niveau technique, c’est toujours au service de la mélodie. Les structures des morceaux ne sont pas non plus d’une complexité extrême. Je le répète, il est question ici d’ambiance : chaque ralentissement ou accélération de tempo est le moyen pour le groupe d’installer un nouveau tableau musical.
Autre particularité, le tempo enlevé du disque, plutôt rare dans le rock progressif, plus habitué aux ambiances planantes à la Pink Floyd, ou aux morceaux lourds et pompiers de Yes ou ELP.
Ce qui frappe également, c’est l’impression de fraîcheur et de légèreté qui se dégage de la musique. On écoute cet album d’une traite, comme l’on fait un voyage de 38 minutes.
On passe ainsi du tourbillonnant « Freefall » au léger et flûté « Supertwister ». « Nimrodel » est une ballade fraîche où domine le clavier cristallin de Bardens. Le décollage se fait réellement avec « Earthrise », et son accélération brillante, où s’alternent solo de clavier magnifique et solo de guitare sidérant, presque hendrixien, les deux se répondant sur une rythmique folle, véritable embardée de basse chaude et de batterie en cavalcade (Ward est un sacré batteur, très Keith Moon par moment).
Le disque s’achève sur la longue pièce « Lady Fantasy », alternant plusieurs scènes très bien construites, commençant par un riff lourd, très Black Sabbath, sur lequel survole le synthé de Bardens. Par ailleurs, il faut signaler que ce dernier ne se serre que peu du classique orgue Hammond, pour des sonorités plus originales comme le piano électrique, le moog, ou les premiers synthétiseurs.
Ce qui impressionne sur ce titre vraiment progressif, c’est la fluidité du morceau, la manière dont tout coule de source, sans heurt, mais avec un vrai plaisir d’écoute jusqu’à la dernière note. On passe de la tempête la plus noire aux envols de grands oiseaux blancs avec une facilité déconcertante.
Et l’on ressort de cet album apaisé, réjoui, heureux d’avoir écouté de l’excellente musique. Par la suite, Camel se prit les pieds dans le tapis avec « The Snow Goose », un album concept instrumental devant servir de bande-son à une pièce de théâtre.
Les autres albums qui suivront seront dans la veine de « Mirage », notamment « Moon Madness » de 1976, mais avec ce je ne sais quoi de moins. Peut-être l’époque, qui se tourne vers le Punk, et plonge Camel dans un relatif ghetto musical. Cela ne l’empêchera pas de tourner jusqu’en 2003, date officielle de sa séparation.
Mais incontestablement, la sève séminale de Camel fut sur ce disque de 1974, résumé parfait du progressif intelligent et musical.
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