"Ce live en est l’extraction la plus magique, la plus organique, un sirop de l’âme qui est une véritable parenthèse dans l’espace-temps."
STEVE HILLAGE : « Live Herald » 1979
Ce soir je n’ai pas peur. Il flotte dans l’air urbain comme un vent salvateur, une fraîcheur bienfaisante. Ce soir Steve Hillage joue en ville. A l’heure du Punk, Hillage n’est pourtant qu’un vulgaire hippie ringard. Après tout, n’est-il pas que le guitariste top-bab franco-britannique Gong ?
Ce collectif musical fut connu pour ses quelques très bons délires cosmico-progressifs, et puis surtout leurs touches d’allumés notoires. Ah ! Se souvient-on de la compagne du leader Daevid Allen, Gilly Smith, dont le rôle était pour les amateurs de musique de massacrer les envolées lyriques d’Hillage et Didier Malherbe par ses délires cosmiques stridents ?
Est-ce cela qui poussa Hillage à se lancer dans un carrière solo ? Toujours est-il que l’homme sort son premier disque en 1974, c’est-à-dire (pour l’époque) cent ans trop tard par rapport à l’apogée du rock progressif. Car en 1974, on fait du glam-rock.
Mais l’homme est malicieux, et son talent sera de créer une musique à la fois progressive, mais totalement novatrice. Un peu à l’instar d’un Robert Fripp au sein de son King Crimson réactivé au débuts des années 80. Steve Hillage propose en effet une étrange mixture de jazz-rock énergique, de musique électronique, et maestria guitaristique. Car il a du talent, Steve. Et sa carrière solo semble enfin lui laisser toute latitude à son expression musicale.
Ainsi, en pleine ère Punk, il offre au monde abasourdi deux disques merveilleux : « Motivation Radio », et « Green ». Ces deux bijoux déroutent. Oui, c’est progressif, vaguement hippie, mais sacrément élaboré et mélodique. En un mot ? Magique.
Steve Hillage créa à ce moment-là une sorte de bulle électrique au-delà du temps qui semblait tout réconcilier : le rock, les nostalgiques de l’école de Canterbury, et puis ces jeunes Punks qui trouvaient cela plutôt bien, et qui aimait secrètement Hawkwind.
Ces deux disques sont en tout cas l’occasion d’assurer deux longues tournées européennes. Hillage enregistre à cette occasion plusieurs concerts, qui permettront la sortie d’un live que voici.
Plus que tout autre, il est une aventure émotionnelle faramineuse. Ecouter ce disque, c’est se plonger dans un grand bain de synthétiseurs cristallins comme de l’eau en percolation, soutenus et défiés par cette guitare à la fois lumineuse et onirique.
L’horizon s’emplit alors de grands arbres centenaires, de fleurs et d’oiseaux multicolores. De beaux animaux sauvages semblent nous tendre la main, et l’air est plus respirable.
Qui d’autre que Steve Hillage peut commencer un concert avec une chanson du nom de « Salmon Song » (la chanson du saumon) en 1978 ? Atypique, à des années lumières (en apparence) des contingences humaines, déroule comme une sorte de pièce de théâtre musicale où les actes s’entrelacent avec les guitares et les synthés.
On constate souvent que les albums emplis de synthétiseurs vintage sont souvent à la limite de l’écoutable. Ce qui impressionne ici, c’est la modernité de l’utilisation. Aérien, liquide, frais, à la fois obsédant et discret, ils n’alourdissent en rien la musique. On doit cela au très bon Basil Brooks et à Miquette Giraudy, compagne de Steve, et ancienne musicienne du Gong de « Shamal » en 1975.
Le rythme est plutôt enlevé, la guitare légère, rêveuse. Hillage plonge dans plusieurs influences, une sorte de mélange entre le Rock Progressif, le Folk, la World Music et le Jazz. Mais il y a ici quelques chose de totalement en avance sur son temps, comme si certaines sonorités n’avaient éclosent que très récemment.
Ce que j’aime chez cette homme, c’est la poésie, la profondeur de sa musique. Toujours songeuse, comme voulant extirper l’auditeur d’une certaine réalité, pour le plonger dans un monde plus ambitieux, moins terre à terre, l’inciter à s’émerveiller de la beauté des choses plutôt que le plonger dans la sordide réalité.
Ainsi, même cette belle reprise du « Hurdy Gurdy Man » de Donovan possède totalement son empreinte malgré l’air familier. « Light In The Sky » se veut plus Jazz et Heavy-Rock. Une totale réussite pour celui qui aime la guitare de haute volée.
