samedi 13 décembre 2008

WISHBONE ASH

"Il y a aussi quelque chose de poignant dans cette musique, ce quelque chose qui parle en soi profondément, organique, et qui fait de Wishbone Ash la bande-son mélancolique d’une vie."

WISHBONE ASH « Live Dates » 1974

C’était un petit magasin au coin d’une ruelle du vieux centre-ville d’Albi. Je me dirigeai vers une de mes échoppes favorites. Il y avait dans la petite boutique des rangs entiers de disques vinyls et cd d’occasion, et surtout, un vendeur un peu allumé, qui était devenu un ami.
L’homme grand amateur de rock progressif, m’avait partir moult fois avec des paquets de disques de rock plus ou moins hard. Aussi lorsqu’il récupéra ce « Live dates », il ne manqua pas de me le signaler ; Et pour cause, c’était son disque préféré, « avec le live « USA » de King Crimson ».
Tout fou, il mit le disque sur la platine, et se mit à sautiller sur l’intro de « The King Will Come » en répétant : « Ah, j’adore ce passage ! Je le trouve génial ! ». Je crois que je le déçus profondément ce jour-là en faisant une moue dubitative, et en partant plutôt avec « Overkill » de Motorhead sous le bras.
Le garçon insista dés lors dès qu’il avait un live de Wishbone Ash pour me le vendre. Puis il partit un jour rejoindre sa famille vers Lilles, et depuis, Wishbone ash resta pour moi un mystère. J’achetai ce « Live Dates » bien plus tard, un peu en souvenir de Gilles. Mais surtout parce que la magie de Wishbone Ash avait enfin fait son effet, via « Argus ». Je me suis alors procuré une grande partie de leur discographie, obsédé par ce groupe étrange, et sa musique si limpide mais pourtant si complexe.
A tout bien réfléchir, c’est bien ce « Live Dates » que j’écoute le plus souvent. Il y a dans ce disque une fraîcheur, une authenticité unique. Mais c’est aussi parce qu’il s’agit du testament du Mark I, à savoir Steve Upton à la batterie, Martin Turner à la basse et au chant, et Andy Powell et Ted Turner aux guitares. Ted Turner partira en 1974, laissant sa place à Laurie Wisefield. Non pas que la période Wisefield soit mauvaise, bien au contraire. Mais Turner avait un jeu moins technique, plus folk et blues.
Car avant tout, Wishbone Ash, c’est du blues progressif. C’est aussi et surtout les fameuses guitares à la tierce, apanage de Thin Lizzy et Iron Maiden. Sauf que le Ash les a inventé, et les mit au service de mélodies sublimes. Enfin, Powell et Turner avaient des jeux assez similaires, ce qui entrelaceaient leurs soli à l’infini.
Mais surtout, il y avait dans l’ère Turner un côté blues rural un peu folk très anglais, qui disparaîtra avec Wisefield. Wishbone Ash s’orientera alors vers un son hard-rock plus calibré.
« Live Dates » regroupe une bonne partie des premiers classiques du Ash, et notamment de l’album « Argus ». On découvre les nombreuses facettes de ce combo exceptionnel, entre blues-boogie lourd (« Jailbait », « Baby What You Want me To Do » de Jimmy Reed), chevauchées folles et cristallines (« The King Will Come », « Warrior », « Blowin’ Free »), et longues pièces progressives tout simplement magiques (« The Pilgrim », « Phoenix »).
J’ai toujours trouvé Wishbone Ash très représentatif de la qualité de la musique 70’s, oscillant entre le blues anglais et le folk, le rock progressif, et le hard-rock mélodique. Il y a aussi quelque chose de poignant dans cette musique, ce quelque chose qui parle en soi profondément, organique, et qui fait de Wishbone Ash la bande-son mélancolique d’une vie.
J’ai en tout cas toujours eu ce petit pincement au cœur en écoutant ce disque, bien plus qu’avec d’autres albums qui ont bercé mes jeunes années. Sans doute à cause de Gilles, et de mon exaltation à découvrir tous ces groupes, ce rock magique aujourd’hui oublié.
Mais je ne cesse de m’émerveiller devant l’éclat de la musique de Ash. J’ai toujours eu l’impression d’y découvrir un petit supplément d’âme nouveau. tous droits réservés

mercredi 10 décembre 2008

ZZ TOP

"Ce disque est sans aucun doute le plus proche de l’os du blues. "
ZZ TOP « 1st Album » 1970

Le Texas Blues est un peu comme le Chicago Blues : une institution. Pourtant ce n’est pas exactement grâce aux vénérables anciens du genre que Billy Gibbons revint à cette musique.
Guitariste-chanteur d’un quatuor psyché-garage, les Moving Sidewalks, il assure la première partie du Jimi Hendrix Experience en 1968. Hendrix, très impressionné par le jeun fluide et précis de Gibbons, lui offre une magnifique Stratocaster rose. Le jeune Billy pencera dés lors vers le blues psyché, celui de Jimi.
Il faut dire que les Moving Sidewalks ne sont pas exactement un très bon groupe, notamment au niveau des compos. Et puis, Gibbons a désormais en tête le projet de fonder son propre power-trio.
Il se lie d’amitié avec deux membres d’American Blues, le batteur Frank Beard, et la bassiste Dusty Hill. Les trois partagent l’amour commun du blues et du boogie, et c’est ainsi que dés février 1970, le jeune trio entre en studio pour réaliser son premier disque.
En compagnie de Bill Ham, leur producteur attitré, ils enregistrent un disque étonnant. Pas vraiment au niveau style, car on a affaire à du bon vieux blues-rock burné, qui sent bon le bourbon et le piment mexicain. Non, ce qui percute ici, c’est le son incroyablement clair et cristallin. Là où les anglais privilégient un son boueux proche des enregistrements de John Lee Hooker et Howlin’ Wolf, ZZ Top oriente son heavy-blues vers un son moderne et hard, et coupant comme une lame.
Et c’est d’ailleurs cette alliance de modernité dans l’interprétation, et de musique ancienne qui fera le succès du groupe, 15 ans plus tard. En attendant, ZZ Top ne donne pas dans le clownesque. Les trois, pas encore barbus, déroulent un blues redoutable de précision. Ce qui frappe, c’est le jeu de Gibbons. Incroyablement lent, précis, privilégiant la note qui tue plutôt que la démonstration gratuite. Calé sur une rythmique en béton armé, Gibbons peut enfiler les chorus brillants avec une classe rarement entendu.
Ce disque est sans aucun doute le plus proche de l’os du blues. Les deux disques suivants également me direz-vous. Oui, mais celui-ci est le premier, une déclaration de guerre, une révélation. Car ZZ Top, au milieu du hard anglais et des sons californiens, accouche du hard sudiste en un album, celui de Lynyrd Skynyrd, Blackfoot, et tous les autres. Sauf qu’il ya ici une authenticité délicieuse, loin des clichés sudistes.
Ces trois-là développe un blues redoutable, magique, menaçant, puissant, flirtant avec un hard-rock au son plus proche d’Aerosmith et d’AC/ DC que de Deep Purple et Led Zeppelin. C’est-à-dire avec presque dix ans d’avance.
Et c’est vraiment avec ce disque que je me sens transporté dans les paysages du Texas, sans avoir la désagréable sensation de me sentir dans la peau d’un redneck. Il faut écouter le redoutable blues « Brown Sugar », les heavy et mordants « Squank » ou « Backdoor Love Affair », ou le magnifique et slidé « Old Man ». Il faut s’imprégner de la voix rauque et nasillarde de Gibbons, ses riffs épais et plein de feeling qui font de cet album un grand disque, un très grand disque. Celui de la poussière texane. tous droits réservés