samedi 10 octobre 2009

LA NAISSANCE DU HARD-ROCK Part III

"Et puis finalement, le hard-rock est une histoire de guitares. "

5/ Vanilla Fudge et le rock symphonique

« la sensation à Londres, ce n’était pas Jimi Hendrix ou Cream. C’était Vanilla Fudge. Tout le monde, de Paul McCartney à Mick Jagger, se battait pour aller les voir au Marquee. » Et c’est Ritchie Blackmore de Deep Purple qui le dit. Vanilla Fudge, malgré son image kitsch, et sa faible trace dans l’inconscient collectif, reste une charnière fondatrice du futur hard-rock. D’abord parce qu’il influença les premiers Deep Purple. Mais surtout, l’impact et de l’utilisation de l’orgue Hammond, et de la section rythmique définit de nouveaux standards.
Vanilla Fudge commença sa carrière en produisant un premier disque totalement constitué de reprises de soul et des Beatles. Sauf que la musique fut alourdi, et l’aspect dramatique suramplifié. Et puis il y a cette section rythmique… Bruce et Baker sont des esthètes, Bogert et Appice sont des voyous. Si les deux premiers savent respecter un certain sens du raisonnable en restant accrocher à leurs racines blues et jazz, Bogert et Appice s’en contrefoutent. Saturation, breaks ultra-speedés, lourdeur rythmique, cymbales au bord de l’explosion…. Ces deux-là portent un rock inspiré par la musique classique et le symphonisme de Wagner. Sauf que poussé au cul par tels musiciens, tout devient possible. L’alliage de Vanilla Fudge est en fait une relecture totalement psychédélique de la musique pop. Ils décident de lui adapter un aspect totalement wagnérien. En cela, le Fudge rejoint une citation de Jimmy Page de 1980 : « Le hard-rock est comme la musique classique. Il y a un aspect dramatique. L’orchestre appuie la mélodie derrière les musiciens solos. Sauf que la guitare remplace les violons, et la voix le chanteur et les chœurs. »
Vanilla Fudge ouvre la voie de plusieurs groupes de heavy-rock mêlant blues et orgue Hammond saturé : Spooky Tooth, Mott The Hoople, Atomic Rooster et bien sûr, un jeune quintet, Deep Purple. Tous tente l’alliage de l’emphase du Fudge, allié à un son hérité directement du blues anglais. L’orgue permet également l’apport d’un élément plus érudit : la musique classique, dont abuseront sans vergogne Jon Lord et Keith Emerson.

6/ Les Guitar-Heroes

Et puis finalement, le hard-rock est une histoire de guitares. Le premier guitar-hero officiel britannique, c’est Eric Clapton. Il se distingue en 1965 avec les Yardbirds, puis intègre les Bluesbreakers de John Mayall en 1966 lorsque son précédent groupe sort « For Your Love », trop pop à son goût. Il devient alors God auprès de ses fans, grâce à son interprétation ultra puissante du blues de Freddie King. John Mayall devient par ailleurs la pépinière à guitar-heroes de la fin des années 60 (Peter Green, Mick Taylor).
Sur les conseils de Jimmy Page, les Yardbirds recrutent un certain Jeff Beck. Le jeune homme a un jeu totalement inouï, parfaitement atypique à l’époque. N’hésitant pas à pousser les amplificateurs dans le rouge, il se joue du larsen crée entre les retours et ces premiers pour faire naître le sustain, soit le larsen contrôlé. Les Yardbirds deviennent bientôt une attraction scénique courue, d’autant plus qu’en 1966, les orchestres anglais disposant d’un tel maestro du manche sont rares : les Yard et les Bluesbreakers. Point final.
La surenchère enfle lorsque le bassiste des Yardbirds s’en va. Il est remplacé au pied levé par Jimmy Page, histoire de dépanner. Mais Chris Dreja, alors second guitariste, préfère s’effacer et prendre la basse. Pendant six mois, le groupe devient totalement dangereux, voyant l’affrontement des deux frères ennemis, Page et Beck. L’une des rares traces sonores reste le film « Blow-Up » de Michelangelo Antonioni où le héros finit au Marquee à un concert des Yardbirds. Le groupe joue « Stroll On », et les deux rois s’affrontent avant que Beck massacre sa guitare à cause d’un amplificateur récalcitrant.
C’est effectivement dans un larsen que se termine cette périlleuse association, laissant le champ libre à Jimmy Page.
Pendant ce temps, Eric Clapton a rejoint Cream, et Jimi Hendrix vient d’atterrir à Londres afin de finir le travail de décomplexification du guitariste anglais. Il apporte avec lui la folie psychédélique des John Cipollina et autres Jerry Garcia.
La guitare électrique devient l’arme ultime. Le British Blues-Boom devient le nid à guitar-heroes : Peter Green, qui saura mêler avec Fleetwood Mac le psychédélisme et le blues de Chicago à sa folie. Mick Taylor illuminera le blues de John Mayall de sa slide soyeuse, avant de faire de même avec les Rolling Stones.
Mais il faut aussi citer Alvin Lee de Ten Years After, dont la vitesse d’exécution fera rêver des millions d’adolescents lors de la vision du film « Woodstock ».

