"Et ils furent un pas majeur vers le
Thrash-Metal donc, en même temps que Venom."
RAVEN : « Rock Until You
Drop » 1981
Ils sont de retour. Encore une fois.
Raven revient en 2015, avec une nouvelle tournée MON-DIALE et un
nouvel album. J'ai de l'affection pour ce trio issu de la vénérable
et inénarrable New Wave Of British Heavy-Metal du début des années
80. Raven en fut l'un des splendides seconds couteaux, comme Diamond
Head ou Angelwitch. Ils furent de ces espoirs déchus malgré des
albums solides, une vraie personnalité musicale, et un ratissage en
règle des salles de concerts britanniques puis européennes. Raven
fut même de ceux qui, rares, eurent la chance de tenter de percer
aux USA comme Saxon ou Motorhead, souvent avec le même résultat
décevant.
Ils furent aussi de ceux qui, une fois
le contrat avec la major du disque tant espéré, vendirent leur âme
au Diable pour sortir une série de disques aux forts relents de
hard-mélodique commercial, caressant l'espoir de refaire le coup de
Def Leppard en terre yankee. Ils friseront l'auto-parodie et
l'auto-complaisance, avant de revenir, trop tard, à leur son à eux.
Car il y eut les passages à vide, les
albums finissant dans les bacs à soldeur et les salles de concert de
plus en plus petites et de plus en plus vides. Malgré tout, ils
conservèrent une base de fans solides qui leur permit d'être encore
là, quarante ans après leur formation. Le line-up n'a guère bougé
depuis 1979, à part le départ du batteur historique Rob « Wacko »
Hunter en 1988, remplacé par Joe Hasselvander, celui-là même qui
tape les peaux dans Pentagram depuis 1977. Et plus que jamais, on
retrouve les frangins Gallagher (pas ceux de Oasis, hein), John à la
basse et au chant, et Mark à la guitare.
Et puis il y a toujours ce bon vieux
sens de la déconne, et ce bon vieux Hard-Metal bien bourrin, à part
les quelques écarts mentionnés plus haut, entre 1985 et 1987 pour
être précis. Et encore, le billet vert ne réussit pas à les
débarrasser totalement de leur bon vieux Metal torgniole. Car Raven,
c'est du Heavy-Metal d'hommes. Du Metal à base de claques dans la
gueule. Ils sont en cela les vrais pionniers du Thrash, avec des
morceaux à tiroirs, un chant allant de l'hystérie au grognement,
des riffs en cascade, et finalement peu de lignes mélodiques
réelles. Que du muscle, pas de gras. Ce qu'ils appelleront avec leur
sens du crétin assumé : « Athletic Rock ».La genèse du groupe remonte à 1974, lorsque les deux frères Gallagher fondent un groupe de reprises hard-rock et progressif, de Budgie à UK en passant par Budgie, Black Sabbath, Led Zeppelin ou Rainbow. D'abord quatuor, les deux musiciens additionnels sont sur des sièges éjectables régulièrement, jusqu'à qu'ils adoptent la formule du trio et trouve en 1979 un batteur au moins aussi fêlé qu'eux : Rob « Wacko » Hunter. Raven écume les clubs et les gymnases, en première partie de formations punk ou new-wave (Stranglers, Motors...) totalement dépassées par l'énergie du trio.
Dés 1978, Raven composent ses propres
titres, mais il faut attendre 1980 pour une première trace
discographique, le décapant simple « Don't Need Your Money ».
Rapidement, Raven impose un son réellement nouveau. Il est le
premier groupe à réellement balayé les influences Blues et le
lyrisme progressif à rallonge du Heavy-Metal initial. Ils vont en
particulier mélanger le côté flashy et épique, tout en riffs
tendus de Van Halen et Montrose, et le mélange pop-riffs acérés de
The Sweet post-1973. Et puis un petit soupçon de riffs boogie à la
Status Quo. On ne le dit jamais assez, mais ces groupes créèrent
une formule qui inspira énormément dans le Heavy-Metal, et pas
seulement le Glam-Metal californien. Raven y injecta un côté urbain
et crade typiquement britannique, inspiré des jolis horizons de la
riante Newcastle.
Le trio sut faire monter la sauce à
coups de concerts ultra-énergiques et de morceaux disséminés sous
forme de simples ou sur des compilations cultes de la nouvelle vague
Heavy-Metal anglaise. Signé sur Neat Records, le label de Venom
entre autres, ils produisirent leur premier album en 1981 :
« Rock Until You Drop ».
Je suis un grand amateur de leurs
trois premiers albums en particulier, et celui-ci en tout premier
lieu. Il a tout : l'énergie, les morceaux aboutis et rôdés
sur scène, le côté rugueux du vrai Rock'N'Roll anglais tel qu'il
doit toujours être joué. Il a ce côté braillard qui faisait chier
vos parents, et laissent vos enfants totalement consternés devant
tant de violence gratuite.
J'ai toujours aimé Raven, de manière
générale, j'ai cette affection particulière pour ces trois zozos
pas sérieux pour un clou, produisant avec la même régularité
leurs lots de baffes sonores en s'éclatant comme des gamins
attardés. Et ils furent un pas majeur vers le Thrash-Metal donc, en
même temps que Venom. Mais là où le trio de l'Enfer cherchait la
violence par le bruit et la fureur, Raven fait preuve d'un niveau
technique largement supérieur à la moyenne du Rock de l'époque. Et
ils ne sont pas dans l'outrancier total non plus.
Par contre comme Venom, ils tournèrent
avec Metallica. Ce fut en 1983 le « Kill'Em All For One Tour »,
du nom des deux albums respectifs de chaque groupe à l'affiche. En
attendant, en 1981, Raven se lance dans un ravage en règle de la
Grande-Bretagne, puis du reste de l'Europe.
« Rock Until You Drop »
fut enregistré en six jours aux studios Impulse avec le producteur
Steve Thompson dans des conditions proches du concert en direct. La
rythmique syncopée de la batterie de Hunter, les riffs de guitare
ouverts ultra-tendus et frénétiques de Mark Gallagher, et le chant
possédé de John Gallagher, dopé par une basse ronflant derrière
la guitare, rend l'atmosphère de ce disque totalement furieuse. Et
ce dés « Hard Ride ». Cet excellent morceau est encore
ancré dans le Hard-Metal plutôt classique, Hunter maintenant un
tempo binaire très Rock, et Mark Gallagher râclant le bois de sa
guitare dans un riff d'inspiration Status Quo. Mais le chant de John
Gallagher et le son de la six-cordes, tous deux ultra-agressifs
donnent à ce titre une approche nouvelle, plus moderne. On la
retrouve également sur « Don't Need Your Money », dans
la même veine. Les tempos abrupts sont à chercher du côté des
meurtriers « Hell Patrol », « Over The Top »
ou « Nobody's Hero ». C'est sur ce genre de morceau que
l'on trouve l'ambivalence de Raven. Les morceaux sont à la fois de
structure complexe, presque progressive, et d'une rudesse Rock dans
l'interprétation et l'approche similaire à un AC/DC. Le dureté de
l'acier et la finesse de la lame en somme.
Avec le medley « Hellraiser/Action »,
Raven rend hommage à l'un de ses héros : The Sweet.
D'ailleurs, c'est grâce à cette reprise que j'ai découvert le
quatuor glam anglais. Si les versions originales sont moins mordantes
que celles du trio de Newcastle, j'ai découvert les origines de ces
riffs serrés, sous tension électrique. On sent les trois musiciens
comme des petits fous en jouant ces deux morceaux qu'ils semblent
connaître par cœur et avoir déformé à leur guise durant de longs
mois de tournée et de répétitions.
Cet album comporte un titre éponyme
véritable hymne Rock par excellence. Un tempo médium, lourd, et un
refrain à chanter en cœur, une bière à la main et le poing levé.
La référence au foot américain ne sera pas la dernière. Wacko
Hunter revêtira bientôt des équipements de ce sport, en
particulier le casque, qui deviendra son symbole. Il l'utilisera
notamment pour frapper ses cymbales, nouveau gimmick scénique à
ajouter à la furie des concerts de Raven.
