VENOM :
Assault ! 2017
La
canicule a relâché son étreinte, sans doute momentanément. Seuls
quelques politiciens aux dents trop longues refusent de voir la
réalité, trop occupés à leur arrivisme insatiable, et à leurs
connivences. Alors que la population brûle dans le feu de l'enfer
d'un soleil trop cru, notre destin est entre les mains de suppôts
diaboliques. Les forêts carbonisent dans le feu du ciel. Des hommes,
des femmes et des enfants s'éteignent sur un trottoir brûlant ou
dans une mer, la Méditerranée, devenue à la fois une poubelle à
ciel ouvert et un tombeau. Celle qui fut le symbole de l'échange des
cultures est devenue l'immense merdier où meurent les peuples qui
fuient la guerre que leurs voisins riches provoquent.
Au
coeur de l'été, un petit événement rock'n'rollien a attiré mon
attention : Rock'N'Folk, sous la plume de l'éminent Patrick
Eudeline, et Gonzaï, via la sagacité de Christian Eudeline, ont
tous deux consacrés un article à Venom. BMG a publié un coffret
regroupant leurs quatre premiers albums et leur double live, dans un
bel emballage luxueux digne des formations les plus respectées. Je
n'aurai pas le privilège de bénéficier de l'envoi de la chose,
mais cela n'a que peu d'importance. J'ai déjà ces disques et leurs
multiples inédits en plusieurs exemplaires. Fanatique de Venom
depuis mes quinze ans, ils sont, comme Led Zeppelin, Black Sabbath,
Budgie ou Humble Pie, une référence dans mon panthéon personnel.
Je
me souviens de l'expérience quasi-mystique que représenta pour moi
l'écoute de leur premier album, Welcome To Hell.
En exil depuis peu dans le sud-ouest de la France, déraciné de mes
amis et de ma terre natale, je suis en rupture. Je ne supporte pas la
frime de mes camarades, ce suivisme de la mode, avec leurs fringues
Rip Curl et Waikiki,
leur scooters, et leurs grandes gueules de hâbleurs. Je suis un
garçon timide et discret, qui ne parle que pour dire quelque chose
que je juge intéressant. Je suis tombé dans le tourbillon de la
superficialité. Je me sens seul, et ne me fais d'amis que parmi
quelques gars en marge, plus discrets, et considérés comme des
losers de la cour de récréation.
Nous
sommes en 1994, et le Black-Metal norvégien est en vogue. C'est le
genre Metal extrême du moment : Emperor, Mayhem, Satyricon,
Darkthrone, Immortal…. Sont
les princes de l'enfer glacé venu de Norvège. Ils
sont le contre-point le plus obscur des Guns'N'Roses, Metallica et
Def Leppard qui sont les rois du Heavy-Metal de stades. Ils
ne font désormais plus peurs. Le Black-Metal devient donc cette
force sulfureuse dans une musique de plus en plus installée
médiatiquement. C'est d'ailleurs l'omniprésence du Glam-Metal aux
Etats-Unis qui provoquera notamment, avec les clips mainstream de Rod
Stewart, Elton John, David Bowie…. L'éruption du Grunge de Seattle
et du Stoner-Rock californien.
Pour
le public Metal, le Black est désormais la musique la plus féroce
et la plus intègre de toutes. Toutefois, ces gaillards ont quelques
références musicales. Pas vraiment passionné par leur travail, je
lis toutefois les noms évoqués : Celtic Frost, Mercyful Fate,
et surtout, Venom. Ils sont
comme des dieux, ceux par qui tout est arrivé. Et lorsque j'écoutai
leur premier album, cela devint évident.
J'en
étais alors à considérer que la bonne musique s'était arrêtée
vers 1980. J'aimais par exemple AC/DC, mais pas après 1980. Mais
lorsque je tombai sur les premiers disques d'Iron Maiden, je finis
par revoir mon jugement. J'aimais ce que l'on appelait la NWOBHM (New
Wave Of British Heavy-Metal). Il y avait un côté spontané, sans
concession, que l'on trouvait aussi dans les deux premiers disques de
Led Zeppelin. Lorsque je
découvris que Venom faisait partie de cette fameuse NWOBHM, il me
semblait que ce trio avait un vrai intérêt.
Et
puis, je découvris aussi l'occultisme. Ce fut grâce à Led
Zeppelin, et par un hors-série de Rock'N'Folk qui évoqua le mage de
Jimmy Page : Aleister Crowley. En pleine rupture adolescente, je
m'intéressai à ses écrits, à sa vie, à ce satanisme du Rock. Et
puis il y eut Venom. L'univers
sataniste du Black-Metal ne me parlait pas. Je trouvais cela
grotesque et prétentieux. J'aimais la brutalité des visuels de
Venom, et ce côté maladroit, spontané.
La
pochette du premier album fut marquante. Elle était simple,
artisanale.
L'écoute des premiers morceaux fut un bouleversement intérieur. Il
n'était plus question de mélodie ou de virtuosité. Venom
pratiquait un Heavy-Metal sauvage, imbibé de Judas Priest et de
Motorhead, mais avec une précarité technique qui était celle des
groupes Punk de 1977. Conrad Lant, alias Cronos, chanteur et
bassiste, était technicien de studio chez Neat Records. Il n'avait
que dix-sept ans. Il apprit à sa manière, cherchant toujours dans
ce qu'il entendait l'agression sonore et la brutalité, y compris
dans les disques favoris de son enfance : Sweet, Status Quo,
Marc Bolan…. De mon côté,
je venais de trouver un groupe sale, agressif et méchant. Il n'était
même pas question des jolis arrangements de studio de Emperor. Venom
était un groupe violent et brutal. Il était le fruit de la fusion
du Punk et du Heavy-Metal. Et c'est cela que j'aimais.
Voir
la presse musicale s'enthousiasmer
sur Venom me provoqua une curieuse sensation. Je me sentis dépossédé
de cette musique qui vibrait en moi. Elle était intouchable,
personne ne pouvait la griffer. Mais
en quelques lignes, en quelques pages, Venom devint ce groupe à
découvrir. Venom était
presque acceptable moralement, un jalon du Rock à découvrir, même
si l'enthousiasme était frai. Et pour cause. Le Metal faisait chier
le Rock depuis trente ans. Toutefois,
je ne
retrouvai pas vraiment
ce qui était pour moi l'esprit de ces trois garnements démoniaques
dans ces lignes. En réalité,
il faut se plonger dans cette scène musicale anglaise de 1980.
(à suivre)tous droits réservés
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire