"Avec
ce disque, le guitariste règle ses comptes avec tout le monde "
Stan
Webb poursuit son aventure avec Paul Hancox, et un nouveau bassiste
d'origine australienne du nom de Bob Daisley. Le groupe effectue une
tournée britannique avant que Daisley ne se voit proposer le poste
de bassiste du groupe de Mungo Jerry, qui a obtenu plusieurs hits :
'In The Summertime' en 1970 et 'Baby Jump' en 1971. Daisley reviendra
pourtant en 1974 auprès de Stan Webb, qualifiant lui-même
l'expérience musicale avec le guitariste de passionnante.
L'album
'Unlucky Boy' de Chicken Shack en août 1973, et accentue toute la
résignation de Webb. Déjà sur le sublime 'Imagination Lady', le
dernier morceau s'appelait 'The Loser'. Cette fois, on voit le
guitariste au milieu d'une caricaturale remise de disque d'or en
couleurs, tout sourire, entre secrétaire, homes d'affaires et
peut-être sa maman. Le verso montre Webb se faisant prendre en photo
en noir et blanc avec la femme de ménage de Deram.
Malheureusement,
'Unlucky Boy' ne poursuit pas la trajectoire toute en puissance de
'Imagination Lady'. Il y a pourtant de merveilleux morceaux d'une
noirceur rare. 'You Know You Could Be Right' qui ouvre le disque est
un titre blues-rock massif, urbain, radical. Il est suivi par le
poignant 'Revelation'. Le blues-rock se fait plus fainéant. Il
réside cette amertume puissante dans la bouche. Il n'est pas
question que de blues-rock, mais aussi d'âme torturée. Et sans le
savoir, Webb les bouleverse.
Le
disque ouvre la voie à une nouvelle tournée. Chicken Shack se lance
dans le circuit des universités anglaises en compagnie de Savoy
Brown. C'est à la Brunel University en 1973 que fut capté le
concert d'un live sorti en février 1974 : 'Go Live'. Le groupe
n'est que celui de merveilleux mercenaires du blues-rock : Rob
Hull à la basse, Dave Wilkinson au piano électrique, et Alan Powell
à la batterie. Témoignage du talent du quatuor, il n'a pas retrouvé
la folie saturée du 'Imagination Lady'. Stan Webb joue un blues-rock
brillant, presque trop carré. Pourtant il témoigne d'une mélancolie
profonde. Webb ne cherche plus la respectabilité vis-à-vis des
années, pas plus que celle face à la concurrence heavy-blues. Il a
baissé les armes, et traîne son spleen électrique sur de superbes
compositions, qu'elles soient siennes ou non : 'Thrill Is Gone',
'Goin' Down', 'You're Mean', 'Poor Boy'….
Chicken
Shack s'éteint, et Kim Simmonds vient bientôt solliciter Stan Webb.
Il avance aussi pour chercher Miller Anderson du Keef Hartley Band.
L'idée est de créer une sorte de super-groupe du blues anglais. Le
groupe prend forme, mais prend rapidement le nom de Savoy Brown,
parce que le plus évocateur aux Etats-Unis selon le manager de Savoy
Brown : Harry Simmonds, frère de Kim. Savoy Brown nouvelle
formule enregistre 'Boogie Brothers' en 1974, qui frise le Top 100 US
à la 101ème place. Webb ne s'y implique guère en tant que
compositeur, sur la réserve, méfiant. Ils sont programmés dans les
plus belles salles américaines, et notamment le Madison Square
Garden de New York. Stan Webb donne tout ce qu'il a en tant que
show-man, découvre qu'il n'est payé que comme musicien de session.
De plus, alors que la tournée s'achève et que personne n'a encore
touché un centime, Harry Simmonds annonce aussitôt qu'il faut
repartir dans l'autre sens pour autant de shows. C'est la goutte
d'eau. Le départ de Webb marque la fin de cette formation de Savoy
Brown. Kim Simmonds réanimera le groupe un an plus tard avec le
fidèle Paul Raymond.
Stan
Webb reforme aussitôt un groupe comprenant le dévoué Bob Daisley à
la basse, Robbie Blunt à la guitare rythmique, et Bob Clouter,
ex-Legend de Mickey Jupp. Ils font la première partie de Deep Purple
en Europe en mars 1975. Un bel enregistrement sort en 2015, une bande
issue de la collection de Daisley, capté en Allemagne sur cette
tournée. Le groupe joue serré. Ritchie Blackmore est un grand
admirateur, lui qui n'a jamais su jouer le blues comme ses idoles que
sont Hendrix et Clapton. Il admire les alternances de notes déliées
et d'accélérations, ainsi que l'usage tout en nuances de la wah-wah
de Webb. Il prendra des cours en coulisses avec Webb pour user de la
bottleneck.
Le
disque paru en 2015 mentionne le nom de Chicken Shack, ce qui est
alors le cas sur cette tournée en compagnie de Deep Purple en
Grande-Bretagne et en Allemagne en mars 1975. Le groupe Elf, dont le
chanteur n'est autre que Ronnie James Dio, est aussi à l'affiche, en
ouverture. Puis, Stan Webb cherche à couper avec son passé Blues.
Certes, le répertoire des concerts précédents sont une magnifique
mixture de morceaux de Blues, de Rythm'N'Blues et de vieilles scies
de Chicken Shack, mais le guitariste veut donner à sa musique une
couleur plus Rock. La formation devient donc Stan Webb's Broken
Glass. La formation évolue au cours de l'année.
Bob
Clouter s'en va. Bob Daisley accepte de rejoindre un super-groupe
nommé Widowmaker, et réunissant les guitaristes Luther Grosvenor de
Spooky Tooth et Mott The Hoople et Huw Lloyd-Langhton de Hawkwind, le
chanteur Steve Ellis de Love Affair, et le batteur Paul Nichols de
Lindisfarne. Puis il rejoindra Rainbow en 1977, formation réunissant
Ritchie Blackmore et Ronnie James Dio.
Webb
fait appel au batteur Mac Poole de Warhorse et à Bob Rawlinson à la
basse. Keef Hartley a aussi fait un court intérim, et Miller
Anderson est venu jouer en ami. Broken Glass sort son premier et
unique album en 1975 chez Capitol Records. La superbe pochette est
faite de verre brisée, de sang et de vieille mécanique.
Stan
Webb jette sur ce disque tout ce qu'il aime à ce moment, sans plaire
à son public ni à séduire une audience mainstream qui est entre le
Glam-Rock, le Rock Californien et le Disco. Le 33 tours s'ouvre sur
l'une des plus belles compositions de Webb : 'Standing On The
Border'. Il y évoque avec de l'ironie mais aussi beaucoup d'amertume
son divorce. Le titre est rageur, à la fois sombre et brillant d'une
lumière pâle et désenchantée. Miller Anderson est venu prêter
main forte à la guitare slide et au chant. Mac Poole imprime un
tempo rude, puissant, brutal, sec, mais incroyablement solide. Le
timbre de Webb se voile, se gorge de colère et de désespoir.
L'homme est presque à nu, ne se cachant plus derrière une pointe
d'humour. Les voix de Anderson et Blunt se croisent superbement sur
le refrain, tels des Crosby, Stills And Nash du Blues.
'It's
Alright' poursuit la déstabilisation de l'amateur de blues anglais,
avec une atmosphère brumeuse et quelques réminiscences… Funk.
Rawlinson débute le titre avec une ligne de basse souple, Blunt et
Webb croisent leurs guitares en laid-back, mi-blues, mi-soul-funk. Le
solo de Webb n'est pas sans rappeler ceux de Mark Knopfler en 1978
avec Dire Straits, tout en picking à peine saturé. Stan Webb chante
merveilleusement bien sur cette mélodie mélancolique et narquoise.
Tout va bien pour moi, hein, t'inquiètes. Même si la chanson suit
celle qui évoque son divorce….
