"On sent que ce que
joue Budgie est ancré dans leurs tripes, et que cette rage viscérale
est celle de ces années de galère sans la moindre reconnaissance."
BUDGIE : Power Supply
1980
Le tournant des
années 80 a été une période délicate pour de nombreux groupes à
la carrière bien installée. Les excès de la vie sur la route ne
sont pas pour aider à maintenir une créativité à toute épreuve
après plusieurs albums, et autant de tours du monde. Qu'ils soient
particulièrement populaires ou non, beaucoup de formations ont arrêté
les frais à l'aube d'une décennie semble-t-il maudite.
Pour ce qui est
des formations de Hard-Rock, l'arrivée dans les années 80 oblige un
choix entre deux options : foncer tête baissée dans l'usage de
synthétiseurs et les refrains mélodiques accrocheurs du hard-fm, ou
alors tenter d'aller chercher les petits jeunes sur le terrain de la
violence métallique, au risque de se ridiculiser dans un son bourrin
mal dégrossi et maladroit. Certains franchiront le pas
merveilleusement, comme Black Sabbath, d'autres pataugeront
lamentablement, comme Uriah Heep .
Budgie,
trio de gallois fondé à la fin des années 60, forge son acier
depuis sept albums. Après quatre premiers essais remarqués par les
amateurs comme une vraie alternative ultra-violente à Black Sabbath,
Budgie semble toucher du doigt le succès avec les excellents In
For The Kill en 1974 et
Bandolier en 1975, qui
se hissent respectivement à la 29ème et à la 36ème place des
charts britanniques.
Mais le Pub-Rock puis le Punk naissant vont ratatiner ses fruits balbutiant pourtant cueillis après des années d'un travail acharné à tourner consciencieusement et enregistrer ce qui est déjà une œuvre musicale plus que digne d'intérêt. Déçu mais pas découragé, Budgie repart en studio, et après quelques balbutiements sur Bandolier, décide d'injecter une dose sérieuse de Soul-Music dans son Heavy-Metal. A l'heure où le Disco fait des ravages sur les ondes comme dans la Rock-Music, le trio se révèle totalement crédible, et publie un excellent album : If I Were Britannia, I'd Wave The Rules en 1976. Et alors qu'il semble blacklisté dans une bonne partie des salles anglaises, comme beaucoup de ses camarades heavy comme les Groundhogs ou Stray, il décide de tenter le tout pour le tout et de partir sur le Continent américain afin de ratisser l'Amérique du Nord, plus ouverte aux sonorités dures en cette fin de décennie soixante-dix.
Mais le Pub-Rock puis le Punk naissant vont ratatiner ses fruits balbutiant pourtant cueillis après des années d'un travail acharné à tourner consciencieusement et enregistrer ce qui est déjà une œuvre musicale plus que digne d'intérêt. Déçu mais pas découragé, Budgie repart en studio, et après quelques balbutiements sur Bandolier, décide d'injecter une dose sérieuse de Soul-Music dans son Heavy-Metal. A l'heure où le Disco fait des ravages sur les ondes comme dans la Rock-Music, le trio se révèle totalement crédible, et publie un excellent album : If I Were Britannia, I'd Wave The Rules en 1976. Et alors qu'il semble blacklisté dans une bonne partie des salles anglaises, comme beaucoup de ses camarades heavy comme les Groundhogs ou Stray, il décide de tenter le tout pour le tout et de partir sur le Continent américain afin de ratisser l'Amérique du Nord, plus ouverte aux sonorités dures en cette fin de décennie soixante-dix.
Un
second album heavy and soul, Impeckable,
poursuit la logique du disque précédent, et le groupe, quatuor sur
scène avec un second guitariste dans ses rangs, Myf Isaac, continue
ses assauts sur les scènes américaines. Progressivement, il se
forge un public, et remplit des théâtres de cinq mille personnes
sur son seul nom. Mais les ventes de disques ne suivent pas. Fatigué
par dix années sur la route, et désireux de se consacrer à sa
famille, Tony Bourge, guitariste historique et forgeron du son
Budgie, quitte le groupe. Péniblement remplacé au pied levé par le
pourtant talentueux Rob Kendrick, ex-seconde lame du tout aussi
talentueux Trapeze, le trio poursuit sa campagne américaine.
Après trois
années d'intense labeur non-stop, Budgie revient en Grande-Bretagne
épuisé, ruiné, et sans guitariste. Burke Shelley,
bassiste-chanteur, est le seul survivant du band original. A ses
côtés se tient, fidèle à son poste, le batteur Steve Williams, en
charge des fûts depuis 1975. A leur retour en 1979, la
Grande-Bretagne a bien changé. Le Punk s'est mué en New Wave aux
sonorités synthétiques. Mais la colère de la jeunesse n'est elle
pas retombée. Margaret Thatcher a commencé son œuvre, et ce sont
des gamins toujours avides de décibels qui viennent se presser dans
les salles de concert pour écouter des musiciens... à cheveux
longs. Car le Heavy-Metal est de retour.