« Searching For The Spark » empreinte des sentiers arabisants à travers le désert et les médinas, un superbe et délicat sillon de mélancolie.
Mais les grands sommets sont les deux suites de cette réédition cd (la version originale comprenait une face studio aujourd’hui incluse sur la réédition de « L »). « Radiom/Lunar Music Suite/Meditation Of The Dragon » est une plongée magique dans le monde de Steve Hillage de plus de quinze minutes laternant les ambiances Jazz et world toujours illuminé de cette guitare fantasmagorique. Le bouquet final est ce définitif « Solar Musick Suite », crépusculaire à souhait, comme ce soleil pâle que l’on aperçoit au loin sur la lande ardéchoise. L’astre rougeoyant s’éteint lentement à l’horizon, le cerveau se perd en pensée doucement mélancolique, point définitif sur ce qu’il y a de sans doute plus important dans la vie. Comme cette beauté brune envoûtante et mystérieuse que l’on aperçoit au détour d’un chemin, et qui vous sourit furtivement, emplissant votre cœur d’une joie et d’une douceur sans commune mesure.
La musique de Steve Hillage est tout cela et bien au-delà. Elle est finalement si définitive qu’il n’en donnera aucune suite. Se plongeant dans la production d’artistes world et dans la musique électronique, il plongera dans l’ombre des autres, laissant derrière quelques très beaux albums, définitivement intemporels. Ce live en est l’extraction la plus magique, la plus organique, un sirop de l’âme qui est une véritable parenthèse dans l’espace-temps.
tous droits réservés
STEVE HILLAGE : « Live Herald » 1979
Ce soir je n’ai pas peur. Il flotte dans l’air urbain comme un vent salvateur, une fraîcheur bienfaisante. Ce soir Steve Hillage joue en ville. A l’heure du Punk, Hillage n’est pourtant qu’un vulgaire hippie ringard. Après tout, n’est-il pas que le guitariste top-bab franco-britannique Gong ?
Ce collectif musical fut connu pour ses quelques très bons délires cosmico-progressifs, et puis surtout leurs touches d’allumés notoires. Ah ! Se souvient-on de la compagne du leader Daevid Allen, Gilly Smith, dont le rôle était pour les amateurs de musique de massacrer les envolées lyriques d’Hillage et Didier Malherbe par ses délires cosmiques stridents ?
Est-ce cela qui poussa Hillage à se lancer dans un carrière solo ? Toujours est-il que l’homme sort son premier disque en 1974, c’est-à-dire (pour l’époque) cent ans trop tard par rapport à l’apogée du rock progressif. Car en 1974, on fait du glam-rock.
Mais l’homme est malicieux, et son talent sera de créer une musique à la fois progressive, mais totalement novatrice. Un peu à l’instar d’un Robert Fripp au sein de son King Crimson réactivé au débuts des années 80. Steve Hillage propose en effet une étrange mixture de jazz-rock énergique, de musique électronique, et maestria guitaristique. Car il a du talent, Steve. Et sa carrière solo semble enfin lui laisser toute latitude à son expression musicale.
Ainsi, en pleine ère Punk, il offre au monde abasourdi deux disques merveilleux : « Motivation Radio », et « Green ». Ces deux bijoux déroutent. Oui, c’est progressif, vaguement hippie, mais sacrément élaboré et mélodique. En un mot ? Magique.
Steve Hillage créa à ce moment-là une sorte de bulle électrique au-delà du temps qui semblait tout réconcilier : le rock, les nostalgiques de l’école de Canterbury, et puis ces jeunes Punks qui trouvaient cela plutôt bien, et qui aimait secrètement Hawkwind.
Ces deux disques sont en tout cas l’occasion d’assurer deux longues tournées européennes. Hillage enregistre à cette occasion plusieurs concerts, qui permettront la sortie d’un live que voici.
Plus que tout autre, il est une aventure émotionnelle faramineuse. Ecouter ce disque, c’est se plonger dans un grand bain de synthétiseurs cristallins comme de l’eau en percolation, soutenus et défiés par cette guitare à la fois lumineuse et onirique.
L’horizon s’emplit alors de grands arbres centenaires, de fleurs et d’oiseaux multicolores. De beaux animaux sauvages semblent nous tendre la main, et l’air est plus respirable.
Qui d’autre que Steve Hillage peut commencer un concert avec une chanson du nom de « Salmon Song » (la chanson du saumon) en 1978 ? Atypique, à des années lumières (en apparence) des contingences humaines, déroule comme une sorte de pièce de théâtre musicale où les actes s’entrelacent avec les guitares et les synthés.