« Lambs To The Slaughter »
ouvre la voie au speed-metal par son riff rapide et sa batterie
entêtante. L'album se termine sur le tout aussi speed « Tyrant
Of The Airways ». Ce morceau de plus de sept minutes rappelle
une autre influence majeure de Raven : Rush. Si l'on retrouve
l'influence du Rock Progressif anglais sur la construction des
morceaux, ici les changements d'atmosphère, le jeu de guitare
incisif et lyrique rappelle celui d' Alex Lifeson, du trio canadien.
En particulier sur la superbe introduction atmosphérique et ses
arpèges à la fois aériens et orageux. Les paroles font référence
au second conflit mondial, un des thèmes importants de Raven. Ici il
est fait référence au conflit aérien, et notamment la Bataille
D'Angleterre. Par les modulations de tempos et de riffs, Raven
traduit la frénésie du combat. Sur ce terrain Metal Progressif, le
trio tient la route, et Mark Gallagher se montre un guitariste
inventif et inspiré, sans esbroufe déplacée.
Ajoutées à l'album original sur les
rééditions cd, on trouve trois face B de simples tout simplement
démoniaques : « Wiped Out », « Inquisitor »
et « Crazy World ». Loin d'être du complément pour
collectionneur, il s'agit d'excellente musique, trépidante,
véritables chevauchée d'adrénaline dans la lignée de cet
excellent album. Le 33 tours prouve sans doute davantage qu'outre
être un fabuleux groupe de Rock, Raven a de l'envergure et de
l'ambition.
« Rock Until You Drop »
ouvre la voie à quatre années de magie musicale, la bande des
frères Gallagher va aligner trois albums d'excellente facture et un
double live enregistré sur leur tournée US de 1983. Ce qui devait
leur ouvrir la voie vers le succès commercial notamment en terre
américaine, plus ouverte au Metal en ce milieu des années 80, sera
finalement le pinacle du groupe. Rapidement dépassé en brutalité
sonore, mais trop hard pour les oreilles du grand public, Raven
restera un éclaireur magique mais sous-estimé. Avec ce superbe
premier disque, il n'est surtout pas à négliger. Et malgré son
aspect débraillé et furibard, il n'est surtout pas à prendre
musicalement à la légère.
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4 commentaires:
Article de qualité une fois n'est pas coutume.
Je connais mal "Raven" en revanche leur morceau "Wiped Out" est une tuerie absolue.
Un des titres heavy les plus efficaces des 70' & 80's avec le "Master Heartache" de Sir Lord Baltimore et le "Mutants" d'ULTRA.
Je te conseille vivement cet album si tu aimes les disques de furie absolue et de violence gratuite comme peut l'être également le premier de Sir Lord Baltimore.
A l'époque, j'avais particulièrement apprécié "All for One". Le "Live at Inferno" était sympathique bien que grevé par les excès de crie suraiguës de John Gallagher, et quelques soli qui étaient parfois plus proches d'un délire sonore que de quelque chose de vraiment musical.
"Stay Hard" m'avait déçu (d'autant que cela représentait un coût à mon budget très très serré). Vu les moyens qu'ils avaient désormais à leur disposition, on pouvait s'attendre à un disque au moins du même niveau que son prédécesseur, "All for One". Mais non. La production trop clinquante ne lui rendait pas service, et certains morceaux frôlaient la caricature du titre Hard pour ados américains. Toutefois, à mon sens, il y avait encore des trucs sympathiques à sauver, tout comme sur "The pack is back" (encore plus inégal).
Avec "Life's a bitch", qui était pourtant vanté comme le renouveau du trio, j'ai abdiqué.
Les 3 premiers albums sont excellents, un groupe qui était bien "violent" pour l'époque et qui lui aussi est souvent cité comme source d'inspiration par de nombreux groupe de thrash. Et monsieur Joe Hasselvander derrière les futs, ça fait plaisir.
Superbe chronique, encore une fois, comme celle de Cactus.
El Chuncho.
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