Broken
Glass finit de perdre les derniers amateurs de Chicken Shack avec
'Keep Your Love', qui n'est autre qu'un… reggae ! Certes, Eric
Clapton avait repris Bob Marley et son 'I Shot The Sheriff' dès
1974. Pourtant, ce morceau original a bien plus de reggae dans les
veines que la reprise de Clapton. D'abord, il y a ce superbe rythme
syncopé accompagné de sa ligne de basse inventive, parfaitement
imbibé de musique jamaïcaine, et notamment celle de Toots And the
Maytals et de Jimmy Cliff dont Webb imite parfois le timbre. Un orgue
Hammond vient apporter du corps, et les choeurs de Anderson et Blunt
rappellent ceux des Maytals. Le résultat est aussi surprenant que
réussi. C'est un excellent morceau, audacieux.
'Can't
Keep You Satisfied' retourne sur les terres du Blues ancestral, celui
qui berça les origines de Chicken Shack. Mais il y traîne une brume
étrange. La slide gluante imprime une drôle d'atmosphère, tout
comme la section rythmique collante. Il y a quelque chose de Pub-Rock
qui frissonne entre ces gammes, avant l'explosion de guitare de Webb,
impérial et concis. L'instrumentation minérale donne une drôle de
sensation. Mais depuis le début, cet album a un je-ne-sais-quoi de
prolétaire, d'urbain, de triste, de mélancolique. Il ressemble à
une rue de maisons de briques descendant vers la mer, sur une jetée
froide et venteuse où se balancent de fiers bateaux de pêches aux
contours rouillés.
'Jersey
Lightning' est une petite pochade Country-Blues fort réussie. Elle
est suivie par l'une des plus réussies des reprises Rock de 'Evil'
de Howlin' Wolf. Le vainqueur est celle de Cactus, mais Broken Glass
perd de peu. Il y a beaucoup de choses dans ce morceau : la
progression du riff électrique, les ponts Funk, la voix narquoise de
Webb, les choeurs Soul de Miller Anderson.
'Ain't
No Magic' est sans doute ce qu'il y a de plus surprenant à écouter
de la part de Stan Webb. On y croise du Funk lourd, notamment imprimé
par la basse de Rawlinson, et un synthétiseur moog. Webb chante
comme un acteur, sa voix nasillarde et grave est parfois déformée,
comme une illusion sonique. La chanson est obsédante jusqu'à la
moelle, faite de motifs répétitifs rappelant Can.
'Crying
Smiling' est un morceau plus ensoleillé, entre Blues et Rock. 'Take
The Water' est une redoutable embardée Funk. Stan Webb se prend pour
James Brown, le reste du groupe pour Funkadelic. Cette belle
improvisation démontre encore combien Stan Webb a du talent à
intégrer de la musique hors du blues classique. 'Broken Glass' et
son âme triste clôt un disque superbe. C'est une superbe chanson
acoustique, imbibé de Folk anglais : Davy Graham, Bert Jansch,
John Renbourn. La suite sera une tournée de Broken Glass en
première partie de Uriah Heep en février 1976 en Allemagne.
Mais
surtout, le Punk viendra, et fera des guerriers Blues-Rock des
losers. En 1976, Stan Webb a trente ans. Il forme un nouveau groupe :
Stan Webb's Speedway. Il fait le Marquee à Londres, il suit les
mêmes circuits que le Heavy-Metal de l'époque : Samson, Tygers
Of Pan-Tang, Sledgehammer, Angel Witch. Il joue ses standards
préférés de Blues et de Rythm'N'Blues dans des salles de plus en
plus petites, aux côtés de briscards comme Groundhogs ou Stray. Et
Stan est toujours là, entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Il
joue, imperturbable, et les vagues ne l'inquiètent guère.
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1 commentaire:
Broken Glass and Canned Heat did together tournee May 8 to 14, 1975 or 1976 , Do you exactly the year 1975 or 1976?
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