On constate souvent que les albums emplis de synthétiseurs vintage sont souvent à la limite de l’écoutable. Ce qui impressionne ici, c’est la modernité de l’utilisation. Aérien, liquide, frais, à la fois obsédant et discret, ils n’alourdissent en rien la musique. On doit cela au très bon Basil Brooks et à Miquette Giraudy, compagne de Steve, et ancienne musicienne du Gong de « Shamal » en 1975.
Le rythme est plutôt enlevé, la guitare légère, rêveuse. Hillage plonge dans plusieurs influences, une sorte de mélange entre le Rock Progressif, le Folk, la World Music et le Jazz. Mais il y a ici quelques chose de totalement en avance sur son temps, comme si certaines sonorités n’avaient éclosent que très récemment.
Ce que j’aime chez cette homme, c’est la poésie, la profondeur de sa musique. Toujours songeuse, comme voulant extirper l’auditeur d’une certaine réalité, pour le plonger dans un monde plus ambitieux, moins terre à terre, l’inciter à s’émerveiller de la beauté des choses plutôt que le plonger dans la sordide réalité.
Ainsi, même cette belle reprise du « Hurdy Gurdy Man » de Donovan possède totalement son empreinte malgré l’air familier. « Light In The Sky » se veut plus Jazz et Heavy-Rock. Une totale réussite pour celui qui aime la guitare de haute volée.
« Searching For The Spark » empreinte des sentiers arabisants à travers le désert et les médinas, un superbe et délicat sillon de mélancolie.
Mais les grands sommets sont les deux suites de cette réédition cd (la version originale comprenait une face studio aujourd’hui incluse sur la réédition de « L »). « Radiom/Lunar Music Suite/Meditation Of The Dragon » est une plongée magique dans le monde de Steve Hillage de plus de quinze minutes laternant les ambiances Jazz et world toujours illuminé de cette guitare fantasmagorique. Le bouquet final est ce définitif « Solar Musick Suite », crépusculaire à souhait, comme ce soleil pâle que l’on aperçoit au loin sur la lande ardéchoise. L’astre rougeoyant s’éteint lentement à l’horizon, le cerveau se perd en pensée doucement mélancolique, point définitif sur ce qu’il y a de sans doute plus important dans la vie. Comme cette beauté brune envoûtante et mystérieuse que l’on aperçoit au détour d’un chemin, et qui vous sourit furtivement, emplissant votre cœur d’une joie et d’une douceur sans commune mesure.
La musique de Steve Hillage est tout cela et bien au-delà. Elle est finalement si définitive qu’il n’en donnera aucune suite. Se plongeant dans la production d’artistes world et dans la musique électronique, il plongera dans l’ombre des autres, laissant derrière quelques très beaux albums, définitivement intemporels. Ce live en est l’extraction la plus magique, la plus organique, un sirop de l’âme qui est une véritable parenthèse dans l’espace-temps.
tous droits réservés
2 commentaires:
Petite rectification:
la face studio de "HERALD" n'a pas été réédité en CD sur "L" mais sur "OPEN" (l'album sortit juste après "LIVE HERALD").
"OPEN" album encore plus moderne et visionnaire car fusionnant progressif, new wave et world music (avec Earthrise, reprise d'Oum Kalsoum) sera pourtant moins apprécié des fans!
dommage, car c'est un des meilleurs albums de Steve Hillage!
Je continue mon chemin parmi tes chroniques et je tombe sur Steve Hillage et ce live.
J'ai eu la chance d'assister à l'un des concerts de cette tournée magistrale. La première partie était assurée par un groupe dont je ne me rappelle pas le nom mais dont le batteur était l'ancien de Jethro Tull, il me semble... Peu importe, d’ailleurs...
C'était dans un gymnase à Saint Martin d'Hères, en banlieue grenobloise. Le son avait été difficile à gérer mais le groupe avait su profiter de cette réverb envahissante du lieu pour transcender son propos.
Miquette complètement barrée derrières ses potars de synthés, cette rythmique de blacks incroyable donnant une sensation de funk cosmique (Live herald avec la version de "Electric Gypsies" et son solo de moog en donne un parfait exemple)...
Et chaque solo de Steve restait en tête...
Les albums ne sont pas toujours évidents à dégoter, mais dès que possible, j'en ajoute un en cd à ma collec', car bien sur j'ai tout le reste en vinyls... dont "Green", produit par Nick Mason (Floyd) qui est usé tellement il a tourné (et tourne encore régulièrement) sur ma platine.
L'un de ces artistes qui m'a marqué toute l'adolescence et que j'ai découvert, un soir, chez un pote avec "Fish Rising", pour toujours.
à +
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