Une nouvelle vague de groupes, parmi lesquels Iron Maiden, Def Leppard, Saxon ou Tygers Of Pan-Tang, reprennent à leur compte le Heavy des années 70. A leurs côtés, et bénéficiant de ce vent nouveau, de valeureux guerriers profitent de l'occasion pour se faire entendre. Parmi eux, on distingue Judas Priest, Whitesnake, Motorhead, ou encore Thin Lizzy. Si cette nouvelle vague leur permet d'être dans la lumière, aucun d'entre eux ne sera de purs opportunistes, tentant de durcir leur musique et de revêtir un blouson de cuir pour vendre quelques disques de plus. Les faits sont là, leur opiniâtreté a payé, et enfin se distingue pour eux un succès et une reconnaissance bien méritée.
Une nouvelle vague de groupes, parmi lesquels Iron Maiden, Def Leppard, Saxon ou Tygers Of Pan-Tang, reprennent à leur compte le Heavy des années 70. A leurs côtés, et bénéficiant de ce vent nouveau, de valeureux guerriers profitent de l'occasion pour se faire entendre. Parmi eux, on distingue Judas Priest, Whitesnake, Motorhead, ou encore Thin Lizzy. Si cette nouvelle vague leur permet d'être dans la lumière, aucun d'entre eux ne sera de purs opportunistes, tentant de durcir leur musique et de revêtir un blouson de cuir pour vendre quelques disques de plus. Les faits sont là, leur opiniâtreté a payé, et enfin se distingue pour eux un succès et une reconnaissance bien méritée.
Pour
ce qui est de Budgie, il en sera autrement. Eloignés de la
Grande-Bretagne, ils ont coupé le contact pendant deux années
cruciales. Mais acculés, de la colère et de l'amertume plein la
gorge, Shelley et Williams ne pouvaient qu'exploser, eux qui avaient
déjà fait résonner les murs de leur Hard féroce.
Après
quelques auditions, un guitariste est trouvé : Il s'appelle Big
John Thomas, et provient d'un groupe de Hard-Blues teinté de
couleurs sudistes, le Georges Hatcher Band. A eux trois, ils
signent, humiliation suprême, avec une filiale de leur ancienne
maison de disques : MCA. En guise de hors d'oeuvre, ils
dégainent un EP de quatre titres au titre aussi poétique
qu'évocateur de l'état d'esprit : If Swallowed, Not
Induced Vomiting. Sur ce rond de
cire daté du mois de juillet 1980, on trouve quatre uppercuts
musicaux d'un Heavy-Metal rugueux et sans concession. On y distingue
les influences d'AC/DC et de Judas Priest, soit des riffs sans
concession sur un tempo d'enfer. Le chant de Shelley s'est teinté
d'un voile rauque, lui faisant perdre cette sonorité d'enfant
malsain qui était la sienne aux débuts des années soixante-dix. La
batterie de Williams est puissante et carrée, et les riffs de
Thomas, saignant à souhait.Mais au grand jamais on ne distingue de quelconque pastiche d'une valeur montante du Heavy. On sent que ce que joue Budgie est ancré dans leurs tripes, et que cette rage viscérale est celle de ces années de galère sans la moindre reconnaissance. Le trio a resserré les boulons, et a décidé de pratiquer un Hard puissant et sauvage, nettoyé de ses velléités progressives ou soul passées. Ce EP arrive en tout cas juste à temps pour permettre à Budgie de participer à l'édition 1980 du Festival de Reading, délivrant un set décapant. Cette édition historique verra la New Wave Of British Heavy-Metal prendre le contrôle avec Angel Witch, Iron Maiden, Praying Mantis ou Samson.
Budgie se lance
également à l'assaut des salles anglaises, notamment en première
partie du Blizzard Of Ozz d' Ozzy Osbourne, et se forge à la force
du poignet un nouveau public. Ils sont aidés en cela par plusieurs
des nouveaux chevaliers métalliques, dont beaucoup sont en fait des
fans devenus musiciens, comme Steve Harris d'Iron Maiden.
Un
nouvel album est enregistré, et son nom ne laisse aucun doute sur
les aspirations du trio : Power Supply. Il
paraît le 10 octobre 1980. Et il est parfaitement dans le lignée du
EP qui servit de hors d'oeuvre. Dés « Forearm
Smash », l'auditeur est
pris à la gorge par un riff sale et méchant, à la tonalité très
australienne. John Thomas le coiffe d'un superbe solo de slide
parfaitement Blues et du plus bel effet. Cinq minutes et quarante
secondes d'un trépignement frénétique, où la batterie puissante
et précise de Steve Williams enfonce le clou.
Non
content d'avoir confirmé leur penchant pour un Hard-Rock des plus
agressifs, Budgie décide d'aller encore plus loin dés le second
morceau. « Hellbender »
est un intense brûlot de Heavy-Metal d'une méchanceté alors encore
rarement atteinte. Dans la droite lignée de Judas Priest, avec une
petite touche de folie meurtrière en plus, le trio opte pour la
politique de la terre brûlée. Mid-tempo, s'emballant sous les coups
d'accélérateur, « Hellbender »
ronfle comme une grosse cylindrée. Ou plutôt comme un orage
particulièrement menaçant. Le pourtant décapant British
Steel de Judas Priest vient de
se trouver un sérieux concurrent dans le registre de la brutalité.
Le riff préfigure le Thrash à venir, y compris au niveau du solo,
dont on sent poindre l'influence de Randy Rhoads. Budgie a en tout
cas largement participer à accoucher ce qui sera le nouveau Metal
des années 80, définitivement coupé de ses racines Blues.
Puisque
du quintet clouté de Birmingham il fut question avec le morceau
précédent, on en retrouve aussi un sérieux prétendant avec
« Heavy Revolution ».
Riff overdosé et tendu, tempo carré, massif, comme le pratique Dave
Holland, et refrain hurlé montant dans les aigus, se dessinent
toutes les caractéristiques du Heavy-Metal de Birmingham. Pourtant,
le morceau carbure de tous ses cylindres, sans que l'on ait la
sensation d'un mauvais pastiche avec une moue de dégoût. Bien au
contraire, Budgie a parfaitement assimilé le nouveau son, et c'est
ce dont il est question dans les paroles, cette révolution Heavy qui
balance aux orties Punk et Disco, ces genres musicaux qui barrèrent
la route au trio.
« Gunslinger »
leur permet de retrouver une approche qui leur est plus personnelle :
l'alternance de douceur et de violence. Mais une douceur toute
relative, amère. La guitare électrique vient sonner la première
semonce, avec un pont électrique épique avant l'emballement général
dans un larsen fulgurant. Thomas se lance dans une cavalcade des plus
lyriques, un solo magnifique, tenant autant de ZZ Top que d'AC/DC.
Williams et Shelley maintiennent un feu nourri derrière la
six-corde, avant que les trois musiciens stoppent brutalement la
machine.
Il
est alors temps de retourner le 33 tours vinyl. Après quatre
morceaux aussi furieux, on aurait pu s'attendre à un répit. Mais il
n'en est aucunement question. « Power Supply »
est un nouveau missile envoyé à vive allure, tempo rapide, et riff
martelé, aucun temps mort, et encore un chorus des plus savoureux de
la part de John Thomas.
« Secret
In My Head » permet aux
trois musiciens de se lancer à nouveau dans un morceau plus
ambitieux, sous forme d'alternance de tempos rapide et mid, et au
riff aussi ambitieux que sauvage. On retrouve ce tempérament de sale
gosse mélancolique qui faisait la saveur des premiers albums de
Budgie. Mais avec une colère démultipliée. Le groupe a l'esprit
vengeur, et ne se laisse pas longtemps abattre. Il reste menaçant et
noir. Ce lyrisme dans l'émotion n'est pas sans rappeler une version
métallique de Rory Gallagher. C'est aussi cette influence qui se
dessine en filigrane derrière ce que l'on qualifiera de ballade de
l'album : « Time To Remember ».
Car si le trio ralentit un peu le rythme et les décibels sur les
couplets, le refrain reste explosif. Le morceau semble hanté par « A
Million Miles Away » du
live Irish Tour 74, et
transpire de toute l'amertume de la mélodie du bluesman irlandais.
Budgie ne tombe pas dans l'ornière de la chanson sentimentale pour
danser le slow. Il est un maître dans ces morceaux maniant avec
subtilité l'électricité et les climats.
De
Blues, il en est encore question en filigrane derrière le lourd
« Crime Against The World ».
Une fois encore, c'est AC/DC qui sert d'influence, et particulier les
albums Highway To Hell
et Back In Black. Au
point que ce morceau aurait presque pu y figurer tant il est à la
fois Hard-Blues et délectable. Néanmoins, le son de la guitare
s'avère plus lourd et métallique, sale et teigneux, si cela était
encore possible. Le refrain est particulièrement contagieux, et fait
de ce dernier morceau un hymne de scène parfait.
Pétri
de colère, et revigoré par la nouvelle scène Heavy-Metal anglaise,
Budgie offre un album en tous points parfaits, qui a su tirer tout le
venin de ses nouvelles influences pour l'injecter dans sa propre
musique. Malheureusement, le disque ne se classe pas dans les charts
anglais. Toujours ignoré de la critique, il est considéré comme un
groupe has-been en quête de reconnaissance et tentant de se
raccrocher au wagon de la New Wave Of British Heavy-Metal. Alors
qu'il est un contemporain de Thin Lizzy et Judas Priest, il ne
bénéficiera pas du même retentissement médiatique. Par la suite,
le groupe va injecter davantage de mélodie dans son Heavy-Metal, ce
qui, couplé à un écumage en règle des salles, lui ouvrira à
nouveau les portes des classements britanniques, fort modestement. La
salve de canons que fut Power Supply
a néanmoins permis à Budgie de revenir au premier plan musical et
de prouver qu'il était toujours l'un des gangs les plus dangereux du
pays.
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