7/ L’Amérique s’embrase

L’Amérique de Haight Ashbury se meurt en 1968 dans les lacrymogènes de la garde civile et de la dope. En attendant, dans les grandes métropoles industrielles des USA, il n’y a ni contre-culture, ni fleurs, ni plages. Il y a des usines, et un seul horizon, la chaîne. Detroit devient un vif foyer de rock’n’roll brutal et sans concession. Il en sort particulièrement un trio du nom de Blue Cheer. Dick Peterson, Leigh Stephens, et Paul Whaley sont des fans de Cream, mais n’ont pas le dixième de leur technique instrumentale. Ils jouent à Detroit, mais seulement voilà, le son de l’époque, c’est la Motown. Alors histoire de signer avec un label, ils partent à San Francisco. Et décapent les oreilles des hippies locaux. Le premier titre issu de leurs premier album est la reprise d’Eddie Cochran, « Summertime Blues ». Jouée à pleine vitesse, gorgée de fuzz et de basse, elle devient un hit partout dans le monde. Leur premier album, « Vincebus Eruptum », constitué de reprises de blues dont le « Rock Me Baby » de BB King, est un torrent de décibels malsaines, bancales, dont le son saturé ne fait que couvrir la faiblesse instrumentale, relative, des trois musiciens. Le second disque, paru six mois plus tard, est carrément enregistré sur le toit du studio, du fait du son déraisonnable du trio !
Cet album, ironiquement appelé « Outside Inside », est un pur brûlot de heavy-blues en fusion, définissant certains canons du hard-rock à venir : roulements de toms et de double grosses caisses, soli saturés, basse vrombissante. Certes, ces caractéristiques sont celles de Cream, mais voilà, la technique de Blue Cheer est plus abordable pour le débutant. En attendant, il devient le groupe préféré des Hell’s Angels et de Janis Joplin.
Parallèlement à Detroit, la colère blanche se lève. Un quintet pulvérise les oreilles du public des clubs et des conventions démocrates : MC5. Au même moment, James Osterberg, alias Iggy Pop, forme un quatuor avec deux nazes : les Stooges.
Souvent décrié parce que trop pop, le guitariste Dick Wagner fonde The Frost, et un jeune guitariste de quatorze ans intègre les Amboy Dukes, Ted Nugent.
La scène de Detroit devient dangereuse. D’abord il y a ce psychédélisme mué par les drogues, et par un militantisme politique affirmé, qui est celui d’une condition ouvrière bafouée. La musique résonne de ces zones industrielles grises, de la puissance de la soul noire, celle du rythme, qui martèle autant que les machines. La soul ou les machines. Soul Machine. Vivre ou mourir.
A suivre

Aucun commentaire: